Affaire Copé/Le Point : 2 enseignements de communication de crise pour son président

Depuis que l’hebdomadaire Le Point a consacré sa Une sur des supposés conflits d’intérêts impliquant l’actuel président de l’UMP, le clan Copé fourbit une réplique cinglante où la sulfateuse argumentaire tourne à plein régime. Les accusations sont effectivement lourdes mais en adoptant la stratégie du déni intégral et du complot, les proches de Jean-François Copé ne sont-ils pas en train de s’enfermer dans une impasse communicante potentiellement préjudiciable pour leur champion ? Revue de détail.

Le moins qu’on puisse dire est que l’enquête du Point a provoqué une sacrée déflagration politico-médiatique. En affirmant que le patron de l’UMP aurait (entre autres) alimenté avec largesse les caisses d’une société de communication détenue par deux proches avec l’argent du parti qu’il préside, le magazine a suscité le branle-bas de combat au sein des réseaux de Jean-François Copé. En guise de contre-attaque, c’est un pilonnage verbal et outré qui s’est abattu sur le magazine, doublé d’une mise au point sèche adressée aux adhérents et sympathisants de l’UMP et d’un dépôt de plainte en justice pour diffamation. Et si cette tactique communicante ne faisait qu’enfoncer un peu plus le député-maire de Meaux qui continue d’être exécré sondage après sondage par une large proportion de citoyens, toutes étiquettes politiques confondues ?

Touche pas à mon Copé !

Bygmalion - couverture Le PointLes communicants de l’UMP à la manœuvre pour contrer les affirmations du Point ont été prompts à réagir. Soudé comme un seul homme, le bloc Copé s’est alors aussitôt répandu dans les médias pour crier à la calomnie. Pour défendre le président du parti rudement mis en cause, ils ont dégainé un florilège sémantique digne du meilleur dictionnaire des synonymes où sont successivement claironnés « la folie du soupçon », « la cabale », « la chasse à l’homme », « le procès d’intention », « un modèle de manipulation », « des insinuations écœurantes » ou encore « des accusations malhonnêtes ». Bref, pour qui n’aurait pas compris, Jean-François Copé est assurément vierge de toutes les accusations dont le charge l’hebdomadaire et victime d’un odieux complot politico-médiatique à l’aube des échéances électorales des municipales.

Cette tactique communicante a certes un avantage immédiat. Celui de resserrer les rangs des copéistes et des militants les plus forcenés et d’avancer ainsi bille en tête telles les tortues romaines des légions de Jules César qui défonçaient les rangs ennemis sans se soucier des projectiles du camp d’en face. Hors de question en effet que l’imperator Copé puisse être déstabilisé par une énième polémique à l’heure où son ambition présidentielle de 2017 se voit sérieusement challengé par le come-back émotionnel de Nicolas Sarkozy. D’où la publication dans la foulée d’une longue lettre sur le site Web de l’UMP où sont démontés un à un les arguments avancés par Le Point. Le tout étant renforcé par une très officielle procédure judiciaire en diffamation à l’encontre des journalistes auteurs de l’enquête et du directeur de l’hebdomadaire.

En termes de communication et d’image, ce n’est pourtant probablement pas la meilleure carte jouée par l’entourage de Jean-François Copé. Sa posture victimaire ne fonctionne qu’auprès de ses thuriféraires et zélotes acharnés. Pour s’en convaincre, il suffit simplement d’observer qui est monté au créneau pour appuyer la contre-offensive copéiste : uniquement des proches inoxydables comme Jérôme Lavrilleux, éminence grise du cabinet Copé, Christian Jacob, autre proche président du groupe UMP à l’Assemblée nationale et quelques seconds couteaux enamourés.

En revanche, les autres ténors comme François Fillon et Alain Juppé sont restés sur une prudente réserve face à la controverse agitant le clan Copé. Mieux, des députés UMP n’ont pas hésité à dire tout haut que les soupçons de surfacturation au profit de l’agence de communication Bygmalion n’étaient pas une surprise. Lionel Tardy a ainsi tweeté que « tout le monde savait pour Jean-François Copé », abondé quelque temps plus tard par le témoignage de Dominique Dord, ex-trésorier de l’UMP (1) : « J’avais alerté Nicolas Sarkozy: tu es sûr que tu ne laisses pas les copains de Jean-François [Copé] se gaver ? ».

Enseignement n°1 : Le déni ne mène nulle part

Bygmalion - Tweet TardyOutre les réfutations d’airain auxquelles se livre Jean-François Copé avec l’énergie abrupte qui le caractérise, celui-ci semble pourtant oublier que sa réputation est diablement négative. En dépit de saillies populistes et opportunistes comme celle sur la théorie du genre récemment pour essayer de mobiliser autour de sa personne, le président de l’UMP reste englué dans les profondeurs des sondages d’opinion, y compris parmi les électeurs de droite. Sa propension naturelle à vouloir tout régir, à mettre les réseaux à son service exclusif et à ostraciser ceux qui ne se rangent pas assez nettement sous sa bannière, ne cesse de déplaire en dehors du noyau dur qu’il s’est constitué avec son think tank Génération France et son carré de fidèles.

Autre boulet réputationnel que le président de l’UMP continue de traîner : son accession plus que contestée et contestable à la tête du parti. Depuis ce fric-frac électoral commis aux dépens de François Fillon, l’image du député-maire de Meaux est obstinément celle d’un tricheur passé en force pour obtenir le pouvoir au sein de l’UMP. L’homme a donc beau s’échiner à clamer son innocence et à hurler au complot ourdi contre sa personne, peu de personnes sont enclines à spontanément donner quitus à celui qui ne cesse d’avoir la présidentielle de 2017 dans le viseur de ses ambitions.

Plus il s’agite dans un déni offusqué, moins l’opinion est portée à le croire tant sa réputation est calamiteuse. Son choix de se servir de Franz Olivier Giesbert, directeur du Point pour quelque temps encore, comme bouc émissaire et punching-ball tirant les ficelles d’une conspiration anti-Copé, fait également long feu. Il ne faut pas perdre de vue que le corps citoyen a encore en mémoire l’affaire Cahuzac où l’ex-ministre du Budget avait eu le culot de jurer « les yeux dans les yeux » son innocence et de dénigrer le travail journalistique de Mediapart avant de s’effondrer dans de pitoyables aveux.

Enseignement n°2 : Aboyer ne fait pas preuve

Bygmalion - Copé bras ouvertsDans l’affaire soulevée par le Point, Jean-François Copé a prestement pondu un courrier où il s’inscrit en faux contre les mises en cause faites par les journalistes. La missive étrille le reportage des deux enquêteurs. Quelques chiffres sont avancés et des rectifications de dates apportées mais difficile sur le fond de se forger une véritable opinion tellement la rhétorique prime sur les faits dans ce document. A la lecture de l’argumentaire, on a nettement plus le sentiment d’un puissant tir de barrage concédant çà et là quelques informations qu’une réelle mise en perspective transparente qui permettait de savoir si oui ou non, l’article du Point relève de la faute professionnelle.

Dans la foulée de son tweet (qui lui vaut une plainte en diffamation de la part de … Jérôme Lavrilleux !), Lionel Tardy a clairement précisé ce que devrait être en fin de compte la communication de la direction de l’UMP sur cette polémique (2) : « Il faut qu’on ait la transparence qu’on n’a pas aujourd’hui, avec de vraies réponses sur tous les frais de l’UMP : qui, à quel prix, avec une mise en concurrence. […] Il s’agit de savoir si l’argent de nos adhérents est bien utilisé ». Echo similaire chez Laurent Wauquiez qui veut bien être enclin à croire son collègue Copé mais à une condition (3) « La meilleure solution pour dissiper toutes les interrogations serait la publication des comptes de l’UMP pour la période concernée. On le doit aux militants et plus globalement aux Français qui ont généreusement contribué à la souscription lancée en 2013 pour Nicolas Sarkozy ». Là encore, la perception dominante est qu’on demeure avant tout dans une dialectique visant à pulvériser les assertions du magazine Le Point plutôt qu’une stratégie d’ouverture totale pour expliquer noir sur blanc, la réalité des faits. Dans l’argumentaire copéiste, le blog des Décodeurs du Monde n’a d’ailleurs pas manqué de relever un certain nombre d’incohérences et d’éléments spécieux (4).

Cogner fort et dur peut temporairement permettre de reprendre la main et desserrer l’étau politico-médiatique. En revanche, si le clan Copé s’absout une nouvelle fois de la nécessité de transparence invoquée par nombre d’acteurs de la vie publique et au sein même du parti, il prend le risque énorme de consolider une fois de plus la tenace réputation de bétonneur en chef que possède Jean-François Copé, obsédé qu’il est par son suprême objectif d’être un jour président de la République. Risque d’autant plus dangereux si jamais Le Point opère de la même manière que Mediapart avec Jérôme Cahuzac, à savoir la distillation progressive d’éléments et de faits accablants où l’aboiement victimaire et le serment main sur le cœur ne suffiront plus.

Sources

– (1) – Eric Mandonnet – « Soupçons de surfacturation à l’UMP : j’avais alerté Sarkozy » – L’Express – 27 février 2014
– (2) – « Affaire Copé : le tweet de Lionel Tardy, mission suicide ? » – Le Nouvel Observateur – 27 février 2014
– (3) – Ségolène de Larquier – « Affaire Copé : l’UMP avance avec une prudence de Sioux » – Le Point – 27 février 2014
– (4) – Samuel Laurent et Jonathan Parentié – « La difficile défense de Jean-François Copé face au Point » – Blog Les Décodeurs/Le Monde – 28 février 2014

A lire en complément

– Ségolène de Larquier – « La petite entreprise de Copé » – Le Point – 27 février 2014
– « Note de lecture : le Coup Monté » de Carole Barjon et Bruno Jeudy » – Le Blog du Communicant – 26 mai 2013
– « Communication politique : J-F. Copé est-il condamné à être l’Iznogoud de la droite ? » – Le Blog du Communicant – 30 décembre 2012
– Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin – « Copé, l’homme qui joue avec le feu » – Le Monde – 1er mars 2014