3 règles simples pour sortir de la culture « coup de com’ »

J’ai participé comme auditeur au 1er Campus de la Communication qui s’est déroulé du 1er au 2 juillet à Paris à l’initiative d’une douzaine d’associations professionnelles de la communication. A la lumière des débats de la première matinée sous la houlette rafraîchissante du sociologue Dominique Wolton, je suis ravi de constater que le métier de dircom s’organise et réfléchit sur son essence. Enfin s’élèvent les voix pour refuser d’être réduit aux caricatures méprisantes si souvent jetées en pâture par les médias et l’opinion publique. Enfin s’affirment les convictions pour faire de la communication, une véritable fonction stratégique ancrée dans le long terme plutôt qu’un gadget de bonimenteur court-termiste pour dirigeants en mal de gloriole.

Combien de fois en effet avons-nous entendu claquer l’expression « c’est de la com ! » pour désigner une action menée en interne ou en externe. Une expression qui ne fleure pas le compliment appuyé, loin s’en faut ! Elle tombe au contraire comme un verdict péjoratif où la communication est synonyme de vaste escroquerie intellectuelle, voire de manipulation de la pire espèce pour travestir la réalité des faits à l’avantage exclusif de quelques-uns.

Il faut bien avouer que certains communicants ne font rien pour enrayer le mythe tenace et dévalorisant qui colle aux basques de la communication. Si la com’ « petits fours, strass et paillettes » est globalement révolue, le « coup de com’ » continue lui à se porter comme un charme. Pour s’en convaincre, il suffit de se remémorer l’effet d’annonce créé par l’Elysée avec l’annulation de la garden-party du 14 juillet puis la flopée de mesurettes anti-dépenses ministérielles que le Chef de l’Etat a dégainée les jours suivants pour vanter une République vertueuse et soucieuse de ses deniers. Un contrefeu habile pour éteindre la polémique des appartements, des cigares, des hôtels de luxe et tutti quanti. Sans parler de la livraison de l’Airbus présidentiel flambant neuf à près de 180 millions d’euros pièce.

Des progrès mais peut mieux faire

Trop souvent la communication est réduite à un simple besoin de retour sur investissement

Néanmoins, la communication a globalement cessé d’être perçue comme un métier de saltimbanque. Sauf peut-être dans les milieux hyper-rationnels des costumes gris rayés où les tableurs Excel et la « bottom line » sont les viatiques uniques et tout-puissants de l’entreprise. Aujourd’hui, la direction de la communication n’est plus (ou quasiment) rattachée à la direction du marketing pour les dossiers externes, ni à la direction des ressources humaines pour les aspects internes. La fonction siège même à part entière dans les comités exécutifs et de fait, a accès à la cabine de pilotage de l’entreprise et aux décisions stratégiques.

Il n’en demeure pas moins que si la communication a bien acquis ses galons de fonction stratégique, elle reste source de malentendus. Nombreux sont les dirigeants à encore y voir un outil pour enjoliver les atouts de l’entreprise à l’instar du spot publicitaire qui titille les instincts consommateurs. Nombreux également sont les dirigeants qui misent sur la communication comme une formule magique qui emportera forcément l’adhésion du public auquel on s’adresse. Nombreux enfin sont ceux qui veulent la soumettre à l’icône « ROI » (le fameux acronyme anglo-saxon du « Return on Investment ») au même titre qu’une chaîne de montage dans une usine.

La vision de cette communication étriquée existe encore de manière très présente tant chez les dirigeants que chez certains communicants qui y voient là une opportunité pour asseoir leurs petits privilèges de chef et entretenir l’illusion que la com’ peut tout et fait tout. Même si au final, cette attitude revient bien souvent à planquer énergiquement la poussière sous le tapis. Lors du Campus de la Communication, Dominique Wolton a joliment résumé ce type d’état d’esprit encore très prégnant à l’égard de la communication : « le communicant n’est pas là pour penser mais pour valoriser ». D’où l’amalgame stupide encore très fréquent de certains dircoms qui s’évertuent à établir des équivalences financières entre un message à caractère publicitaire et un article de presse.

A ceux qui resteraient scotchés sur la calculette et les coups de com, le sémillant sociologue a rappelé qu’une marque et la réputation associée se bâtissent dans le temps et pas à travers un simple clic de souris. Ce binôme fondamental se bâtit sur un capital relationnel durable et pas sur une capacité à émettre des messages à cadence réglée. Ces observations me conduisent à penser que tout communicant digne de cette fonction devrait en permanence garder à l’esprit, 3 règles d’or qui fondent la communication moderne.

Règle n°1 : Etre penseur au lieu de bateleur

Le culte du sondage encourage la communication à courte vue (Dessin de Na!)

La communication est un métier stratégique inscrit dans la durée et pas un métier de coups médiatiques évanescents. Son rôle est de nourrir une vision/un projet autour des gènes et des repères intrinsèques à l’entreprise (ses salariés, sa culture, ses produits, son expertise et les objectifs qu’elle se fixe, etc) et au service d’une finalité économique et sociétale. J’insiste sur ce dernier adjectif. La récente catastrophe de BP dans le golfe du Mexique a une nouvelle fois montré qu’une entreprise ne peut plus s’absoudre de cette dimension sociétale et se cantonner uniquement à l’horizon (certes prépondérant) des actionnaires, des analystes financiers et des sondages.

Ces derniers sont effectivement devenus une obsession très répandue chez les dirigeants et par extension, les communicants. A chaque action d’envergure, on administre le thermomètre pour tenter de se convaincre qu’on est dans le vrai avec des chiffres bien pratiques. C’est oublier que la vision quantitative des sondages donne souvent des réponses simples à des problèmes compliqués. Les indicateurs sont utiles à condition de les contextualiser à travers une analyse holistique. Sinon, cela revient à conduire une voiture les yeux rivés sur le compteur de vitesse sans plus jamais tenir compte des panneaux, des autres véhicules et l’état du trafic environnant.

Règle n°2 : Etre bâtisseur au lieu de maquilleur

La communication cosmétique n’est qu’une réponse à l’instant (Dessin de Hergé)

Il est crucial de penser et d’ancrer la communication dans une perspective de long terme plutôt qu’être en permanence à l’affût du buzz qui fera parler de soi. Les bulles de savon n’ont jamais rempli les rivières, les gouttes de pluie si. Cela conduit donc à envisager la communication comme une activité durable de relations et d’échanges avec les différentes parties prenantes de l’entreprise qu’elles soient internes ou externes. En d’autres termes, la communication doit créer et entretenir du lien entre toutes ces entités qu’elles soient acquises, hostiles ou indécises.

Cela conduit par la même occasion à s’affranchir du haut-parleur dans lequel la fonction communication est souvent enfermée pour débiter des messages forcément vrais, attirants et incontestables. Si la dimension « top-down » est incontournable, la communication doit aussi intégrer à parts égales les dimensions « bottom-up » et transverses. Ceci est d’autant plus vrai que les réseaux sociaux ont largement augmenté le pouvoir de la prise de parole. La réputation n’est plus seulement constituée de ce que l’entreprise entend façonner et afficher mais aussi et pour une partie vraiment grandissante, de la façon dont elle est perçue et qualifiée par ses différents publics. En somme, tape-moi sur Google et je te dirai qui tu es !

Règle n°3 : Etre éviteur de crise au lieu de pompier de service

Quand le canon à paroles ne suffit plus à éteindre la crise (Dessin d’Ygreck.ca)

Le succès de cette troisième règle est étroitement lié à la capacité de mettre en œuvre les deux précédentes. Sans quoi, la communication plonge à nouveau illico dans les « coups de com » cosmétiques et incantatoires. Cultiver un capital relationnel suppose avoir une vraie capacité d’empathie et d’écoute de la part de l’entreprise ainsi qu’une acceptation de la différence. A cet égard, la communication est absolument motrice pour introduire cette culture de la cohabitation acceptée avec les parties prenantes et ne plus se réduire à l’émission unilatérale de convictions pour faire adhérer à tout prix ces mêmes parties prenantes. Un bon consensus bien négocié et compris est souvent plus pérenne qu’une unanimité sans échange et imposée de force.

Au lieu de passer son temps à repeindre les murs pour planquer les lézardes et étouffer le bruit externe, la communication peut alors constituer un puissant outil de préservation de la réputation d’une entreprise. A ce titre, elle opère comme une précieuse vigie capable de naviguer face aux événements impromptus et de repérer des symptômes potentiels de crise. Son rôle est clairement d’être l’indispensable aiguillon pour inciter aux changements et aux correctifs nécessaires. Toujours dans l’optique de consolider la réputation de l’entreprise et sans jamais perdre de vue la finalité ultime que définit parfaitement Dominique Wolton (1) : « Communiquer, c’est autant partager ce que l’on a en commun que gérer les différences qui nous séparent. C’est pourquoi la communication devient une des grandes questions de la paix et de la guerre de demain ».

Sources

(1) – Dominique Wolton – Informer n’est pas communiquer – CNRS Editions – 2009

Pour en savoir plus

– Visitez le site événementiel du 1er Campus de la Communication
– Visitez le blog « Every Company is a Media Company » qui propose des réflexions originales sur la transformation de la communication des entreprises induite par les médias sociaux (en anglais)



2 commentaires sur “3 règles simples pour sortir de la culture « coup de com’ »

  1. Olivier Cimelière  - 

    Merci Olivier D. pour votre commentaire. Les directions peuvent effectivement encore hésiter à investir dans la communication tant les critères de mesure sont moins évidents que sur des objectifs commerciaux. Surtout en ces temps de crise où les budgets sont sous tension. Néanmoins, je reste convaincu qu’une com intelligente et non-dogmatique est à long terme, un atout infiniment énorme pour l’entreprise qui osera sortir des visions publicitaires et incantatoires. Pour n’y avoir pas cru, BP vient d’en faire les frais ! A bientôt

  2. Olivier D.  - 

    Le problème de cette vision de la communication est qu’elle relève très largement d’une stratégie d’acteur.

    Évoqué comme cela, la communication est plus ou moins une façon de réduire les risques de crises. Je ne suis pas sûr qu’il soit facile, avec ce discours, de pousser les directions à investir de l’argent dans la communication…

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