Patrons et médias sociaux : Toujours pas le grand amour !

Deux études américaines viennent à nouveau de mettre en évidence le peu d’appétence des hauts dirigeants à l’égard des médias sociaux. Malgré le poids de la discussion numérique sur la réputation numérique des entreprises et son impact sur leurs affaires, les attitudes oscillent entre ignorance et réticence. Au risque de se priver d’opportunités et d’atouts essentiels. Tour d’horizon.

En décembre 2012, Zeno Group, une agence américaine de relations publiques, a publié une étude très révélatrice de la valse-hésitation qui persiste encore parmi les patrons d’entreprise envers les médias sociaux. 300 hauts dirigeants de divers secteurs d’activités ont été questionnés sur leur degré de compréhension et de perception des réseaux sociaux.

Le social reste une priorité aléatoire

Encore beaucoup de patrons ignorent les réseaux sociaux

Les résultats laissent apparaître des lacunes évidentes : la réputation en ligne n’est pas encore un facteur considéré comme totalement stratégique pour une large proportion d’entre eux. Pire, 36% déclarent même ne pas se soucier (ou alors très peu) des discussions qui se déroulent au sujet de leur société, de ses produits et de ses services. On trouve même 10% d’irréductibles qui estiment ne devoir engager aucune action en cas de crise ou de critique sérieuse surgissant dans la sphère numérique sociale.

Autre enseignement intéressant de cette étude : des divergences avérées entre patrons issus de secteurs B2B et ceux impliqués dans des activités B2C. Ces derniers sont à 70% nettement plus enclins à toujours ou du moins régulièrement intégrer le poids des médias sociaux dans leurs stratégies de communication. En revanche, le chiffre tombe à 57% dès lors qu’il s’agit de dirigeants évoluant dans un univers B2B. Autrement dit, nombreux sont encore ceux qui mettent de côté le digital 2.0 à l’heure où leurs clients, leurs fournisseurs et leurs partenaires sont déjà intensément connectés.

On retrouve des contrastes similaires entre B2C et B2B lorsque des turbulences réputationnelles commencent à poindre. 63% des patrons B2C jugent qu’ils sont parés pour répondre sous 24 heures à une crise en ligne. Leurs homologues B2B ne sont que 45% à penser qu’ils feront face efficacement. 13% affirment même qu’ils ne s’engageront pas pour défendre leur réputation contre 6% dans le B2C.

La prise de conscience souvent liée à la taille de l’entreprise

La présence sociale est souvent liée à la taille du business

En dépit de l’explosion des usages numériques, la cécité à l’encontre des réseaux sociaux demeure encore un facteur d’importance même si des progrès ont indéniablement été accomplis par des hauts dirigeants. A cet égard, ceux-ci proviennent en majorité d’entreprises de taille supérieure à 10 000 salariés. L’étude de Zeno Group souligne ainsi que 71% de ces sociétés ont investi (parfois de manière inégale mais toujours avec une présence a minima) les réseaux sociaux. Un pourcentage qui tombe à 55% pour les entreprises en dessous de la barre des 10 000 employés.

L’enquête met d’ailleurs en évidence que l’ignorance des médias sociaux est corrélée à la taille de l’entreprise. Plus cette dernière est moindre, plus l’absence de stratégie est patente. 45% des petites entreprises déclarent notamment ne pas se soucier de leur réputation numérique et n’envisagent pas de s’impliquer outre mesure dans le Web 2.0.

Pareil grand écart d’acuité se retrouve en termes de volume de chiffre d’affaires. 63% des sociétés dépassant les 10 milliards de dollars, disent avoir intégré la dimension sociale à leur stratégie de communication et de gestion réputationnelle. En dessous de 5 milliards de dollars, ils ne sont plus que 42% à partager la même préoccupation. Mark Shadle, directeur général de l’agence Zeno Group constate (1) : « Dans ces résultats, nous voyons que trop d’organisations ne sont toujours pas prêtes à utiliser les médias sociaux à leur avantage, soit pour rehausser leur réputation, soit pour la défendre. Entretenir une réputation positive sur les médias sociaux n’est pourtant plus une option dans une stratégie de communication ».

Patron pas convaincu = opportunités manquées

Les médias sociaux sont plus des opportunités que des menaces pour les patrons

Stratégiste américaine en médias sociaux, Sally Falkow est la première à déplorer cette implication timorée des dirigeants d’entreprise sur les réseaux sociaux. Outre qu’une présence 2.0 active ne devrait plus être une décision optionnelle, elle estime que les entreprises se privent d’opportunités pourtant essentielles pour leur crédibilité réputationnelle (2) : « En engageant avec les parties prenantes qui sont actives en ligne tels que les analystes industriels, les investisseurs ou encore les universitaires, les entreprises peuvent transformer ces groupes non seulement en alliés et en amplificateurs en période paisible mais également en voix qui apportent un surcroît de crédibilité à la réponse de l’entreprise en temps de crise ».

Une étude réalisée en 2012 par l’agence de communication américaine Brandfrog donne justement des indications précieuses pour mieux comprendre les mécanismes qui bloquent encore les mentalités chez les patrons d’entreprises. Ce rapport constate que seulement 30% des PDG aux rênes des entreprises du classement Fortune 500 ont une activité réelle sur les médias sociaux, Twitter et Linkedin étant leurs canaux de prédilection à respectivement 50% et 47% d’entre eux. Ce déficit d’incarnation numérique n’est pas sans conséquence dans les choix stratégiques en matière de communication. Un patron peu initié ou peu praticien du digital aura fort logiquement une propension plus faible à considérer les réseaux sociaux comme un axe d’importance majeure pour la réputation de sa société.

Il s’agit là pourtant d’un enjeu de taille. L’enquête de l’agence Brandfrog a ainsi interrogé plusieurs centaines d’employés issus de différentes entreprises au sujet de l’importance qu’un PDG doit accorder aux médias sociaux. Les réponses apportées constituent un vibrant plaidoyer à un investissement nettement plus substantiel de la part de ces derniers. 82% des répondants disent avoir plus confiance envers une entreprise où le patron et son équipe sont présents sur les réseaux sociaux. 77% affirment même avoir plutôt envie d’acheter les produits et les services d’une entreprise qui a fait des médias sociaux une priorité stratégique.

Conclusion – Aidons les patrons !

Le patron 2.0 n’est pas encore totalement une réalité !

Il est fort à parier que quelques années vont encore s’écouler avant qu’une immense majorité de hauts dirigeants soit totalement convaincue de l’incontournable importance des médias sociaux dans la stratégie de communication de l’entreprise qu’ils dirigent. Il est donc à espérer que la génération montante des futurs patrons soit beaucoup plus imprégnée de pratiques numériques que ne l’est la génération devancière.

Pour autant, tout ne peut pas être mis sur le compte de « l’âge du capitaine » en cas de présence sociale réduite à la portion congrue. A cet égard, les communicants ont un rôle fondamental à exercer pour convaincre une direction générale d’investir concrètement et durablement dans l’engagement de l’entreprise sur les médias sociaux. Cela suppose par conséquent que ces mêmes communicants soient aussi des praticiens. Or là aussi, nombreux sont les dircoms à avoir encore une vision approximative des réseaux sociaux et une pratique au mieux balbutiante, au pire déficiente. L’évangélisation de l’entreprise 2.0 passe impérativement par des communicants capables de sensibiliser leurs patrons à la nécessité d’entrer de plain-pied sur les médias sociaux.

Hormis quelques pionniers pointus ayant d’emblée saisi l’importance de la discussion sur la Toile, les patrons doivent donc être conseillés et soutenus afin que les objectifs de l’entreprise trouvent un prolongement pertinent sur les réseaux sociaux. S’il s’agit juste d’ouvrir un fil Twitter ou un blog pour céder à une mode, autant privilégier le statu quo silencieux en attendant une période plus propice. Une présence sur les médias sociaux doit être intrinsèquement associée à la stratégie de l’entreprise et à la gestion de sa réputation.

Sources

(1) – « Digital Readiness Survey from Zeno Group Finds Social Media to Be Corporate Reputation Blind Spot for Executives » – PR Newswire.com – 10 décembre 2012
(2) – Sally Falkow – « Digital and Social Reputation Ignored by Many Executives » – The Proactive Report – 27 janvier 2013

Pour en savoir plus

– Lire l’intégralité du rapport Brandfrog « 2012 : CEO, social media & Leadership »
– Lire le billet du Blog du Communicant 2.0 – « @TweetBosses : Que les patrons twittos lèvent le doigt ! » – 20 octobre 2012
– Lire le billet du Blog du Communicant 2.0 – « Réputation 2.0 : Un patron peut-il et doit-il bloguer librement ? » – 6 novembre 2011
– Lire l’article de Ryan Holmes (CEO Hootsuite) – « Great videos for convincing your boss to care about social media » – 4 février 2013



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