Baromètre Edelman Trust 2012 : Confiance, vous avez dit confiance ?

Depuis 12 ans, l’agence de communication Edelman mesure l’indice de confiance attribué à quatre catégories d’acteurs institutionnels à travers le monde : les entreprises, les gouvernements, les médias et les ONG. Pour la France, le cru 2012 a été débouché le 7 mars lors d’une conférence dans les locaux de Sciences-Po à Paris. Hormis quelques rares domaines, la confiance trahit un sacré goût de piquette bouchonnée. Extraits de quelques résultats symptomatiques et amorces de solutions.

D’aucuns pourront toujours certes contester l’ambiance plutôt pessimiste mise en exergue par le baromètre Edelman Trust au motif que les sondages ont une fâcheuse tendance à dire tout et son contraire. Cela serait pourtant une sérieuse méprise car l’échantillon sur lequel repose le traditionnel coup de sonde d’Edelman est bien loin d’être un panel au doigt mouillé. L’enquête en ligne a été en effet menée dans 25 pays auprès de 30 000 répondants âgés de 25 à 64 ans et ayant un niveau d’information élevé des enjeux socio-économiques. En France, ce sont 1200 personnes qui ont fait part de leur perception.

C’est grave, docteur ?

Depuis 12 ans, le baromètre Edelman Trust mesure l’indice de confiance

Le premier constat qui saute d’emblée aux yeux est la croissance spectaculaire de la … défiance ! Sur une échelle où l’indice 50 constitue la moyenne, 12 pays sont passés en-dessous de la barre fatidique en 2012 au lieu de 6 en 2011. A cet égard, la France est symptomatique du recul de la confiance observé puisque le pays passe de 50 à 40 cette année. Mais sans doute plus interpelant est le dévissage magistral du Brésil, pourtant salué comme un modèle de croissance, où la confiance s’établissait à 80 en 2011 et tombe à 51 un an plus tard. Si l’on pousse l’observation par catégories, seules les ONG tirent leur épingle du jeu en se maintenant à 54% en 2012 même si un léger fléchissement intervient par rapport à 2011.

Pour les gouvernements et les entreprises, c’est en revanche la douche froide avec respectivement un recul de 49 à 38 pour les politiques et de 53 à 47 pour les entrepreneurs et hommes d’affaires. La France est à l’aune de ces résultats globaux mais avec un écroulement plus prononcé et pour certains inférieurs au niveau de 2008 qui n’avait pas été brillant, crise financière oblige. Si les ONG parviennent à demeurer au-dessus de la moyenne malgré un retrait de 60 à 53, il n’en va pas vraiment de même pour les autres où la chute est cinglante. Les médias passent de 46 à 37 (- 9 points) mais la sanction est encore plus rude pour les gouvernements (56 à 30 soit – 26 points) et les entreprises (49 à 25 soit – 24 points). Une dégringolade dont l’écho se retrouve également dans d’autres pays européens comme l’Italie, l’Espagne et la Russie. Seuls le Royaume-Uni et l’Allemagne stabilisent à peu près leurs indices.

Une situation contrastée

Ceux qui payent l’addition la plus salée sont sans réelle surprise les banques et les services financiers

Dans ce qui pourrait s’apparenter à un Waterloo de la confiance vis-à-vis des entreprises, il existe pourtant des îlots de sérénité. Ainsi, le secteur des nouvelles technologies et des télécommunications enregistre certes une érosion de son score en passant de 81 à 72 mais demeure clairement perçu comme un levier crucial et une force motrice pour la société. Le secteur automobile, pourtant secoué par les plans sociaux et en perte de 20 points (de 68 à 48) reste cependant également un domaine où la confiance s’exerce encore devant les perspectives qu’il laisse entrevoir comme la voiture électrique, les moteurs moins polluants et autres améliorations technologiques contribuant à la sécurité et l’aide à la conduite.

En revanche, ceux qui payent l’addition la plus salée sont sans réelle surprise les banques et les services financiers. Entre les excès boursiers, les dérives bancaires et les mises à l’index répétées de la rhétorique politique dans la campagne électorale actuelle, la note est impitoyable : 23 au lieu de 52 en 2011. Ces acteurs nourrissent notamment l’impression qu’ils ne sont plus au service de l’économie réelle mais d’une économie dématérialisée générant des gains virtuels vertigineux et parfois des catastrophes boursières impactant a contrario l’ensemble des marchés.

Dans cette atmosphère où la confiance est sérieusement ébréchée, certains parviennent pourtant à maintenir le cap. On l’a vu, les ONG sont globalement épargnées par le désaveu général mais comme l’a souligné le président d’Emmaus France, Christophe Deltombe, elles bénéficient des failles sociétales qu’elles tentent de combler au mieux face aux désinvestissements d’autres acteurs, gouvernants et entreprises en tête.

Quels sont les symptômes ?

Le respect, une valeur fondamentale mais pas toujours satisfaite

Le baromètre Edelman Trust s’est penché sur les critères qui semblent prépondérants aux yeux des interviewés pour rebâtir un solide climat de confiance notamment envers les entreprises. Trois priorités émergent largement : le bon traitement des salariés (61% des attentes), le souci du client avant le profit à tout prix (59%) et l’écoute des clients (58%). Or, lorsqu’on les interroge ensuite sur leur degré de satisfaction en matière de réalisation de ces trois items, les taux s’écroulent à respectivement 17%, 15% et 26% ! A l’inverse, peu d’attentes sont exprimées concernant le retour sur investissement à distribuer aux actionnaires (18%) et le leadership de l’entreprise (21%). A méditer dans les conseils d’administration !

Pour les gouvernements, le diagnostic relève aussi d’une grande sévérité. Deux attentes sont jugées prioritaires : une bonne gestion des affaires du pays (63%) et l’écoute des citoyens (59%). En revanche, leur concrétisation est vue comme catastrophique avec respectivement 13% et 12% de satisfaits ! Une défiance qui génère même le sentiment que c’est le mensonge qui prévaut entre les gouvernants et les administrés. 66% le pensent en France mais même en Allemagne, nation pourtant si souvent citée en exemple vertueux, 65% émettent des doutes également. Seuls le Canada et la Suède échappent à ce climat pesant où le pacte social est totalement distendu entre les élites et le reste de la société.

Alors quel chemin emprunter ?

Dialogue avant tout !

Face à ce tableau peu reluisant, le baromètre Edelman Trust s’est efforcé de distinguer des pistes pouvant contribuer à enrayer ce divorce affirmé. Il en ressort que les points récurrents tournent systématiquement autour des notions de transparence et d’écoute en ce qui concerne les gouvernants et les citoyens. Pour les entreprises, ce sont les valeurs de respect des personnes et le souci des clients qui prédominent.

Dans sa conclusion, Antoine Harary, directeur de Strategy One Europe, filiale d’Edelman ayant conduit l’étude, insiste clairement sur ces critères fondamentaux pour restaurer la confiance et redorer la réputation des deux catégories les plus sujettes à caution parmi les interviewés. Pour lui, c’est de leur capacité à engager le dialogue de manière pérenne et bilatérale mais aussi d’administrer la preuve allant de pair avec le discours que renaîtra la confiance et par ricochet la naissance d’un cercle vertueux générateur de valeur ajoutée. Puisse-t-il être entendu !

Pour lire en détails tous les résultats du baromètre Edelman Trust, vous pouvez consulter le site suivant : http://trust.edelman.com/

Voir la vidéo de la présentation des résultats 2012 en avant-première au Forum de Davos (en anglais) :



2 commentaires sur “Baromètre Edelman Trust 2012 : Confiance, vous avez dit confiance ?

  1. Herve Kabla  - 

    Science sans confiance n’est que ruine de l’âme, pourrait-on dire… La confiance est la base de toutes les relations humaines, et sa perte est peut-être plus grave que toutes les crises économiques. Sans confiance, on ne fait rien: on ne forme pas, on ne recrute pas, on n’écoute pas, on revient à l’état animal.

    Sais-tu que le terme confiance en hébreu (Emouna) a donné le mot Amen?

    1. Olivier Cimelière  - 

      Comme j’abonde pleinement dans ton sens ! Malheureusement, je suis effaré de constater à quel point cette confiance s’est délitée à de nombreux niveaux de la société, des entreprises et des rapports entre individus. Et comme tu dis, tout le monde se méfie, se crispe, se durcit, se communautarise et on sombre dans le binaire et le frontal. J’espère vraiment qu’on va parvenir à inverser la tendance, remettre l’humain au coeur des préoccupations et la confiance reviendra !

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