Médias sociaux & dirigeants d’entreprise : En net progrès mais efforts à maintenir !

En cette période de remise des bulletins scolaires de fin d’année, l’agence de communication Weber Shandwick vient de publier un rapport sur les usages des médias sociaux par les dirigeants des 50 plus grandes entreprises mondiales. En 5 ans, l’engagement de ceux-ci a nettement bondi puisque 80% d’entre eux sont présents en ligne. De nets progrès sur lesquels les communicants d’entreprise doivent capitaliser pour poursuivre la digitalisation de la communication des organisations.

Si l’intrication entre la réputation d’une entreprise et l’engagement en ligne de son PDG n’est plus un constat qui souffre de contestation, les hauts dirigeants ont longtemps manifesté une forte réticence à l’idée de s’exposer plus ouvertement sur les réseaux sociaux. Pour certains, il n’y avait aucune valeur ajoutée. Pour d’autres, c’était un facteur additionnel de risque réputationnel. En 2010 puis en 2013, l’agence Weber Shandwick avait d’ailleurs déjà opéré un coup de sonde pour mettre en évidence cette allergie communicante largement répandu parmi les décideurs à la tête du top 50 des entreprises qui constituent le classement du Global 500 du magazine économique Fortune. A la lumière des résultats de la 3ème édition de l’étude intitulée « Socializing your CEO », il s’avère qu’un grand pas a été franchi même s’il convient de tempérer certains faits.

Un indéniable progrès

WS - Chiffres clés social CEOChief Reputation strategist chez Weber Shandwick, Leslie Gaines-Ross, n’y va pas par quatre chemins pour résumer sa vision des enjeux dans la foulée de la publication de la saison 3 de « Socializing your CEO ». Dans l’introduction du rapport 2015, elle affirme sans ambages : « L’engagement du PDG sur les médias sociaux est aujourd’hui un must réputationnel. Les leaders d’entreprise se convertissent de façon croissante au digital pour partager l’histoire de leur entreprise, toucher des réseaux plus larges de parties prenantes et rejoindre des conversations en ligne où leur entreprise est déjà objet de discussions. Les PDG qui n’embrassent pas la communication en ligne risquent d’être relégués derrière les autres ». Le ton est donc donné. En 2015, un grand dirigeant ne peut plus faire l’impasse d’une présence digitale active.

C’est un fait. L’engagement digital des grands dirigeants enregistre un bond indéniable. En 2010, ils n’étaient que 36% à disposer d’une présence digitale avérée. Cinq ans plus tard, ils sont 80% parmi le Top 50 du classement Fortune à exister sur le Web social soit une progression de 122%. Si l’on se penche sur les profils de PDG qui ont franchi le Rubicon de la communication numérique, on note que ce n’est pas forcément une question de génération, ni d’âge mais plutôt de temps passé à conduire les rênes d’une entreprise. Le rapport Weber Shandwick remarque ainsi que les PDG ayant moins de 3 années à la tête d’une société sont plus enclins à s’engager que ceux relevant d’un mandat exécutif depuis plus de trois ans.

Comment se traduit cette présence ?

WS - Chiffres clés rapportLe site Web corporate de l’entreprise demeure nettement le canal de prédilection pour les PDG digitalisés. 68% d’entre eux ont su dépasser l’empreinte classique se bornant à un portrait photo et une biographie succincte pour proposer des vidéos de discours et d’interventions régulièrement mises à jour, voire des contenus édités par ailleurs sur Twitter et Linkedin.

Comme bon élève emblématique de cette tendance, Leslie Gaines-Ross cite l’actuel PDG de Microsoft, Satya Nadella (nommé en février 2014 pour succéder au longtemps indéboulonnable Steve Balmer). Fort d’une communauté de 430 000 abonnés sur Twitter, le n°1 de Microsoft propose en effet une page abondamment nourrie en citations, photos et vidéos. Par comparaison, les PDG n’étaient que 32% en 2010 à investir autant le site Web corporate.

Autre outil nettement privilégie dans leur communication digitale : la vidéo avec notamment une présence accrue des grands dirigeants sur la chaîne YouTube de leur entreprise. En 2010, un petit 12% seulement de pionniers s’était déjà aventuré sur la plateforme vidéo. En 2015, les rangs ont triplé avec 38% d’entre eux intervenant dans des vidéos. Avec deux usages dominants : des commentaires relatifs aux performances financières trimestrielles de leur entreprise et des messages adressés aux clients de celle-ci. Cependant, certains vont un cran plus loin comme le PDG de Lufthansa, Carsten Spohr. Ce dernier a publié une série de vidéos pour répondre aux clients à la suite du dramatique crash du vol 9525 de sa filiale GermanWings en mars dernier.

Si l’on regarde du côté des réseaux sociaux à proprement parler, Linkedin demeure incontestablement le réseau préférentiel. En 2010, 4% à peine des PDG du Top 50 du classement Fortune disposaient d’un profil. Ils sont aujourd’hui 22% à entretenir ce même profil et à engager de manière plus proactive avec leurs publics. Ceci d’autant plus que Linkedin propose des initiatives comme le programme Influencer où un dirigeant peut alors publier des billets de réflexion et d’opinion qui alimenteront ensuite des débats en ligne. En plus de Linkedin, Twitter est l’autre réseau social plébiscité par les dirigeants d’entreprise bien que la proportion de ceux-ci n’atteigne encore que 10% (2% en 2012).

Cette présence digitale en hausse est également à corréler avec le niveau de maturité digitale des zones géographiques. Sans surprise, le gros des troupes exécutives englobe des dirigeants américains (94% de présence) et européens (84% de présence). En revanche, le taux de présence chute à 55% sur la zone Asie-Pacifique-Afrique et a même tendance à stagner depuis 2012.

Quels enseignements retenir ?

WS - Tablette CEOLa présence digitale d’un haut dirigeant est clairement devenue un point incontournable de toute stratégie de communication d’une entreprise. Elle l’est d’autant plus que le corps managérial des entreprises est lui-même demandeur comme le révèle le rapport Weber Shandwick. Interrogés sur la présence en ligne de leur PDG, les managers ont répondu à 52% que celle-ci était inspirante, à 46% qu’elle montrait une avance technologique et à 41% qu’elle suscitait un sentiment de fierté. Récemment, d’autres études avaient également souligné que côté clients, consommateurs et fournisseurs, le son de cloche était similaire. Une entreprise dotée d’un PDG actif sur le digital avait tendance à nourrir une perception plus favorable qu’une entreprise demeurant muette, voire totalement absente.

Si les résultats 2015 du rapport Weber Shandwick confirment de toute évidence qu’une présence digitale n’est plus vraiment optionnelle, il n’en demeure pas moins qu’il ne faut pas non plus céder à un prosélytisme béat. L’engagement d’un dirigeant sur les médias sociaux n’est pas une action neutre, ni simplement cosmétique. Pour assurer sa crédibilité et sa pertinence, cela suppose que celui-ci soit préalablement écouté et formé en conséquence et au regard des enjeux de l’entreprise. Il est hors de question de précipiter un dirigeant dans l’agora numérique au simple motif que les autres y sont déjà. Imposer cette approche sans tenir compte du style de leadership et d’éventuelles réticences est le meilleur moyen d’aboutir à une faillite réputationnelle.

En conséquence, une présence digitale se travaille progressivement et de concert avec le premier concerné. C’est là le rôle éminent de tout communicant digne de ce nom que d’accompagner le n°1, de choisir précautionneusement les réseaux où il compte s’engager et de définir la tonalité des conversations qu’il engagera. Tous les facteurs semblent aujourd’hui réunis pour aider les grands dirigeants à accomplir la digitalisation de leur communication.

Pour aller plus loin

– Lire l’article de Leslie Gaines-Ross – « What CEOs have learned about Social Media » – Harvard Business Review – 18 mai 2015
– Télécharger l’intégralité du rapport « Socializing your CEO III – From marginal to mainstream » de Weber Shandwick