PSG : Stratégie de marque et équipe de football sont-ils conciliables ?

Depuis la prise de contrôle du capital du Paris Saint-Germain en juin 2011 par Qatar Sports Investments (QSI), le club de football de la capitale s’est retrouvé propulsé dans une autre dimension où il truste désormais les gros titres médiatiques autant pour ses résultats sportifs en progression que pour les millions d’euros déversés pour s’attacher de grands noms du ballon rond.

Les fans puristes crient au massacre identitaire du PSG. Les nouveaux propriétaires veulent en revanche clore le chapitre de 15 années de disette où le PSG était tiraillé entre psychodrame cyclique et exploits ponctuels sans jamais parvenir à s’imposer dans la cour des cadors footballistiques européens. Achève-t-on 40 ans de PSG à coup de pétro-dollars ou assiste-t-on à la renaissance d’un club tellement à part dans le patrimoine du football tricolore ? Eléments de réflexion du viscéral supporter du PSG que je suis depuis tout gamin !

Un monument du football mais à l’identité toujours fluctuante

Ces quinze dernières années, l’image de Paris SG a sans cesse été brouillée

Qu’on l’adule ou qu’on le haïsse, le PSG est un monument indéracinable du football français. Aux mains de Canal + dans les années 90, il a à cet égard gravé une inoubliable épopée sportive sur les terrains hexagonaux et européens  que seuls l’éternel rival honni qu’est l’OM et la mythique formation verte de Saint-Etienne ont également  réalisée en leur temps.

Néanmoins, à l’incandescente aventure des Rai, Leonardo, Weah, Lama, Djorkaeff et consorts, a succédé une époque nettement plus morose où le club cahotait de crise intestine en crise intestine sans jamais parvenir à regagner son rang de leader du football français même s’il a glané quelques coupes nationales au passage. Pire, la frange nazillonne ultra-violente qui infestait la tribune Boulogne a tristement réussi à souiller l’image du PSG jusqu’à l’amalgamer dans l’opinion publique à un repère de hooligans sans foi, ni loi.

Pour beaucoup en effet, Paris était devenu un ramassis de footballeurs capricieux ou arrogants, plus prompts à empocher l’argent et jouir des plaisirs de la capitale que s’arracher sur le terrain et mouiller le maillot. Le tout étant supporté par d’encombrants groupuscules extrémistes qui provoquaient et cassaient partout où ils passaient quand ils ne se battaient pas … entre eux ! Sans parler des morts à l’issue d’affrontements post-match.

Ces quinze dernières années, l’image de Paris SG a sans cesse été brouillée. Les supporters de la première heure peuvent certes se languir de la jovialité explosive de son président Francis Borelli capable de s’agenouiller et embrasser la pelouse du Parc des Princes après une victoire ou s’enflammer face aux folles chevauchées signées Dahleb, Susic ou Rocheteau. Tout cela appartient maintenant à la saga historique du club mais n’est plus intrinsèquement son ADN actuel.

Halte à l’hypocrite ré-écriture de l’histoire du PSG

Sous l’ère Canal +, on dégainait déjà volontiers le chéquier pour s’arracher les meilleurs

Il y a effectivement bien longtemps que le PSG n’est plus cette formation « familiale » et née avec l’obole de généreux souscripteurs mais une machine marketing à cash aimantant les noms ronflants du football comme Okocha, Ronaldinho ou plus récemment Pauleta.

Récemment, l’acteur Lorànt Deutsch, brillant acteur et supporter déclaré du PSG, a crié sa rage au quotidien Le Monde devant l’évolution actuelle du club (1) : « Je suis écœuré par le PSG. Ils virent Kombouaré. On lâche le Parc. On casse les Kop. On a acheté Beckham. C’est plus Paris, c’est Disneyland ». Dans un écho similairement outragé, un fan des années 90 lui emboîte le pas en martelant (2) : « Les actionnaires souhaitent vendre des maillots du PSG et des produits dérivés dans le monde entier ». A les entendre, on occulte totalement l’essence originelle du PSG.

Or, à ceux qui s’offusquent comme des vierges effarouchées des millions lâchés par QSI pour acquérir des pointures du football, c’est oublier notamment un peu vite l’ère Canal +. A l’époque, la chaîne cryptée dégainait déjà volontiers le chéquier pour s’arracher les meilleurs et contrecarrer les plans tout aussi ambitieux de son ennemi juré marseillais alors mené par le sulfureux Bernard Tapie. Bizarrement, plus personne ne semble se souvenir de cette époque où déjà le marketing sévissait sans que cela nuise à la performance et l’attrait du club.

Supporters, que voulez-vous ?

Veut-on encore d’une équipe fantasque capable des exploits les plus inouïs comme des ratages les plus ridicules ?

Aujourd’hui, les puristes s’alarment et focalisent leur ressentiment épidermique sur la personne de Leonardo. Nouveau directeur sportif du PSG depuis l’été dernier, le Brésilien avait initialement de quoi plaire aux « gardiens du temple » puisqu’il fut sur le gazon une indélébile figure de proue du PSG, l’espace de la saison 1996-1997. Or, la mutation accélérée du PSG qu’il a enclenchée n’a rien à voir avec le charme suranné de la légende que d’aucuns se plaisent à entretenir. Au point d’affubler Leonardo d’un costume de Brutus en chef piétinant sans état d’âme le flamboyant patrimoine historique du PSG.

N’exagérons rien ! Il est vrai que l’homme n’a guère brillé par sa dextérité managériale dans l’éviction longtemps brandie mais toujours retardée (et au final assénée la veille de Noël !) de l’entraîneur Antoine Kombouaré. Ceci d’autant plus que ce dernier est loin d’avoir  démérité puisqu’il laisse les clefs d’une équipe avec le titre honorifique de « champion d’automne », un fait qui n’était plus arrivé depuis 1996. Mais arrêtons-là les jérémiades !

Depuis sa saison parisienne en tant que joueur, Leonardo a acquis une expérience incomparable dans les grands clubs italiens du Milan AC et de l’Inter de Milan. De ces passages, il en tire une vision qui est effectivement aux antipodes de ce qu’était jusqu’à présent le PSG : une équipe fantasque, azimutée, aléatoire, capable des exploits les plus inouïs comme des ratages les plus ridicules au point d’être une source inépuisable de blagues pour les Guignols de l’Info. Alors, veut-on encore continuer de cette façon ?

A ces supporters, il serait également bon de rappeler leurs banderoles critiques qui fusaient bon train dans leurs rangs la saison dernière à l’égard du précédent actionnaire majoritaire, Colony Capital. Ce dernier était constamment vilipendé pour refuser d’effectuer des rallonges budgétaires dans le recrutement de nouveaux joueurs. Il était aussi accusé de n’être finalement qu’intéressé par une valorisation des actifs immobiliers autour du club au détriment de la performance sportive de l’équipe. Enfin, il était critiqué pour le nettoyage opéré dans les tribunes les plus violentes. Bref, il bradait déjà l’histoire du club et n’ouvrait pas assez les cordons de la bourse.

Entrons dans une nouvelle ère

Le nouveau staff dirigeant du PSG : Nasser al-Khelaifi, Leonardo et Jean-Claude Blanc (de gauche à droite) – Photo Le Parisien/Jean-Baptiste Quentin

En cédant l’essentiel de ses parts à QSI, Colony Capital a au contraire permis au club de se bâtir un nouveau destin. Outre Leonardo qui gère l’aspect sportif, le club s’est rapidement structuré avec l’arrivée d’un directeur général, Jean-Claude Blanc qui a été auparavant le patron de la Juventus de Turin. L’arrivée de l’entraîneur transalpin Carlo Ancelotti découle de cette même logique avec un palmarès étoffé acquis au sein de clubs huppés comme Milan AC et Chelsea FC. Côté joueurs, l’été avait déjà fait exploser tous les compteurs avec en particulier l’acquisition de Javier Pastore pour 43 millions d’euros. Du jamais vu dans le Championnat de France. C’est au tour maintenant de David Beckham d’enfiler en principe la tunique du PSG à partir de janvier tout en attendant probablement l’ajout d’autres poids lourds du football européen lors du mercato d’hiver.

Il n’y a que les hypocrites ou les romantiques forcenés pour croire qu’une équipe de football compétitive peut se créer et perdurer sans nécessairement s’appuyer sur d’énormes ressources financières. Les chiffres parus dans la presse ont certes de quoi donner le tournis, voire agacer profondément ceux qui ne gagneront jamais en une vie entière de travail ce que David Beckham engrangera en un seul mois. Mais c’est un fait incontournable. Pour faire partie durablement des grands d’Europe, il faut savoir dépasser l’esprit « supporter de base » collé au calendrier des matches de la Ligue 1 pour se projeter dans une vision stratégique plus lointaine. Nasser Al-Khelaifi, président du conseil d’administration du club, l’a dit clairement aux Echos (3) : « Notre investissement s’inscrit sur le long terme. Et nous espérons qu’il sera rentable d’ici trois à cinq ans ».

Attention au syndrome bling-bling

Ceci étant dit, les nouveaux maîtres du PSG doivent absolument veiller à ne pas s’aliéner totalement l’écosystème du club parisien. Qu’ils veuillent impérativement en changer la mentalité peut tout à fait se concevoir. Cela est même largement souhaitable tellement le PSG s’est longtemps fourvoyé dans des recrutements improbables dont le caractériel Anelka fut la pire illustration.

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Sources

(1) – Rémi Dupré – « Aux yeux de ses fidèles, le PSG a vendu son âme » – Le Monde – 26 décembre 2011
(2) – Ibid.
(3) – Christophe Palierse – « Pourquoi le Qatar mise tant sur le PSG » – Les Echos – 26 novembre 2011

Lectures complémentaires

– Julien Marival – « Pourquoi les clubs de foot payent si cher les vieilles stars » – Quoi.info – 25 décembre 2011
– Cyril Peter – « Kombouaré, Beckham : le PSG ne doit pas s’incliner devant la puissance qatarienne » – Le Plus du Nouvel Observateur – 26 décembre 2011
– La bio express du PSG selon le site spécialisé So Foot