Etude PR Week : 69% du public n’a pas confiance dans les agences de communication. Que fait-on maintenant ?

Le constat établi en mars 2015 par le magazine professionnel britannique est rude mais pas forcément étonnant. Plus la communication investit les débats sociétaux, plus elle est soupçonnée (à tort ou à raison) de tirer des ficelles obscures pour des desseins spécifiques plutôt qu’aider à éclairer les esprits et favoriser des terrains de dialogue entre parties prenantes. Le secteur des RP et de la communication peut-il espérer sortir de cette ornière réputationnelle ou est-il condamné à jamais à traîner une image sulfureuse ? Eléments de réflexion.

Les tenants du déni objecteront sûrement que l’étude menée par le magazine PR Week concerne uniquement le Royaume-Uni et qu’à ce titre, les données sont différentes en France ou même ailleurs. Il n’est pourtant pas si certain que l’industrie tricolore des relations publics soit exempte des tares et des griefs que les personnes sondées Outre-Manche associent volontiers aux communicants. Raison de plus pour se pencher en détails sur les enseignements de cette enquête et les pistes éventuelles pour faire mentir l’adage populaire qui veut que les cordonniers soient toujours les plus mal chaussés !

La communication, facteur de défiance ?

PR Week - embrouillaminiRéalisée auprès de 2000 personnes par l’institut d’études d’opinion Reputation Leaders et publiée le 19 mars dernier, l’enquête commanditée par le magazine PR Week brosse un portrait cinglant de la perception actuelle de l’opinion publique envers les professionnels de la communication. 69% des personnes interrogées n’accordent aucune confiance à ces acteurs qui accompagnent les entreprises, les marques et les institutions dans leurs relations quotidiennes avec les publics. Au premier rang des reproches adressés aux communicants, figure notamment l’accusation que ce métier privilégie le baratin au fond. Autrement dit, les relations publics servent avant tout à enjoliver ou façonner exagérément une image plutôt qu’à favoriser le partage d’arguments étayés, nourrir la crédibilité et générer des points de convergence entre les parties prenantes d’un sujet donné.

Seule consolation peut-être de ce verdict implacable : deux autres catégories d’acteurs jouissent d’une réputation équivalente ou encore plus calamiteuse que les communicants ! La même enquête (1) relève en effet que 69% des interviewés se méfient autant des journalistes pour dire la vérité tandis que les politiciens atteignent un vertigineux score de défiance de 84% ! Au-delà de ces piètres scores, le public interrogé formule d’autres récriminations pareillement mordantes à l’encontre des pros des RP (2) : 72% déplorent que les communicants soient payés pour influencer les gens, 52% estiment qu’ils sont spécialistes pour camoufler les comportements négatifs de leurs clients et 22% les suspectent de bidouiller les chiffres et les résultats en matière de campagne de communication.

L’argent : entre mythe et réalité

PR Week - moneyEn soi, la fracture de la confiance à l’égard des professionnels de la communication n’est pas une véritable découverte. A tel point que le vocable « communication » est quasi systématiquement teinté d’une connotation péjorative dans l’esprit du public. Un patron d’entreprise qui lance par exemple une action de développement durable, est immédiatement taxé d’opportunisme, voire soupçonné de viles visées pour détourner l’attention ou s’arroger sans complexes un comportement exemplaire alors qu’il ne l’est pas vraiment. C’est un fait. Les jugements à l’emporte-pièce tombent dru dès lors que des communicants sont à la manœuvre pour promouvoir et faire connaître une opération, un produit ou simplement faire part d’une position sur un sujet corporate.

L’irruption de la thématique de l’argent n’arrange rien dans ce déficit de confiance. L’un des autres motifs de reproches évoqués dans l’étude de PR Week est effectivement le lien financier qui unit communicants et clients. Un lien qui est abondamment morigéné par le panel des répondants. Une idée largement reçue veut notamment que les premiers brassent des millions d’euros pour le compte des seconds sans toujours être très regardants sur la façon d’utiliser cet argent. Même si l’immense majorité des professionnels de la communication ne roulent ni sur l’or (surtout dans le contexte actuel de budgets baissiers), ni dans le recours aux pots-de-vin et autres petits arrangements de circonstance, l’argent demeure sujet de litige et de fantasme. Ce n’est d’ailleurs pas la récente affaire du conseiller privé en communication de Mathieu Gallet, président de Radio France qui va arranger les choses. Le 25 mars, le Canard Enchaîné a de fait dévoilé que le communicant Denis Pingaud recevait 90 000 € par an pour soigner l’image personnelle du dirigeant. Une prestation attribuée de surcroît en catimini et sans aucune mise en concurrence préalable comme il est de coutume de procéder pour des appels d’offres du secteur public.

Communication = falsification ?

PR Week - GoogleL’autre accusation mentionnée dans l’étude de PR Week est tout aussi navrante. Pour 52% des sondés, un communicant est en effet assimilé à un manipulateur de cerveau et à un cosméticien prêt à occulter certains aspects négatifs ou sensibles au détriment d’une approche plus ouverte et transparente. En dépit de l’éthique avérée de la plupart des professionnels de la communication, les contorsions communicantes (que d’aucuns s’échinent à toujours pratiquer) entretiennent malheureusement l’idée tenace que le métier de communicant est un métier de marionnettiste prêt à jouer avec les lignes et l’écran de fumée.

Là aussi, l’actualité a récemment fourni un exemple peu glorieux où la communication n’est pas loin de rimer avec falsification. Auteur d’un documentaire sur Google diffusé le 22 mars dernier sur M6, Sandrine Rigaud a ensuite relaté son expérience journalistique pour parvenir à se faire ouvrir les portes du célèbre moteur de recherche. Son témoignage est édifiant (3) : « Sur place, nous n’étions cependant pas totalement libres. Il fallait jouer le jeu et pour atteindre le cœur du géant, il nous fallait respecter les règles qui nous étaient fixées. Le moindre plan était négocié avec le service de communication de Google. Nous devions envoyer nos questions à l’avance, respecter des temps d’interviews limités, accepter d’être sans cesse accompagnés par un membre de la com’… et ne pas entrer dans les bureaux où travaillent les ingénieurs ». Si la journaliste n’avait pas obtempéré aux injonctions des communicants, son reportage aurait alors été tout bonnement arrêté. Pas évident ensuite de faire comprendre qu’un communicant n’est pas forcément un garde-chiourme qui lève un pan du rideau selon son bon vouloir et sans jamais parler des choses qui grincent !

Mieux faire comprendre la profession

PR Week - House of cardsAu-delà des exemples peu glorieux que charrie à intervalles réguliers l’actualité à propos des communicants, la réputation de ces derniers est également brouillée à cause de l’incapacité des professionnels eux-mêmes à faire connaître et comprendre leurs activités. Cela peut apparaître comme un hallucinant paradoxe tant leur mission est précisément de battre en brèche certains préjugés ou de contrebalancer des mythes tenaces pour des clients à l’image chahutée, pas assez attractive ou fiable. C’est pourtant une réalité qu’il convient d’admettre. Le grand public ignore globalement tout du métier de communicant. Pire, il le réduit fréquemment à un vaste fourre-tout où publicité, marketing, lobbying et communication sont amalgamés sans discernement.

A cela, s’ajoute aussi la propension volontaire de certaines figures de la profession pour jouer avec le culte de « l’homme de l’ombre ». Après tout, s’arroger un petit côté sulfureux façon « House of Cards » a le don d’exciter la curiosité des prospects et de faire de vous une sorte de démiurge tout-puissant de l’image et de l’influence. Or, à force de pulvériser ce parfum de mystère et de soi-disant pouvoir, la profession se tire une balle dans le pied à l’heure où l’exigence de transparence du corps sociétal se fait nettement plus comminatoire. Il serait temps que ces pseudos conseillers de l’ombre (qui ne tirent bien souvent que les ficelles qu’ils se confèrent eux-mêmes ou qu’ils croient maîtriser) cessent le petit numéro de prestidigitateur égotique. Plus ils continueront à cultiver ce goût de la coulisse, plus ils nourriront en retour une forme d’allergie conspirationniste au sein de l’opinion qui affecte dramatiquement la réputation de toute une profession.

Et dans l’immédiat ?

PR Week - mistrustActuellement, il existe des réflexions en cours dans la foulée de la charte d’éthique édictée par le Syntec RP, l’organisme qui fédère aujourd’hui l’essentiel des agences de communication actives sur le marché français. Sans doute, conviendrait-il peut-être d’accélérer le pas face au divorce réputationnel croissant que la profession affronte mais aussi d’étendre le champ de réflexion aux directeurs de la communication, eux-mêmes soumis parfois à des demandes ambivalentes ou des pressions peu aisées à gérer. De même, la profession pourrait peut-être réfléchir à la constitution d’une base de données officielle où seraient publiquement répertoriés les contrats en cours entre agences et clients. L’outil existe bien pour le secteur de la santé où les médecins sont tenus de faire connaître leurs éventuelles collaborations avec des laboratoires pharmaceutiques.

Enfin, il serait temps que les communicants s’autorisent à prendre la parole pour mieux faire connaître les réalités, les valeurs et les aspects variés de leur métier. Ceci sans attendre qu’une sale affaire à la Bygmalion ne vienne une fois de plus ternir l’écaille d’une activité qui a pleinement son sens et son utilité lorsqu’elle est pratiquée avec conscience, pragmatisme et distance critique. C’est ailleurs en alliant ces qualités-là que la communication ajoutera d’autant plus de valeur ajoutée et de crédibilité à son image comme à celle de ses clients. Dans le cas contraire, nous serons tous réduits à des baveux qui pérorent sur les plateaux de télévision, qui se la racontent avec des concepts fumeux et qui se la jouent conseillers occultes du prince.

Sources

– (1) – Ian Griggs et Isabelle Aron – « PR in the dock: Nearly 70 per cent of the general public does not trust the industry » – PR Week – 19 mars 2015
– (2) – Patrick Coffee – « STUDY: the Public Thinks PR Is Mostly Spin » – PR Newser – 23 mars 2015
– (3) – Sandrine Rigaud – « « Capital » chez Google sur M6 : j’ai visité le monde des Bisounours. En plus inquiétant » – Le Plus de L’Obs – 22 mars 2015

A lire en complément

Article de synthèse sur l’étude PR Week par Tom Hashemi, chef de projet chez Reputation Leaders qui a conjointement réalisé l’enquête



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