Petites impressions glânées d’un blogueur au QG de campagne de l’UMP

En consultant mes courriels jeudi dernier, je découvre une invitation de Pierre Bonis, conseiller pour le numérique de Nathalie Kosciusko-Morizet, l’actuelle porte-parole du candidat Nicolas Sarkozy. Il y est mentionné une phrase qui attire aussitôt mon attention : « La porte-parole a voulu réserver aux blogueurs son premier point presse officiel consécutif à la présentation du programme par le candidat ».

Nathalie Kosciusko-Morizet ayant toujours été à mes yeux l’une des personnalités politiques recourant aux réseaux sociaux avec pertinence et sachant s’affranchir quand il le fallait de la langue de bois politicienne qui prévaut aussi dans les dispositifs numériques, j’accepte donc de participer à la conférence.

Un QG quelque peu « bunker »

Impossible de manquer le QG de campagne situé rue de la Convention à Paris

Le lendemain, me voilà parvenu devant les locaux du QG de campagne de l’UMP. D’emblée, ça jette ! Des immenses adhésifs aux couleurs de l’affiche de campagne recouvrent l’intégralité de la façade du rez-de chaussée abritant les équipes de campagne du parti présidentiel. Impossible de se tromper d’adresse d’autant qu’une colonne de cars de police et de « robocops » casqués et bottés font les cent pas devant le bâtiment.

Un cerbère à l’air suspicieux me repère aussitôt. Peut-être est-ce ma tête d’étudiant attardé au look tendance Sorbonne ! Mâchoires serrées, il s’enquiertde savoir si je peux lui présenter ma carte de presse. Pas de chance pour lui, je n’ai pas le sésame tricolore de l’honorable profession. Je lui réponds que je suis invité à titre de blogueur. Le mot semble échapper à son logiciel de vocabulaire et je commence à imaginer de devoir battre en retraite. Heureusement une jeune femme à lunettes très polie m’invite aussitôt cordialement à pénétrer dans la salle. Ouf, le blogueur que je suis va pouvoir assister à la conférence.

Coup d’oeil sur « La Lettre de Nicolas Sarkozy au peuple français »

Dommage qu’Internet soit peu évoqué et plutôt sous un angle anxiogène

On me remet tout aussi aimablement la fameuse lettre du candidat Sarkozy. Je feuillette et j’y déniche un passage qui m’interpelle : « Nous vivons dans un monde ouvert et tolérant. Les communications sont libres ; grâce à Internet, les idées circulent d’un bout à l’autre de la planète, sans filtre, sans intermédiaire ».

Je poursuis la lecture un peu surpris par cette vision à laquelle Nicolas Sarkozy nous a peu habitué au sujet de la Toile. Le ton se durcit effectivement un peu plus loin : « Faire l’apologie du terrorisme et de la violence sur Internet n’a rien à voir avec la liberté d’expression et de communication. La liberté d’Internet est précieuse mais Internet n’est pas une zone de non-droit dans laquelle on peut impunément déverser des messages de haine, faire circuler des images pédophiles, piller le droit d’auteur (…) Rester inertes face à ceux qui se radicalisent dans la haine et la violence par la consultation de sites Internet illicites serait une faute morale ». Je reste sceptique.

Loin de moi l’idée de cautionner ces fanatiques éructant leur haine destructrice et ne pas approuver la lutte sans merci contre ces fondamentalistes mais ériger Internet en quelque sorte en « receleur » d’idées ignobles me semble hors de propos. A-t-on fait un procès identique à l’imprimerie parce que le gerbant « Mein Kampf » était devenu un livre largement diffusé. La réflexion sur ce sujet grave mériterait d’être moins binaire.

J’avance dans la lettre en espérant que le numérique et Internet vont avoir un chapitre un peu plus encourageant et étoffé sur les perspectives qu’ils offrent. Hormis une brève citation de l’indispensable couverture des territoires ruraux en numérique à très haut débit, il n’y aura pourtant plus aucune évocation du Web et de la formidable opportunité économique que celui-ci représente en termes d’emplois, de création de valeur, de services à la société et de dynamisme industriel.

Madame « Numérique » arrive

NKM : « Les blogueurs sont de plus en plus de qualité »

Sur ces considérations personnelles, NKM arrive alors tout de noir vêtue et escarpins élégants au pupitre pour précisément revenir sur ce document qu’est la Lettre aux Français qui a bénéficié d’une déclinaison numérique. Et là, c’est visiblement un joli succès. La porte-parole égrène les chiffres non sans une certaine satisfaction. Mise en ligne jeudi soir, la lettre a boosté l’audience du site de campagne avec un temps de consultation multiplié par 2 et 367 000 pages vues moins de 24 heures après. Une lettre qui par ailleurs figure déjà dans la première page des résultats de Google.

Nathalie Kosciusko-Morizet revient ensuite sur le concept de l’écrit pour délivrer un message politique. Un concept à ses yeux pas du tout antinomique avec le numérique mais qui permet d’afficher une  volonté d’inscrire sa réflexion dans le temps, le digital pouvant ensuite devenir cet espace de dialogue autour du document référence.

Je me hasarde alors à lui poser une question pour savoir ce qui a motivé l’invitation de blogueurs à cette conférence où journalistes et militants UMP étaient toutefois plus nombreux. Ceci d’autant plus que je ne suis pas un blogueur militant pour un quelconque parti politique mais plutôt un observateur (critique parfois, je le concède) des us et coutumes digitaux des différents acteurs de la société française qu’ils soient des industriels, des dirigeants, des politiques, des marques ou même des sportifs.

Sa réponse a été sans ambages : « J’ai l’habitude de côtoyer cet espace numérique. Récemment, j’ai par exemple rencontré des blogs féminins. J’estime que c’est intéressant de partager et diffuser des idées avec des communautés qui font preuve de plus en plus de qualité ». Et d’ajouter pour lever tout équivoque envers les journalistes présents : « Il faut sortir de l’opposition journalistes/blogueurs. Je crois à la qualité d’Internet qui mérite autant de considération et qui permet d’élargir les débats ».

Conclusion

Il reste vraiment à espérer que cette vision du numérique prenne de l’ampleur au sein de la classe politique française. Une personnalité comme Nathalie Kosciusko-Morizet peut contribuer en effet à faire évoluer les mentalités, à sortir de la politique où le citoyen n’est souvent réduit qu’à un bulletin de vote qu’il faut à tout prix conquérir pour se maintenir au pouvoir. Le Web 2.0 a permis de décorseter le rapport entre élus et administrés.

Avec quelques autres figures, Nathalie Kosciusko-Morizet fait partie de cette génération qui s’empare avec pertinence du numérique. Ce n’est pas par un pur hasard qu’aujourd’hui son compte Twitter affiche plus de 144 000 followers. De même, sa page Facebook (qui frôle les 11 000 fans) constitue un bel exemple d’une personnalité politique qui sait aller au-delà des discours convenus ou des publications d’agendas à l’instar de nombre de ses collègues qui nous abreuvent d’infos sans intérêt particuliers, ni effort de dialogue avec les internautes qui les interpellent. Puisse « NKM » conserver cette fraîcheur de regard et d’usage à l’égard du Web 2.0  et rallier d’autres politiques, tous bord confondus !

Lire les précédents billets du Blog du Communicant 2.0 sur ce thème

– « Un ministre qui twitte est-il un ministre démotivé ? » – 7 décembre 2011
– « Médias sociaux : piège à politiques ou martingale électorale ? » – 10 septembre 2011
– « Communication politique : Je twitte donc je suis transparent » – 16 juillet 2010



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