Etude marketing : « Dis-moi quelle consommatrice tu es, je te dirai qui tu votes ! »

Et si les comportements des consommatrices avec leurs marques favorites pouvaient influer sur le bulletin électoral qu’elles glissent dans l’urne des présidentielles ? Cette question iconoclaste mais non sans pertinence a été l’objet d’une étude marketing menée en mars dernier par l’agence \XL spécialisée en marketing de l’engagement. Tour d’horizon d’étonnants enseignements.

L’engagement des consommateurs et des consommatrices, Catherine Michaud, fondatrice et présidente de l’agence \XL, en a fait une conviction forte au regard des évolutions nettes de ces dernières années dans les relations qu’entretiennent clients et marques.

Finie, la relation monolithique et unilatérale

La consommatrice contemporaine est de plus en plus engagée avec les marques

A ses yeux, ce renversement de paradigme est encore plus accentué chez les consommatrices et tout particulièrement chez celles qui s’engagent en prescrivant naturellement une marque à ses amies, qui créent des communautés de fans sur Internet ou qui s’expriment et laissent des commentaires laudateurs ou massacreurs vis-à-vis d’un produit ou d’une expérience de marque.

En créant son agence en 2010, Catherine Michaud avait affiché son credo (1) : « Les aspirations nouvelles du consommateur, baigné du Web 2.0, redéfinissent un système de relation nouvelle avec la marque, qui n’est plus simplement subi mais dont il est copropriétaire ». A l’approche des élections présidentielles, elle a eu l’idée d’étudier si ce postulat pouvait également s’appliquer aux intentions de vote et au choix finalement effectué dans le secret de l’isoloir.

Le résultat de l’étude est étonnant : les critères d’engagement à l’égard d’une marque s’appliquent aussi à la politique. Menée deux semaines avant le 1er tour des présidentielles, l’étude a porté sur un échantillon représentatif de 1000 femmes de 18 à 54 ans de toutes catégories socio-professionnelles.

Quatre profils et une consommatrice !

Catherine Michaud a d’abord établi quatre profils de consommatrices qui se résument ainsi :

  • Les « éthiques ». Ce profil est particulièrement attaché aux valeurs que véhicule une marque. Il est demandeur de plus de transparence et de sincérité dans les discours et porte une attention accrue sur des notions comme la responsabilité sociétale et environnementale ou encore l’éthique économique.
  • Les « fidèles ». Ce groupe est celui que les campagnes marketing ont l’habitude de cibler en priorité avec des leviers comme des programmes d’adhésion à des clubs, avec à la clé des invitations à des soirées privées, des récompenses privilégiant les acheteuses les plus loyales. L’idée étant de valoriser le statut de ces consommatrices régulières par rapport aux consommatrices chroniques.
  • Les « exigeantes ». Ce profil a une nette tendance à ne pas s’engager à la légère. Avant d’opter pour une marque, il est demandeur de preuves et de démonstrations. De même, il  n’hésite pas à comparer les rapports qualité/prix et à vérifier les offres auprès d’autres sources. Enfin, il participe aisément à des enquêtes de satisfaction et formule des réclamations en cas d’expérience négative ou imparfaite.
  • Les « impliquées ». Ce groupe présente la caractéristique d’avoir un fort pouvoir de recommandation. Il verse particulièrement dans l’interaction avec la marque en participant par exemple à des tests produits et des panels de consommateurs. On le retrouve très actif dans les échanges et débats des forums en ligne. S’il est satisfait, il pratique volontiers le parrainage.

Selon Catherine Michaud, cette cartographie montre que les marques doivent à leur tour s’engager au-delà du classique discours marketing et commercial à coups de promotions et rabais divers. Les exigences se sont multipliées au point de devenir protéiformes et de se cristalliser autour de notions clés comme la proximité, l’innovation, l’implication, la création de contenu, la transparence et  la citoyenneté.

Consommatrice, électrice : même combat ?

Bulletin dans l’urne : même ressorts que l’achat d’une marque ?

C’est précisément ce dernier point qui a conduit l’agence \XL à vérifier si les consommatrices pouvaient adopter les mêmes critères comportementaux lorsqu’elles se transforment en électrices. Peut-on distinguer des similarités, des complémentarités ou bien les personnes se dédoublent entre l’acte d’achat et l’acte de vote ? Le résultat du questionnaire administré au panel de consommatrices est éloquent. Même lorsqu’il s’agit de se déterminer pour un(e) candidat(e), les critères d’exigence de chaque profil ressortent de manière très consistante.

Ainsi, l’ « éthique » qui est attentive à la transparence de la marque sur la fabrication de ses produits et de ses actions environnementales ou citoyennes, attend d’abord d’un politique de défendre un projet de société et d’être sincère dans ses intentions. La « fidèle » qui est sensible aux cadeaux, bons de réduction, cartes privilège offerts par la marque, affiche un soutien sans failles à son/sa candidat(e) et reste attachée aux valeurs défendues par l’élu(e) de son choix.

L’ « impliquée » qui apprécie tester les produits de la marque et d’en parler à une personne qui ne la connaît pas ou peu, aura nettement tendance à vouloir participer au débat public, donner son point de vue et impliquer des électeurs. Enfin, l’ « exigeante » qui réclame des preuves sur le bon rapport qualité/prix des offres et répondre aux enquêtes de satisfaction, manie le bulletin de vote pour exprimer son accord/désaccord envers un(e) candidat(e), porteur d’un projet de société.

Alors les résultats ?

A l’issue de l’étude, il s’avère que le profil « exigeant » ressort nettement du lot à plus de 31% qu’il s’agisse de consommer ou de voter. En revanche, le trait secondaire aura tendance à privilégier le profil « fidèle » pour les propositions des marques et le profil « éthique » pour les propositions politiques. Traduit en cartographie des 10 candidats en lice, cela donne la projection suivante en termes de profils dominants attribués aux uns et aux autres :

A contrario, le même exercice effectué cette fois pour le profil jugé sous-représenté candidat par candidat, donne la répartition ci-dessous

D’autres résultats plus détaillés de l’étude sont disponibles sur le site de l’agence \XL pour savoir quels sont les candidats « top » et les candidats « flop », profil par profil. Un enseignement demeure en tout cas acquis pour les femmes : elles sont cohérentes entre leurs motivations d’achats et leur choix de candidat. Elles appliquent les mêmes leviers et filtres lorsqu’elles se déterminent pour une option ou pour une autre : Fidèle, Impliquée, Exigeante et Ethique. Est-ce à dire que la politique doit de plus en plus recourir aux techniques du marketing pour rallier majoritairement les suffrages ? Dans les états-majors, le débat est loin d’être tranché !

A lire sur le même sujet sur le Blog du Communicant 2.0

« Un politique peut-il se vendre comme une marque ? » – 21 avril 2012

Sources

(1) – Marie-Juliette Levin – « Catherine Michaud lance sa propre agence XL » – E-Marketing.fr – 27 janvier 2010