Guillaume Peltier : La stratégie du « coucou » communicant politique

En l’espace de quelques années, Guillaume Peltier est entré avec célérité et fracas dans l’arène politico-médiatique nationale. A grands coups de déclarations musclées et d’entrisme télévisuel forcené, il s’est hissé dans le casting des politiques de droite qui pèsent. Même s’il fait grincer des dents au sein même de son propre camp, l’ancien professeur d’histoire-géographie s’ingénie à suivre une stratégie de communication bien huilée. Décryptage.

Impossible aujourd’hui d’ignorer Guillaume Peltier tant il est partout dans ce qui compte de tribunes médiatiques. Avec sa dégaine de gendre idéal issu des beaux quartiers, ce Rastignac politicien de 36 ans au sourire toujours éclatant, n’en finit pas de labourer avec ardeur et détermination les terres de droite pour se tailler une carrière à la hauteur de ses fortes ambitions. Avec un art consommé de la communication opportuniste.

Terroir ou sunlights ?

Guillaume Peltier veut s’afficher comme un homme de terrain et de terroir

Bien qu’il soit né à Paris dans une famille de classe moyenne de gauche, ce littéraire de formation aime à se dépeindre comme un entrepreneur proche du terrain, solidement implanté dans son fief tourangeau et père d’une jolie famille de 4 enfants. A un journaliste de Rue89 qui voulait l’aborder, il lui réplique de manière cinglante (1) : « Je préfère parler avec les électeurs qu’avec vous. Après on va encore dire que je ne me déplace que pour les caméras ! J’habite à Tours depuis 11 ans. Ma famille est tourangelle, ma société est à Tours, mes enfants sont à Tours. Qu’est-ce qu’il faut faire pour être enraciné ? ».

C’est d’ailleurs ce positionnement d’élu provincial fortement attaché à sa région qu’il s’évertue à décliner vigoureusement sur son blog. Photographie du pont Wilson de Tours en guise de bannière, bandeau déroulant de ses réunions électorales avec les militants du cru, énumération de ses activités professionnelles dans la ville de François Rabelais mais également dans toute la région Centre, Guillaume Peltier cultive à l’envi l’image de l’homme du terroir engagé bien qu’il n’ait jamais réussi à conquérir jusque-là le moindre mandat électoral. Il n’empêche à parcourir son blog, minutieux compte-rendu de ses faits et gestes militants, on en ressort avec la perception d’une figure politique d’envergure qui ne s’arrêtera pas là.

A cet égard, les médias et la télévision en particulier sont instrumentaux dans son désir d’écho médiatique. Depuis son arrivée à l’UMP en 2009 aux côtés de Nicolas Sarkozy, l’homme a passé la surmultipliée pour se conférer une consistance et une notoriété nationale. C’est peu dire qu’il écume à longueur de temps les plateaux de télévision dont chaque captation est fidèlement retranscrite sur son blog. Même s’il s’en défend de temps à autre, l’incontournable label « Vu à la télé » est le nerf de la guerre de sa stratégie de communication. Pas un plateau TV n’est laissé en jachère à tel point qu’il semble même disposer d’une hospitalité permanente parmi les chaînes tout-info comme BFM, LCI et consorts. Et les talk-shows ne sont pas en reste pour donner la parole au sémillant bretteur comme récemment l’émission de Thierry Ardisson, « Salut les Terriens » sur Canal +.

Quadrillage et rhétorique

Une ubiquité télévisuelle qui agace nombre de ses opposants

Dans sa démarche communicante, Guillaume Peltier ne laisse rien au hasard. Sur les réseaux sociaux, il a également posé le pied de façon très active en s’appuyant notamment sur une page Facebook inondée de photos du nouveau champion de la droite qu’il entend incarner. Bien qu’à peine 2000 fans aient souscrit, l’espace regorge de portraits et clichés du militant et désormais secrétaire national de l’UMP. De même sur Twitter, le gazouillis est régulier pour alimenter les 11 600 abonnés du fil.

Un quadrillage qu’il complète utilement avec ses propres activités professionnelles à travers, Com+1, son agence de communication spécialisée dans l’opinion et les stratégies d’influence, et « La Lettre de l’Opinion » qu’il publie tous les 15 jours sur les tendances économiques, politiques et sociétales. Sans oublier les billets qu’il commet régulièrement sur les sites Atlantico et Huffington Post.

Guillaume Peltier ne serait probablement rien (ou alors juste un godillot politique provincial) s’il ne savait pas également manier l’art oratoire et les arguments massue dont sont friands les médias pour susciter le buzz et la controverse. Le juvénile politicien est à cet égard un orfèvre. Alors élève en classe préparatoire littéraire, l’étudiant bluffe notamment Jean-Marie Le Pen lors d’un colloque du Front National en déclinant un discours en alexandrins (2).

Cependant, cette prolixité percutante ne serait que vacuité si Guillaume Peltier ne l’employait pas à dégoupiller et à marteler des convictions détonantes et forcément génératrices de bruit médiatique. Dans ce domaine, il a très vite su dégainer les thématiques les plus provocatrices pour s’assurer des meilleurs ricochets médiatiques. Avec un fonds de commerce rhétorique inépuisable et dans l’air du temps : l’assistanat, le péril islamique, l’insécurité, l’immigration et la contamination des médias par les idées de gauche.

Plus c’est gros, plus c’est « beau » !

Plus l’argument est choc, plus le bruit médiatique est grand !

Plus c’est gros sel et grosse ficelle, plus Guillaume Peltier assène sans ciller son tir de barrage argumentaire, avec en bandoulière, l’imparable posture de celui qui ose faire preuve de liberté intellectuelle et qui a le courage de dire tout haut ce que l’establishment calfeutre à ses yeux.

Autant dire qu’en ces temps de crise aigüe et de repli sur soi exacerbé, la technique fait mouche chez bon nombre d’esprits.

Ces derniers mois, Guillaume Peltier a successivement bombardé sur la nécessité d’un quota de journalistes de droite à la télévision (a-t-il seulement oublié les tribunes ouvertes dont jouissent Eric Zemmour, Eric Brunet, Elisabeth Levy et consorts ?), l’inscription de la tradition chrétienne de la France dans la Constitution nationale (la République française est pourtant laïque depuis 1905) ou encore la création d’une charte républicaine pour les musulmans de France (nulle autre religion n’y est pourtant astreinte dans l’Hexagone).

L’exemple le plus symptomatique de cette tactique discursive est sans nul doute la proposition choc émise par Guillaume Peltier pour réformer les syndicats dans l’Education nationale. Sur la chaîne D8, celui-ci a alors affirmé sans trembler que (3) « 45 000 professeurs étaient détachés à temps plein comme permanents syndicaux dans notre pays ». Le chiffre s’avère totalement faux et plusieurs médias relèvent l’erreur. Qu’importe, Guillaume Peltier persiste, quitte à rogner légèrement sur les chiffres. Là n’est plus le problème du politicien. Il s’agissait avant tout de faire du vacarme et d’apparaître comme un héraut à la lutte contre les dérives syndicales de l’administration publique. Le doux fumet populiste fonctionne toujours mieux que la véracité terne des statistiques étayées.

Hold-up sur l’héritage Sarkozy

Avec son compère G. Didier (à gauche), G. Peltier a réussi à s’attirer la bienveillance de l’héritier Jean Sarkozy

Le coup de maître de Guillaume Peltier demeure toutefois le kidnapping idéologique qu’il a réussi à opérer sur l’héritage sarkozyste au sein de l’UMP et la nostalgie qu’il suscite désormais chez les militants et électeurs de droite. Déjà, pendant la campagne présidentielle, Guillaume Peltier était parvenu à intégrer le premier cercle du Président candidat en le nourrissant de sondages et d’analyses conjoncturelles qu’affectionne particulièrement Nicolas Sarkozy. Une vigie de choix pour prétendre ensuite reprendre le flambeau des idéaux sarkozystes défaits en mai 2012.

Or, à ce jeu, Guillaume Peltier a très rapidement su accaparer une brique communicante cruciale pour renforcer sa visibilité sur l’échiquier de la droite encore assommée par le résultat des urnes. C’est ainsi qu’en juillet 2012, il s’associe avec un alter ego qui n’a rien à lui envier dans l’opportunisme politique, Geoffroy Didier, pour porter sur les fonts baptismaux, la naissance du courant « Droite Forte ». Avec un mantra sans ambages pour focale (4) : « La Droite forte, c’est la droite de demain, c’est la droite qui a le sarkozysme pour fondation, la France pour espérance, l’Europe comme horizon et le peuple comme boussole » tout en ajoutant que « le sarkozysme n’est pas une nostalgie » et « bien plus qu’un héritage » ! Une initiative rusée qui coupe quasiment l’herbe sous le pied de Brice Hortefeux, fidèle grognard de l’ex-président et initiateur d’un club de soutien à celui-ci dès l’échec des présidentielles.

Entre deux têtes d’affiches (Jean-François Copé et François Fillon) qui commencent déjà à s’étriper et d’autres candidats UMP qui peinent à exister, Guillaume Peltier s’ouvre alors un parfait boulevard communicant. Il est le dépositaire de la parole et du combat politique du président déchu. Conscient de son trésor de guerre, l’habile politicien entreprend même de déposer très formellement les slogans « Génération sarkozyste » et « Droite républicaine » à l’Institut national de la Propriété Intellectuelle (INPI). Au grand dam de plusieurs poids lourds de l’UMP qui vitupèrent contre le hold-up caractérisé de ce jeune loup au passé idéologique plutôt sulfureux et extrémiste.

Blanchiment de CV politique

Son enjeu ? Polir un passé un peu trop extrémiste !

S’il est un domaine où Guillaume Peltier apprécie de moins en moins s’épancher, c’est bien celui de son background politique qui lui a valu de grenouiller parmi quasiment toutes les formations que compte l’extrême-droite en France. Aujourd’hui, le Tourangeau d’adoption cherche à polir et arrondir ses convictions plus que droitières. Ceci en dépit du fait qu’il ait effectué ses premières armes politiques comme secrétaire du Front national de la Jeunesse (FNJ) avant de rejoindre le scissionniste Bruno Mégret au sein du MNR puis Philippe de Villiers et son Mouvement pour la France dont il sera d’ailleurs porte-parole.

Or, à cette époque, le militant n’a rien du prosélyte sarkozyste. Bien au contraire. Déjà implanté sur les plateaux de télé, il abomine sans barguigner les engagements de Nicolas Sarkozy. Dans ses déclarations d’alors, on se retrouve quelques pépites qui ont le don d’interpeler à la lumière du nouveau converti qu’il est devenu aujourd’hui (5) : « Nicolas Sarkozy, ça me donne le tournis. C’est un Chirac en miniature » ou encore « Je fais de la politique pour m’attaquer à la politique de Sarkozy en matière d’immigration ».

 

Pour tenter d’édulcorer ce côté chemise brune que certains de ses adversaires à droite lui flanquent régulièrement (d’où le sarcastique surnom d’ « Adolf et Benito » dont il est affublé avec son compère Geoffroy Didier), Guillaume Peltier n’a de cesse de répéter qu’il était jeune et qu’il s’était un peu fourvoyé (6) : « C’était une sorte de crise d’adolescence politique. J’ai été frappé par le discours de Jean-Marie Le Pen sur la France avant de me rendre compte que les solutions qu’il proposait étaient une impasse ».

Pour achever de convaincre de sa mutation plus « politiquement correcte », Guillaume Peltier n’hésite d’ailleurs pas à s’afficher ouvertement avec des acteurs politiques plus modérés, voire centristes comme Maurice Leroy du Nouveau Centre et président du conseil général du Loir-et-Cher ou encore se prévaloir des soutiens des élus UMP (7) comme Eric Doligé et Alberic de Montgolfier, respectivement présidents des conseils généraux du Loiret et d’Eure-et-Loir. Comme par hasard, tous des ténors politiques régionaux voisins de … Guillaume Peltier et du département d’Indre-et-Loire.

Conclusion – Quel avenir pour le « coucou » ?

Quelle image quand on a écumé toute la droite extrême ?

Jusqu’au dernier moment, Guillaume Peltier a refusé de se prononcer en faveur de François Fillon ou de Jean-François Copé dans la course à la présidence de l’UMP. Tout occupé sans doute qu’il était à se tailler un espace médiatique suffisamment consistant et incontournable pour la suite des événements et probablement pour mieux déterminer (en spécialiste des sondages qu’il est) les tendances de fond qui désigneront le vainqueur.

Il vient désormais d’officialiser son ralliement à Jean-François Copé au prétexte que celui-ci (8) « a démontré qu’il en avait les qualités (NDLR : d’être président) tout au long de la campagne de 2012 en mobilisant de manière très forte pour Nicolas Sarkozy et en refusant la pensée unique ». Derrière le verbiage de circonstance, sans doute faut-il aussi voir une conjonction d’intérêts politiques mais également une convergence (au moins a minima) d’idées.

Dans le sillage de Jean-François Copé, on retrouve en effet les tenants d’une autre droite musclée, la Droite populaire (qui ne goûte d’ailleurs guère l’activisme de Guillaume Peltier). De plus, dans le corpus idéologique copéiste, la triste anecdote populiste du « pain au chocolat » incite aussi sûrement Guillaume Peltier à préférer la bannière copéiste à celle d’un Fillon qui s’est toujours refusé à la moindre accointance avec le FN. Ceci d’autant plus que la discrète éminence grise et maurrassien assumé, Patrick Buisson, œuvre maintenant en coulisses avec Jean-François Copé. Un Patrick Buisson qui est le parrain de Guillaume Peltier (en plus de Brice Hortefeux) lors de son ralliement à l’UMP (9).

Reste à savoir si Guillaume Peltier pourra continuer à surfer sur cette posture très droitière qui fustige quelques idoines boucs émissaires à intervalles réguliers. Là est toute la quadrature communicante très délicate à sustenter. Dans son récent ouvrage fort bien documenté sur les liaisons entre extrême-droite et droite traditionnelle, le journaliste Renaud Dély résume fort bien l’enjeu de communication avec lequel Guillaume Peltier est aux prises (10) : « Guillaume Peltier n’a pas fini d’inquiéter les tenants d’une droite républicaine résolument imperméable à l’influence lepéniste tant il passe pour une « boîte à idées » de la droite à venir. Reste une possibilité : que l’ambition et le pragmatisme du jeune homme prennent le pas sur ses convictions. Après tout, à moins de 40 ans, Guillaume Peltier a déjà écumé suffisamment d’écuries au sein de la droite plurielle pour démontrer que certains de ces positionnements les plus sulfureux peuvent s’effacer si la concrétisation de sa soif de responsabilités l’exige ».

N’est-ce effectivement pas le même personnage qui déclarait l’été dernier (11) : « C’est normal qu’ils crachent. Je suis le nouveau leader de la droite à Tours. Je suis le prochain maire. Je suis le prochain député. J’ai 35 ans et le temps avec moi ». Sa communication activiste ne serait donc que le marchepied de ses ambitions pour enfin faire son propre nid politique ?

Sources

(1) – Rémi Noyon – « Guillaume Peltier est jeune, beau et vient du FN : le choix de l’UMP pour Tours » – Rue89 – 6 juin 2012
(2) – Renaud Dély – « La Droite brune : UMP-FN, les secrets d’une liaison fatale » – Flammarion – Septembre 2012
(3) – Samuel Laurent – « Guillaume Peltier se sert des « Décodeurs » pour faire de l’intox » – Le Blog des Décodeurs du Monde – 22 octobre 2012
(4) – « Guillaume Peltier et Geoffroy Didier vont créer le mouvement de la « Droite forte » au sein de l’UMP » – Le Monde et AFP – 23 juillet 2012
(5) – « L’UMP 37 et le malaise Peltier » – Blog « Du trash et des baisers ! » – 18 octobre 2011
(6) – Mounia Van de Casteele – « Le parcours sinueux de Guillaume Peltier » – Le Lab d’Europe 1 – 11 janvier 2012
(7) – Christian Bidault – « Guillaume Peltier : le futur candidat UMP à la mairie de Tours croit au retour de Sarkozy » – MagCentre.fr – 31 octobre 2012
(8) – « Présidence de l’UMP : Peltier choisit Copé » – Le Parisien.fr – 6 novembre 2012
(9) – Renaud Dély – « La Droite brune : UMP-FN, les secrets d’une liaison fatale » – Flammarion – Septembre 2012
(10) – Ibid.
(11)  – Rémi Noyon – « Guillaume Peltier est jeune, beau et vient du FN : le choix de l’UMP pour Tours » – Rue89 – 6 juin 2012