Frédérique Agnès (Mediaprism) : « Communication, connaissance client et engagement ne font qu’un »

Communication, données et engagement. Ce tryptique de mots synthétise parfaitement le parcours professionnel accompli jusqu’à aujourd’hui par Frédérique Agnès, fondatrice et présidente de Mediaprism, groupe de communication globale et de services marketing. Bien avant la frénésie actuelle qui règne autour du « Big Data », elle nourrit très tôt l’intuition qu’une relation avec une audience ne se bâtit solidement qu’au travers d’une connaissance statistique fine des attentes et des comportements de celle-ci. A ses yeux, ce n’est qu’à cette condition qu’un engagement fort et durable peut être envisageable. C’est ce credo communicant de 18 ans de Mediaprism qui lui vaut par ailleurs d’être en lice pour la 4ème édition des Tribune Women’s Awards. Entretien exclusif avec une femme de conviction.

Le grand public ne la connaît pas mais elle connaît bien le grand public. Pour Frédérique Agnès, il constitue même le cœur de ses activités professionnelles depuis qu’elle a fondé Mediaprism en 1995. Filiale à 80% de Mediapost Communication/Groupe La Poste, sa société représente désormais une base de données unique de plus de 36 millions de Français et une communauté de 21 millions d’internautes. Un gisement de données et d’informations statistiques qui permet à Mediaprism de fournir des services pointus en matière de marketing relationnel et de communication auprès des publics pour les annonceurs. A l’heure où Frédérique Agnès fait partie des nominés des Tribune Women’s Awards dans la catégorie « Medias – Nouvelles Technos », le Blog du Communicant revient avec elle sur un parcours riche où se conjugue un sens de l’engagement sous toutes ses formes.

Mediaprism n’est quasiment pas connu du grand public même si celui-ci a forcément été un jour ou l’autre en contact avec l’une de ses campagnes de communication pour le compte de grandes marques mais également d’associations caritatives et humanitaires. Comment définissez-vous exactement le concept de Mediaprism ?

Frédérique Agnès : quand la communication client mène à l'engagement sous toutes ses formes

Frédérique Agnès : quand la communication client mène à l’engagement sous toutes ses formes

Frédérique Agnès : J’ai coutume de résumer notre démarche à travers une formule simple qui reflète parfaitement l’essence de nos activités : Mediaprism est « l’éclaireur des publics ». Endosser ce rôle, c’est placer la connaissance des publics à l’origine de toute démarche de communication. Saisir les attentes, percevoir les motivations, cerner les ressentis sont les ressorts constants de nos études quantitatives et qualitatives. Mais être éclaireur implique aussi d’être un acteur de la société qui aide l’intelligence collective. Nous ne faisons pas que restituer des réalités. Nous nous engageons aussi auprès des annonceurs pour bâtir avec eux dans la durée, la meilleure relation possible avec leurs publics. Pour nous, cela signifie que cette relation doit être utile, respectueuse, mutuellement profitable et concerner les bonnes personnes. C’est ce qui nous a régulièrement conduits à proposer des partis pris stratégiques créatifs, peut-être parfois disruptifs mais toujours fondés sur notre connaissance étroite des publics.

Alors que vous vous destiniez initialement vers un parcours classique dans le marketing et la publicité et que vous avez-vous-même une sensibilité plutôt artistique, qu’est-ce qui vous a fait bifurquer avant l’heure vers un univers de données statistiques, d’algorithmes et autres outils mathématiques au service du marketing et de la communication ?

Frédérique Agnès : J’étais en effet sur le point d’embrasser une carrière plus axée sur les marques de grande consommation que j’avais pratiquées lors d’un stage de fin d’études chez Lever Fabergé (Unilever). J’avais notamment découvert les produits ménagers comme Vigor et Cif ou encore le savon Dove. C’est une rencontre qui a changé le cours de mon histoire : celle avec Pierre-François Colleu, directeur du marketing et des abonnements du groupe L’Express et très imprégné de culture marketing venant des Etats-Unis. Avant de m’embaucher en 1991, il m’a envoyée suivre une toute nouvelle formation sur les techniques innovantes de marketing direct fondées sur l’analyse des bases de données. Cela aura été pour moi une véritable révélation. J’ai vite saisi l’impact et la puissance des stratégies de communication basées sur des ciblages statistiques précis. Par la suite, j’ai continué à parfaire cette connaissance en travaillant pendant deux ans pour Home Shopping Services qui concevait des émissions de téléachat dont celles animées par Pierre Bellemare. Après l’analyse des consommateurs de médias « papier », j’ai appris à connaître ceux de la télévision.

Communiquer pour véhiculer des valeurs qui font bouger les lignes

Communiquer pour véhiculer des valeurs qui font bouger les lignes

Vous décidez pourtant rapidement de voler de vos propres ailes en créant Mediaprism dans un marché encore embryonnaire en France. Qu’est-ce qui vous a poussé à tenter une telle aventure à une époque où les données ne structuraient pas vraiment encore les stratégies de communication ?

Frédérique Agnès : C’est sans doute d’abord le fruit de mon éducation. Dès le plus jeune âge, j’ai beaucoup voyagé du fait des occupations professionnelles de mon père ingénieur en pétrochimie. De cette expérience de vie, j’ai conservé un profond goût pour la liberté. Entreprendre était donc une façon de continuer à cultiver cette inclinaison. Ensuite, durant mon passage à L’Express, j’ai également eu l’occasion de rencontrer la présidente du groupe, Françoise Sampermans qui était une des premières femmes à diriger une entreprise d’une telle envergure. Elle m’a beaucoup impressionnée et inspirée. Enfin, il y avait une opportunité économique évidente à mes yeux. Le développement et la gestion des bases de données obéissaient encore à un registre plutôt artisanal où la logique de masse prévalait encore énormément. Or, j’étais persuadée que c’était le fait d’écrire à la bonne personne avec le bon message et au bon moment qui allait finir par s’imposer dans les campagnes de communication. Le tout en s’appuyant sur des données fiables et pertinentes. C’est sur cette pierre angulaire que n’a jamais cessé de reposer Mediaprism depuis 18 ans ainsi que sur de belles rencontres marquantes qui ont jalonnée ces années.

Au-delà d’être devenu leader sur le segment de la connaissance client, Mediaprism a également développé une expertise spécifique en accompagnant de très nombreuses campagnes de communication pour diverses associations humanitaires et caritatives. Pourquoi avoir décidé de creuser ce sillon particulier des ONG et associations à but non lucratif ?

Campagne menée en 2013 pour l'association des Paralysés de France

Campagne menée en 2013 pour l’association des Paralysés de France

Frédérique Agnès : C’est justement une de ces belles rencontres qui est le déclencheur. J’ai connu Eric Depoorter, alors directeur général de Thomson Connect (groupe WPP). Nous décidons à l’époque de créer un groupe de communication nouvelle génération centrée sur la « data ». C’est cette approche qui va nous amener à nous rapprocher des associations et des fondations. Ce secteur est devenu une activité essentielle pour nous car il est en phase avec les valeurs que Mediaprism revendique depuis sa création : placer les hommes et les femmes au centre d’une démarche de communication. Grâce à nos outils, nous disposons d’une connaissance précise des donateurs et de ce qui les pousse à s’engager pour telle ou telle cause.

En devenant partenaire de nombreux clients du secteur associatif, c’était pour nous une façon de pousser un cran plus loin notre engagement sur des sujets de société que nous observons et décryptons en permanence. Nous avons ainsi déployé des campagnes de communication et de collecte de fonds pour le compte des associations mais avec constamment le souci de tisser une relation pérenne avec les donateurs. C’est essentiel pour que les actions puissent porter leurs fruits dans le temps et ne pas se borner des initiatives « one shot » parfois sans lendemain. En cela, je suis fière d’avoir contribué à faire bouger les lignes en signant des campagnes citoyennes fortes et impactantes.

Est-ce en étant au contact de ces équipes associatives engagées au quotidien pour apporter des solutions aux plus démunis ou plus fragiles que vous avez-vous-même éprouvé le besoin de vous engager, notamment sur le sujet de l’égalité femme-homme ?

Frédérique Agnès : Nos métiers ont un besoin constant d’exemplarité. Nous savons que la générosité est un lien fragile. Je crois que nos métiers ont plus que jamais besoin de cohérence entre les valeurs affichées et les actes. En tant qu’acteur majeur du secteur, en constatant chaque jour les difficultés des associations, en regardant défiler l’actualité, comment ne pas être interpelé ? On prend alors la peine mesure de l’entreprise citoyenne.

L'exemplarité citoyenne, une valeur forte pour les entreprises qui doit s'imposer

L’exemplarité citoyenne, une valeur forte pour les entreprises qui doit s’imposer

Ainsi, j’ai créé il y a 12 ans maintenant les « Trésors de Générosité », un élan de générosité professionnel unique. Avec les « Trésors », nous manifestons concrètement notre engagement auprès de nos partenaires associatifs. Cette initiative correspond également à notre ADN mobilisateur et militant. Concrètement, les « Trésors » ont permis de collecter plus de 600 000 € et de soutenir différents projets associatif en faveur des enfants dont l’Unicef, SOS Villages d’Enfants, Action contre la faim, l’Arc, les Amis de Micky. A l’évidence, les combats sociétaux menés par ces associations m’ont sans nul doute amenée à me consacrer moi-même plus intensément à une thématique qui me tient particulièrement à cœur : la générosité, l’enfance, l’égalité.

En 2010, en découvrant la réalité des inégalités femmes-hommes qui perduraient dans notre pays, j’ai rejoint le conseil d’administration et du comité d’orientation du Laboratoire de l’égalité. Je tiens à rappeler quelques faits : les femmes gagnent en moyenne 28% de moins que les hommes, touchent 42% de retraite en moins. Trois femmes succombent chaque semaine en France sous les coups de leur compagnon. Nous avons donc beaucoup travaillé sur le sujet des retraites des femmes afin de tenter de diminuer ces inégalités inacceptables Nous avons lancé une vaste campagne d’intérêt général en faveur de l’égalité femmes -hommes. Le laboratoire est un authentique catalyseur de changement sociétal.

En tant que femme, professionnelle de la communication, dirigeante d’une entreprise qui sonde, étudie et communique avec l’opinion, le Laboratoire constitue une passionnante vigie pour faire avancer les choses, comprendre les tendances et faire évoluer les mentalités sur le sujet crucial de l’égalité femme-homme. Cet engagement sociétal me conduit d’ailleurs à publier au début de 2014, un manifeste pour l’égalité. Cet ouvrage rassemblera plus de 140 témoignages vécus de femmes mais aussi d’hommes sur la place des femmes dans la société. Des anonymes y côtoieront des personnalités de tous horizons avec comme fil conducteur de faire de cette égalité, une réalité concrète et non plus un vœu pieu ou un unanimisme en surface. Le sociologue de la communication, Dominique Wolton ne dit-il pas que « communiquer, c’est autant partager ce que l’on a en commun que gérer les différences qui nous séparent » !

Pour en savoir plus

Dans le cadre des « Tribune Women’s Awards », vous pouvez retrouver sur le site de La Tribune.fr, un portrait très complet de Frédérique Agnès ainsi que cet entretien vidéo ci-dessous :