Deadmau5 vs Ferrari et Disney : Que risquent des grandes marques en s’attaquant à un artiste ?

D’ordinaire, il a plus l’habitude d’électriser les salles de concert et brûler la gomme sur les circuits automobiles. Pourtant, le DJ et amateur invétéré de voitures de sport Deadmau5 fait actuellement grincer des dents chez de grandes marques prestigieuses : Ferrari et Disney. Coup sur coup, ces dernières ont décidé de verser dans le juridique tatillon envers l’artiste canadien qui pèse pourtant plusieurs millions de fans sur les réseaux sociaux. Analyse du risque réputationnel.

Sans doute moins connu du grand public qu’un David Guetta ou qu’un Daft Punk, le DJ et producteur canadien Deadmau5 est pourtant une personnalité illustre de la scène electro, house et techno. Depuis 2007, Joel Zimmerman (son vrai nom) empile les tubes à succès. Des mix et des compositions musicales qui lui valent d’être choisi à plusieurs reprises pour illustrer les bandes sonores de jeux vidéo, notamment Grand Theft Auto 4 et Grand Turismo 5. Cela tombe bien puisque le personnage est également féru de bolides prestigieux au point de participer à des courses de vitesse pas très officielles comme le Gumball 2014. Avec pareil pedigree, autant dire que sur les réseaux sociaux, Deadmau5 est un influenceur de premier ordre avec plus de 9,2 millions de fans sur sa page Facebook, près de 3 millions sur son compte Twitter et 1 million sur Instagram. Pourtant, Ferrari et Disney ont tour à tour décidé de sortir le canon juridique à son encontre.

Ferrari à deux doigts de la sortie de piste ?

Deadmau5 - ferrari 428 spiderSerait-ce le motif qui a poussé récemment Deadmau5 à mettre en vente sa Ferrari 458 Spider ? Toujours est-il que le DJ canadien a décidé de troquer celle-ci contre une McLaren 650 S depuis cet été. Il faut dire qu’entre la firme de Maranello et le chauffeur de platine, les rapports ne sont guère au beau fixe depuis plusieurs mois. Cœur du litige entre les deux parties : la Ferrari du turbulent artiste. Ce dernier avait en effet décidé de customiser son bolide en le recouvrant d’un film bleu turquoise (un coloris de carrosserie pas franchement habituel pour une Ferrari) et en apposant sur les flancs de l’engin, le logo de l’ultra-populaire mème Internet NyanCat. Pis, l’impétrant avait aussi modifié les logos de la voiture en mettant à la place de l’emblématique cheval noir cabré … un chat volant du nom du Purrari !

Deadmau5 - Tweet NISSANForcément, la légendaire marque italienne n’a guère goûté la créativité débordante de son client. Très rapidement, les avocats l’enjoignent de respecter la marque et de stopper le détournement de celle-ci qu’ils estiment abusif. Profitant de la mise en vente de la voiture, la filiale nord-américaine de Ferrari a alors réactivé ses desiderata juridiques en expédiant une lettre de mise en demeure à l’intention de Deadmau5. Injonction lui est donné de remettre le modèle dans son état originel, logo y compris au risque sinon d’être poursuivi pour contrefaçon.

Sur le coup, le DJ canadien ne s’en émeut guère même si les fans ne se privent guère de commenter négativement l’attitude de Ferrari. Sur ses réseaux sociaux, il continue de parler de sa « Purrari » et de multiplier les photos de chats dans d’improbables postures. C’est finalement une marque concurrente de Ferrari qui va saisir la balle au fond lorsque la lettre de mise en demeure est rendue publique et que Deadmau5 vient d’ôter tous les aménagements visuels qu’il avait opérés sur la voiture. Pour faire le buzz marketing, le constructeur japonais Nissan diffuse un tweet clin d’œil à Deadmau5 en lui montrant le modèle sportif de la marque nippone, un coupé GT-R décoré de la même façon que la controversée Ferrari. Effet réussi parmi les fans de Deadmau5 qui partagent avec entrain le bon coup marketing moquant au passage la position drastique de Ferrari.

Mickey en a plein les oreilles

Deadmau5 - personnage souris scène 2A peine le bras-de-fer avec Ferrari était-il sur le point de s’estomper que Deadmau5 se retrouve au même moment aux prises avec d’autres hommes de loi délégués cette fois par Disney. Enjeu de cette nouvelle procédure : contraindre l’artiste à ne pas effectuer de dépôt de marque pour le personnage de souris à grandes oreilles que ce dernier utilise sur scène lorsqu’il donne des concerts.

Pour ses shows scéniques, le DJ canadien s’est en effet concocté un personnage de souris issu de de son pseudo Deadmau5 (qui signifie littéralement « Dead Mouse »). Il en a alors tiré un logo baptisé « Mau5head » qu’il décline sous forme de masques divers portés lors des concerts et de produits dérivés. En juin 2014, il décide d’enregistrer juridiquement son concept créatif à la grande fureur de Disney.

Informée des intentions de l’artiste, l’entreprise américaine juge que cette demande est irrecevable. A ses yeux, le logo Mau5head évoque beaucoup trop la bouille ronde de son célèbre souriceau Mickey. Cela constitue pour elle un préjudice. Le 2 septembre, elle engage par conséquent une procédure officielle visant à interdire l’enregistrement de ce logo aux Etats-Unis. La réplique de Deadmau5 ne tarde guère. Elle est particulièrement cinglante et mobilise à fond les espaces digitaux de l’artiste. Lequel informe à son tour qu’il dépose plainte contre Disney qui utilise sans droits l’une de ses musiques. Bravache, il promet même la bagarre auprès de ses millions de fans en déclarant dans un tweet (1) : « Disney pense que vous pourriez confondre un artiste musicien électro établi avec une souris de dessin animé. Ils pensent que vous êtes aussi stupides que ça ».

Le risque réputationnel en vaut-il le coup ?

Deadmau5 - Commentaires FacebookA l’instar de la pinailleuse requête de Ferrari, la démarche de Disney semble soudainement excessivement coercitive. Dina LaPolt, l’avocate du musicien, ne se prive d’ailleurs pas de mettre en évidence plusieurs contradictions (1) : « Le logo de deadmau5 qui présente une tête de souris de face est déposé dans 30 pays dans le monde. Disney s’oppose maintenant à ce qu’il soit enregistré aux États-Unis. Étant donné que cette tête de souris et d’autres marques déposées de deadmau5 sont utilisées dans le monde et aux États-Unis depuis près d’une décennie, nous nous demandons pourquoi Disney engage des poursuites maintenant. Notre client est prêt à se battre pour protéger son droit à la propriété ».

Sur les réseaux sociaux, Deadmau5 est d’ailleurs nettement moins conciliant. Il dégaine à tout va les messages indignés auprès de ses fans. Le 5 septembre sur Twitter, il partage notamment la copie de la plainte qu’il vient d’adresser contre Disney. Cela génère plus de … 8 millions de retweets au total. Sur Facebook le même jour, il en remet une couche sur l’utilisation illégale d’un de ses morceaux par Disney et ne se prive pas en bonus de moquer ouvertement une artiste de l’écurie Disney, Tina Braz.
Même si Ferrari s’est fait malmener sur les réseaux sociaux, la marque s’en est tirée au final sans trop de dommages collatéraux d’autant plus que le DJ canadien a fini par accéder à la demande de remise en état de la voiture si décriée. A part quelques avanies qui n’ont pas manqué de surgir, Ferrari n’avait en fait guère à craindre des communautés de fans de Deadmau5 qui ne sont guère les mêmes que celles de la marque italienne. A part peut-être les gamers qui optent pour rouler virtuellement en Ferrari dans leurs jeux vidéo de courses de voitures !

En revanche, Disney joue beaucoup plus gros avec sa réputation. Outre à ce stade, une stratégie juridique qui n’apparaît pas très cohérente, les publics de Deadmau5 et ceux de Disney se recoupent plus largement. Autant dire que les arguments portés par l’artiste canadien ont de quoi trouver un écho autrement plus favorable dont Disney pourrait payer une note réputationnelle plus salée. D’autant plus que dans le contexte actuel, l’affaire réunit les ingrédients et le casting parfaits dont raffolent les médias : une puissante et riche multinationale qui entend brider la liberté artistique d’un individu. Certes, celui-ci n’est pas désargenté non plus mais la perception globale du rapport de force joue d’abord au détriment de Disney. Si médias classiques et réseaux sociaux continuent de faire monter la pression, Disney fonce direct vers la communication de crise incontrôlable.

Sources

– (1) – « Disney se lance dans une bataille juridique avec le DJ Deadmau5 » – Huffington Post – 5 septembre 2014
– (2) – « Disney en a contre les oreilles du DJ canadien Deadmau5 » – Radio Canada.ca – 4 septembre 2014