Note de lecture : « L’Idée qui tue » de Nicolas Bordas

Derrière ce titre mi-énigmatique, mi-iconoclaste se révèle un diable de bouquin comme on aimerait en lire plus souvent pour se dérouiller les neurones tout en apprenant avec jubilation et sans prise de tête. A partir d’un postulat simple qui est de décortiquer l’essence d’une idée de sa naissance à sa mort, Nicolas Bordas a réalisé un décryptage emballant et très abordable du concept d’idée.

A peine après avoir refermé le livre, le lecteur est aussitôt saisi de multiples idées. Celles qui font avancer le monde, simplifier la vie et comprendre l’existence. A tous ceux qui souhaitent donc booster leurs idées, la lecture de cet ouvrage s’impose.

Ce que j’ai aimé

Le premier mérite du livre de Nicolas Bordas est d’avoir su éviter le jargon pubard et boursouflé dont certains de ses confrères usent et abusent régulièrement pour tenter de montrer qu’ils ont des idées visionnaires au-dessus de la moyenne du Q.I planétaire. Dans un style enlevé, clair et même humoristique, il emmène son lecteur dans l’univers impalpable et pourtant si omniprésent des idées. Loin d’asséner un savoir encyclopédique, il prend le temps d’expliquer chaque concept passé au crible puis de l’illustrer avec quelques exemples concrets et des citations pertinentes.

Laissez-vous « tuer » par les idées de Nicolas Bordas !

Le raisonnement est limpide et structuré. L’exercice aurait pourtant pu être rébarbatif et roboratif tant le thème peut vite sombrer dans la logorrhée d’une thèse post-universitaire. Sous sa plume, il se transforme en visite guidée rafraîchissante et même primesautière au pays des idées qui se forment et qui conquièrent les esprits. L’écriture simple permet de comprendre autant les mécanismes qui président à la formation d’une idée que ceux qui entrent en jeu pour son expansion ou au contraire sa déshérence.

Autre point très sympathique de l’ouvrage : Nicolas Bordas ne s’interdit rien. Il parle tout aussi aisément des idées politiques, religieuses, philosophiques, économiques que du domaine publicitaire qui constitue son savoir-faire et son expertise professionnelle d’aujourd’hui. Dans un même élan par exemple, il explique en quoi les idées de Marx et celles de Sarkozy ont quelque part emprunté le même chemin évolutif et les mêmes ficelles pour rencontrer le succès à un moment donné de l’Histoire.

Enfin, en ces temps de culture zapping, le livre de Nicolas Bordas peut également se picorer dans un ordre différent que celui du sommaire. On y perd peut-être un peu la force logique du raisonnement mais le lecteur « paresseux » trouvera quand même de quoi rassasier sa curiosité et sa compréhension des idées.

Ce que j’ai moins aimé

S’il faut trouver un léger reproche à formuler, il est peut-être à chercher du côté de l’accumulation parfois jusqu’à plus soif d’exemples publicitaires dont certains sont plus inégaux que d’autres et n’ont pas toujours un intérêt énorme si ce n’est d’avoir été effectivement des réussites marketing d’un point de vue créatif et novateur.

Autre point : une tendance un poil trop appuyée à mettre en avant les marques auxquelles sieur Bordas a prêté son concours intellectuel pour leur marketing. Apple et Steve Jobs champignonnent par exemple à tout bout de page. On peut certes s’extasier devant le génie de la firme de Cupertino mais parfois le propos confine à la dévotion un peu excessive. De même, Coca-Cola, Sony, McDonald’s reviennent parfois avec insistance là où d’autres marques auraient peut-être pu aussi trouver place (quasiment rien sur Nestlé par exemple !). En tout cas, on ne pourra pas taxer Nicolas Bordas de manque de « commitment » et de loyauté envers ses clients dont il défend avec ardeur et passion les dossiers publicitaires !

Enfin, la première partie du livre n’est paradoxalement pas forcément la plus appétante. Il faut un peu s’armer de patience pour cerner au départ le propos et suivre le fil d’Ariane que veut nous faire emprunter l’auteur à travers l’interconnexion globale de la société numérique d’aujourd’hui, le robinet médiatique pour tous et la noosphère, berceau et réceptacle des idées humaines. Mais si on fait preuve d’un peu de persévérance, alors la suite est vraiment jubilatoire.

Le passage à ne pas rater

Le choix est cornélien et totalement subjectif car le livre recèle vraiment plein de belles trouvailles, à commencer par un utile rappel du génial concept de « disruption » forgé par le publicitaire français Jean-Marie Dru (et au passage maître à penser de Nicolas Bordas) à la fin des années 80. Un concept qui permet aux idées de se différencier, se démarquer tout en se faisant remarquer à travers une question toute bête : « Et si ? ». A nous d’imaginer la suite. Nicolas Bordas en a d’ailleurs fait le leitmotiv éditorial de son excellent blog.

Pour ma part, j’ai choisi ce passage ci-dessous qui montre qu’on ne réinvente jamais totalement de rien mais qu’une idée est aussi une question d’empathie et de synchronicité avec l’air du temps.

« Une idée peut avoir été délaissée et retrouver un sens. L’intuition que la Terre tourne autour du Soleil n’est devenue vérité que tardivement. De même, dans l’art, les précurseurs de tendances « expérimentales » ne sont plus toujours vivants quand leur intuition s’impose à tous. Pour qu’une idée réapparaisse avec succès, elle doit se trouver en quelque sorte un nouveau courant d’air. D’où l’intérêt d’analyser en permanence les tendances pour dénicher les idées qui peuvent redevenir d’actualité et définir la formulation la plus pertinente du moment. Au passage, il est amusant de voir combien cet air du temps se nourrit lui-même du passé, sur un rythme générationnel »

En complément

– Lire le blog de Nicolas Bordas : www.nicolasbordas.fr
– Regarder l’interview de Nicolas Bordas lors de la sortie du livre

Le pitch de l’éditeur

« L’Idée qui tue »
Nicolas Bordas
Editions Eyrolles
172 pages, 18 €.

Comment marchent les idées qui marchent ? Qu’est-ce qui différencie une bonne idée d’une « idée qui tue » ? Pourquoi certaines grandes idées tombent-elles dans l’oubli ? Comment s’assurer que son idée a toutes les chances de connaître le succès ?

Comprendre comment naissent, vivent et meurent les idées, c’est se donner une chance d’imposer les siennes sans se laisser manipuler par celles des autres. Un enjeu crucial dans une société de communication où les idées qui triomphent décident de notre avenir politique, économique et culturel.

Par engagement professionnel et passion personnelle, Nicolas Bordas a longuement étudié les idées, leurs comportements, leurs modes de diffusion et les lois qui les régissent dans toutes les sphères de l’activité humaine. Examinant toutes sortes d’idées, grandes ou petites, il fournit les clés pour analyser leur succès ou leur échec : pourquoi continuons-nous à écrire avec des claviers mal conçus ? Comment une publicité peut-elle être célèbre auprès de gens qui n’étaient pas nés quand elle a été diffusée ? Pourquoi certains groupes sur Facebook ont-ils plus de membres que la Finlande ne compte d’habitants ? Ou comment saint Paul a-t-il « marketé » le christianisme ?

L’idée qui tue, le livre de chevet de tous ceux qui ont des idées et veulent les propager !