Bad buzz : la FNAC frôle le carton rouge

A ceux qui douteraient encore de la puissance virale des réseaux sociaux, il est vivement conseillé de lire la mésaventure vécue par une jeune directrice artistique indépendante avec un vendeur du rayon informatique de la FNAC des Ternes à Paris. Le « consom’acteur » n’est plus un mythe et les entreprises vont devoir définitivement intégrer cette notion au risque de multiplier les embardées numériques.

Il s’en est fallu de peu le 28 mai pour qu’une mauvaise expérience en magasin ne vire au bad buzz implacable sur Internet pour la FNAC. Sans le sang-froid des community managers de la page Facebook de l’enseigne, l’entreprise aurait probablement pu se retrouver dans une posture encore plus délicate face au message rageur abondamment « liké » de Claire Maoui, une cliente dédaigneusement traitée par un vendeur en informatique.

Réel et digital ne font qu’un

Tout commence avec un ordinateur qui rend l’âme au moment le moins opportun. Directrice artistique free-lance, Claire Maoui doit rendre de toute urgence un projet à un client. Privée d’outil de travail, elle fonce alors sans hésiter à la FNAC des Ternes pour acquérir illico un nouvel ordinateur et achever ainsi son travail dans les délais.

Pas de chance, le nouvel objet est endommagé. La jeune femme retourne aussitôt dans le magasin pour procéder à un échange. Pourtant, elle est fraîchement accueillie par un vendeur malpoli qui met en doute sa version tout en consignant l’appareil défectueux sans vraiment se soucier de la situation critique de sa cliente. Résultat : plus d’ordinateur pour travailler et une prestation perdue pour la graphiste free-lance. Ecœurée et mécontente, elle décide alors de poster le message suivant sur la page Facebook de la FNAC.

Mobilisation éclair

12 000 « like » en quelques heures

Est-ce parce que l’histoire a ému ou bien parce que d’autres personnes se sont reconnues dans les tribulations malheureuses de la jeune femme ? Toujours est-il qu’à peine la missive électronique incendiaire est-elle publiée que les internautes se précipitent pour « liker » et déposer des commentaires outrés de soutien à l’infortunée Claire.

Au total, plus de 12 000 personnes vont cliquer sur le petit pouce levé de Facebook sur une page qui compte à l’heure actuelle près de 348 000 fans. Ce qui représente 3,4% d’entre eux, une proportion non négligeable et supérieure à bien des taux de retour moyens d’opérations de marketing digital. Devant l’emballement des chiffres, un community manager de la FNAC a heureusement le bon réflexe. Il adresse rapidement un message d’excuse. Il la rassure sur le fait que sa requête a été portée à l’attention de la direction pour apporter rapidement un dénouement favorable. De fait, l’enseigne tiendra ses promesses en livrant un nouvel ordinateur assorti d’un chèque cadeau de 150 €. Réparation que l’internaute furibarde saluera elle-même, ravie d’avoir été contactée en personne par le directeur du magasin qui s’est confondu en excuses.

Mais pourquoi occulter ?

La FNAC a effacé l’incident de sa page Facebook

L’issue finalement positive de ce différend commercial a pourtant été quelques heures plus tard effacée de la page Facebook de la FNAC. Comme si l’incident n’avait jamais existé, le community manager a supprimé le long message récriminatoire de Claire Maoui. Une décision qui montre bien que l’entreprise n’a pas encore totalement intégré les exigences de transparence et de responsabilité qu’implique une présence sur les médias sociaux.

Avec plus de 12 000 personnes appuyant sur « Like », il était pourtant évident que l’histoire n’allait pas passer inaperçue aux yeux des internautes. De même, il était quasi assuré que certains feraient immédiatement des captures d’écran de la lettre incendiaire qui allaient être ensuite reprises sur d’autres sites Web. Dès lors, pourquoi nier une anomalie qui au final a trouvé une solution satisfaisante ? Pourquoi gommer et cacher à la communauté de fans un désaccord qui somme toute, peut potentiellement survenir de temps à autre ? Ceci est d’autant plus illogique que la FNAC a résolu le souci en l’espace de quelques heures seulement.

Dans des cas plus graves, pareille censure aurait même tendance à largement accentuer le problème. Sur les médias sociaux, plus on tente de se soustraire à ses responsabilités, plus l’énervement des communautés s’amplifie. Nestlé se souvient encore de manière cuisante de la polémique Greenpeace – KitKat. Pour avoir brandi l’arme juridique et exiger le retrait de la vidéo accusatrice de l’ONG, le géant suisse s’est retrouvé aux prises avec un bad buzz planétaire qui l’a en fin de compte contraint à baisser pavillon et accepter d’entendre les critiques de ses détracteurs.

Conclusion – Reconnaître son imperfection pour renforcer la relation

Tous les observateurs experts convergent et s’accordent sur un point irréversible : sur les médias sociaux, les consommateurs sont et seront toujours plus engagés et exigeants à l’égard des marques, des entreprises et des personnalités publiques. L’exigence d’avoir voix au chapitre, d’être écouté et d’être considéré comme un interlocuteur humain et pas un vulgaire quidam digitalisé n’est plus une option mais un devoir qu’ont les organisations. Dans le cas contraire, les réactions peuvent alors engendrer des tensions aux impacts parfois désastreux. Même en cas d’incident et/ou de désaccord, la franchise d’une marque sera toujours appréciée en dépit de ses imperfections. Du moment qu’une écoute empathique et un effort sincère sont accomplis pour préserver la relation, les « consom’acteurs » sont prêts à passer l’éponge. La réaction finale de Claire Maoui est d’ailleurs symptomatique de cette propension avérée. Après avoir été passablement irritée, elle a salué ensuite le traitement satisfaisant de son problème par l’enseigne.

Récemment, Contently, une agence américaine de contenus numériques a publié un intéressant billet où elle comparait les relations sur les médias sociaux à celles d’une relation amoureuse ! L’analogie n’est pas si stupide. En amour, on peut être imparfait à condition de le reconnaître et de s’efforcer de faire mieux. Ce qui fait écrire à l’auteur du billet que « des stratégies sociales bien exécutées sont très puissantes pour bâtir une relation. Quand votre marque donne le coup de pouce supplémentaire, vos clients le remarquent. Et sur les médias sociaux, vos clients le remarquent publiquement ».  Dans cette optique, la FNAC n’avait pas besoin d’occulter le désagrément causé à sa cliente mais plutôt faire savoir qu’elle avait résolu prestement le problème. A moins que ce genre d’incident ne soit très récurrent ? Ce qui requiert dans ce cas un traitement autrement plus pointu des dérives !

Mise à jour de l’auteur – 30 mai 2013

Grâce au Twittos @Informine, j’ai été averti que le retrait du post furieux a été effectué à la demande de Claire Maoui elle-même comme en atteste la capture d’écran ci-dessous. La remarque sur la « censure » exercée par la FNAC devient donc caduque sur cette histoire. J’avais pourtant contacté Claire Maoui via Facebook pour recueillir sa version de l’histoire mais n’ayant pas eu de réponse, j’avais supposé que le CM de la FNAC avait retiré de lui-même. Dont acte !



14 commentaires sur “Bad buzz : la FNAC frôle le carton rouge

  1. Simon  - 

    Bonjour,

    Il sont bien sympa à la fnac, je m’appui un peu fort sans faire exprès sur mon carton d’ordinateur et ça provoque une pression sur celui ci. L’écran est abimé…!!! À cause de mon léger appui ? Mais j’ai pas fait exprès ! Ce n’est pas ma faute ! . . Si !? Des qu’on prend le produit on en devient responsable ! Je ne savais pas ! Comme si j’achète une voiture et que je découvre un bris sur mon pare brise 1h après l’achat je suis responsable ?
    Oui effectivement sauf si le revendeur est bien sympa il me dira qu’il faut que je contact l’assurance … Et c’est pareil pour tout…. En fait il faut toujours vérifier ce qu’on achete. Même si c’est dans un carton d’emballage . Car comme le pare-brise ou un ordinateur ou autres produits un peu fragile ( ou pas ) ne pas contrôler vraiment à la délivrance desangage le vendeur des dommages physiques, liquides ou tout événement accidentel connu ou survenu même si le propriétaire n’en connaît pas la raison. En dehors de pannes inopiné survenu seul, sans trace de mauvaise utilisation ( comme un choc, trace de liquide.. ) ou défaut de conformité ( un écran cassé ou ayant subit une forte pression n’est pas un défaut de conformité, mais si vous avez un disque dur 320go pour un enregistreur vidéo de salon alors que sur l’emballage et la description du produit il est indiqué 500go c’est un défaut de conformité . On a même 2 ans pour dénoncer ce type de cas ). C’est la garantie.
    En gros vérifier en achetant, vérifier dans le carton et si le produit est parfait , attention ! Vous êtes responsable du produit !
    Après le commerce et l’être humain même celui aux dents jaunes fait le reste….

  2. Stéphane Torregrosa  - 

    Bon article, et bonne gestion de la Fnac. La force des réseaux sociaux pour les consommateurs est de ne pas se retrouver seul face à un vendeur. Les associations de consommateurs sont une bonne alternative, mais tout cela prend tellement de temps.

    Sur les réseaux sociaux, vous avez une voix que vous pouvez faire entendre. Certes, tous les cas ne se terminent pas aussi bien que celui-ci, mais quel « porte-voix » incroyable nous avons à notre disposition !

    J’aime bien la réponse de la Fnac qui vous a été faite, il y a une petite touche d’humour, un peu grinçante certes, mais de l’humour quand même, et ça reste à saluer 🙂

    Bravo pour la qualité constante de vos articles !

  3. Duboisslasher  - 

    Merci pour cet article!!mai un cas d’une mauvaise gestion de bad buzz est celui du chanteur Matt Houston qui devait faire un show à Madagascar la semaine dernière!!il n’est pas venu!!cet évènement a suscité la rage des malgaches sur ses reso socio!!mais il a décidé de se taire et a juste posté une vidéo sur youtube et fermé les commentaires!!!

  4. Cohen  - 

    Très mécontent
    Je n’ai toujours pas reçu la totalité de la commfe
    Et par dessus tous le service de communication de la FNAC ne fait pas le nécessaire pour que la livraison soit effectuer ce jours
    Ps copie de ce mail poster sur votre côté et envoyer une copie à ufc que choisir

  5. Doudou  - 

    Et si c’était une action marketing cette histoire? Pour montrer qu’à la fnac, finalement, on s’occupe bien de ses clients? C’est un peu tordu (et compliqué : créer un réseau etc) mais, si c’était monté, je trouverais ça brillant.
    Et dans le cas où ce serait une histoire vraie, c’est un coup de pub et une image plutôt sympathique (mis à part un vendeur désagréable mais ça « ça peut arriver à tout le monde ») au prix finalement du remplacement d’un PC qui devait être changé, et de 150€ pour le nombre de posts un peu partout commentaires, gens qui ont suivi le dénouement heureux…

    Et sinon, il me semble que le rôle d’un consomm’acteur (les valeurs promues par le monde marchand et l’argent, ça me laisse sceptique, mais bon, soit) devrait être un peu relativisé, combien de clients mécontents, quel pourcentage est médiatisé, quelle réelle retombée négative si le conflit n’est pas résolu positivement? Que vaut et à quoi correspondrait la déontologie d’un bloggeur? Y a-t-il vraiment des entreprises qui regrettent leur manque de considération dans un conflit? Même la marque de vêtements connue pour habiller uniquement les personnes cool ne semble pas en difficultés malgré le tollé qu’elle semblait avoir déclenché… Je pourrais même envisager que ça puisse renforcer l’image de la marque…

    Et compter sur le boycott pour sauver des espèces en voie de disparition ou lutter contre la destruction des forêts amazoniennes en n’achetant plus de fenêtre de telle ou telle marque, ça me semble risqué, une réelle pression sur les élus et une législation adéquate, ça me semble plus sûr.

    1. Olivier Cimelière  - 

      Bonjour

      Le scénario que vous évoquez (une action marketing montée de toutes pièces) peut se concevoir. On a bien vu récemment Carambar ne pas hésiter à mentir aux médias pour faire un coup marketing. Toutefois, je ne pense pas que la FNAC soit dans cet état d’esprit. Si tel était le cas, ce genre d’opération plus que limite finit toujours par se savoir. Et là, le retour de bâton est terrible pour la réputation de la marque. Je serais fort étonné d’apprendre que les responsables communication et marketing de la FNAC se livrent à de pareilles pratiques.

      Ceci dit, vous avez raison d’être précautionneux. Dans le secteur du tourisme par exemple, on sait qu’il existe des cas où les commentaires ont été achetés auprès de personnes remunérées comme telles pour parler en bien d’une marque, d’une enseigne. Mais encore une fois, cela finit toujours par se savoir. Et détruire le rapport de confiance auprès d’un bon coup de pub est à mes yeux une manière d’opérer qui revient à se tirer une balle dans le pied.

      Concernant Abercrombie & Fitch à laquelle vous faites référence, celle-ci ne s’en tire pas si bien. Outre une réputation très écornée, elle a vu aussi un recul de ses ventes. Je ne pense pas que c’était l’objectif initial recherché !

  6. Dominique  - 

    Merci pour cet article.

    Il y a une ambiguite autour de cette definition de « social CRM ».

    Souvent, (pas dans ce cas) les personnes qui s’expriment sur les brands ne sont pas des clients. Parfois ni clients, ni prospects ni meme en cible pour la marque en question.

    Il est pourtant essentiel pour une brand de differencier la reponse aux:
    – clients
    – VIP clients
    – prescripteurs , media
    – prospects
    et pour tous les autres.

    De loin ca parait simple mais en pratique … pas mal de brands definissent leur identite de maniere « communautaire »: luxe, gen y, cool, experts/tech , etc parfois en antagonisme par rapport aux autres communautes/tribes. Elles developpent un argumentaire, des messages et des produits pour les cibles qui sont leur sweet spot.
    La presence sur la sphere sociale leur demande de repondre (ou de choisir de ne pas repondre) aux milliers/millions d autres. Sans compter qu’elles doivent aussi repondre a des concurrents malveillants qui se servent de l information de maniere offensive.

    Une companie aerienne low cost qui fait payer ses menus, les baggages, doit elle repondre aux clients high end qui attendent un niveau de service superieur?

    Une marque de luxe qui vend des parfums a 500E piece doit elle repondre aux internautes qui n’acheteront jamais dans cette gamme de cout.

    Une entreprise qui vend des produits polluants doit elle repondre aux greens activits?
    Quid d un politique ou d une entreprise qui vend des OGM ?

    Le geste juste demande beaucoup de nuance et pas mal de travail.

    Cordialement,

    Cordialement

    Cordialement

    1. Olivier Cimelière  - 

      Bonjour Dominique

      Vous avez vous-même apporté la réponse à l’intéressant point que vous soulevez : le geste demande nuance et travail.

      Ceci étant dit, j’ai la conviction qu’une marque (quelle qu’elle soit) se doit de répondre si elle envisage une présence sur les médias sociaux. Ceci quel que soit le profil de la personne qui contacte. Hormis les spammeurs et les indécrottables trolls pour lesquels le silence est préférable, le CRM a toujours été question de relation entre deux personnes. Le « social CRM » n’a fait qu’accentuer cet aspect.

      C’est effectivement beaucoup de temps à consacrer mais cet investissement vaut la peine. Des gens considérés et ayant des réponses claires à leurs questions seront d’autant plus enclins à nourrir une perception positive à votre égard.

      Cordialement

      1. Dominique  - 

        Bonjour Olivier,

        Je ne pense pas que « repondre a tous » et de maniere positive soit une bonne strategie.

        Ca n est pas economiquement viable et ca ne fait pas de sens « marketing. D’ou le questionnement actuel sur le ROI du social media apres la lune de miel des annees passees.

        La raison d etre du marketing est de developper une value proposition specifique a des segments de marche particuliers. Il en est de meme pour le « message ».

        De plus, l’information est une arme de guerre economique et la fuite est parfois la meilleure des reponses.

        Just my 2 cents.

        1. Olivier Cimelière  - 

          Bonsoir Dominique

          En fait, je pense que je me suis mal exprimé. Je ne milite pas pour le « répondre à tous » et systématiquement positif. D’une part parce que certaines questions/messages n’appellent pas de commentaires pour diverses raisons et d’autre part, parce qu’une marque a le droit de faire valoir ses opinions (même si cela ne va pas dans le sens de celui qui interpelle).

          On est d’accord que l’esquive est parfois la meilleure des réponses. Surtout quand en face, l’argumentation est faible, biaisée, totalement subjective, etc. En revanche, moins d’accord sur la « value proposition ». Je comprends bien le concept (14 ans de Nestlé, ça forme!!) mais aujourd’hui la donne a changé. Il faut savoir s’adapter sans pour autant dévier de sa ligne

          Merci en TT cas pour ce bon dialogue !

Les commentaires sont clos.