Développement durable/RSE : C’est bien parti pour durer dans les entreprises !

Apparu à l’orée des années 2000, le développement durable (aussi dénommé RSE) vise à concilier performance économique et intégration plus active de contraintes environnementales et sociétales dans l’activité d’une entreprise. Fustigé par certains dirigeants comme une source additionnelle de coûts ou vilipendé par des ONG et des groupes activistes comme de la communication cosmétique pour verdir la réputation, le concept n’en a pas moins continué de progresser, de multiplier les initiatives concrètes autant chez de grands groupes d’envergure mondiale que de PMI/PME locales. Avec en prime des résultats probants, y compris financièrement parlant.

A quelque temps de la conférence COP 21 qui se tient à Paris du 30 novembre au 11 décembre où il sera beaucoup question de d’impact environnemental, le Connect Club fondé en 2005 par Nicolas Bordas, actuel président de BEING Worldwide et vice-président de TBWA Europe, a proposé le 17 septembre dernier, une enrichissante intervention aux membres du Connect Club, professionnels de la communication, marketing et publicité. Invité : Sylvain Lambert, un expert qui a très tôt été convaincu des vertus du développement durable autrement que par le prisme de ceux qui n’y voyaient que frein rédhibitoire à la rentabilité ou greenwashing opportuniste et pas franchement sincère. Associé au sein du célèbre cabinet conseil PricewaterhouseCoopers (PwC), il dirige aujourd’hui un département entièrement dédié à cette thématique avec une équipe de 35 personnes en France (et 500 dans le monde) pour accompagner les entreprises et faire du développement durable un atout au service d’une société et de son écosystème. Résumé des points clés.

Une notion née avec le risque industriel

PwC - sylvain_lambert-bigAux yeux de Sylvain Lambert (photo ci-contre), les premiers germes qui ont abouti au concept abouti de développement durable (également appelé responsabilité sociétale/RSE) tel que pratiqué aujourd’hui, proviennent essentiellement des industries lourdes, souvent polluantes et confrontées au risque plus que quiconque. C’est d’ailleurs feu le groupe chimique et pharmaceutique tricolore Rhône-Poulenc qui a été le premier en France à publier en 1994 un rapport d’audit détaillé et chiffré sur les risques liés à l’hygiène, la sécurité et l’environnement de ses activités à destination des actionnaires de l’entreprise. Objectif : souligner objectivement les efforts de celle-ci pour anticiper et éviter des risques pouvant gravement nuire à la rentabilité et à l’image de la société et amorcer une image citoyenne.

Sylvain Lambert qui a participé à l’élaboration de ce document, se souvient : « C’était très précurseur à l’époque mais assez vite d’autres secteurs comme l’agro-alimentaire et la distribution ont notamment commencé à considérer qu’un risque maîtrisé pouvait être moins coûteux et plus valorisant qu’une catastrophe autant d’un point de vue économique que sociétal. Pas à pas, les choses se sont structurées et affinées pour déboucher aujourd’hui sur le développement durable considéré comme un levier stratégique et de performance ». Pour s’en convaincre, il suffit par exemple de se référer à la catastrophe de la plateforme pétrolière Deep Water Horizon que BP a vécue en 2010 (lire à ce sujet le billet du blog du Communicant).

Aujourd’hui, l’addition de tous les coûts corollaires à cette grave crise (minorée de surcroît dans un premier temps par BP) qui a dévasté l’environnement local et brouillé considérablement la réputation du pétrolier, est évaluée à 40 milliards de dollars ! Pour faire face aux réparations, procès, indemnisations, etc, BP a d’ailleurs même dû se séparer de certaines activités industrielles pour éviter que son compte d’exploitation ne vire au rouge carmin !

Une société de plus en plus regardante

PwC - GreenwashingEmbrassé avec enthousiasme au début des années 2000, le développement durable n’en a pas moins connu un parcours parfois cahoteux ou stagnant. Pour quelques industriels, le concept a même vite été dévoyé en ce que les médias et les associations écologistes ont baptisé du « greenwashing ». Autrement dit, vert et vertueux en apparence et dans les discours mais pas franchement exemplaire au quotidien et dans les actes. D’autres ont surtout considéré le développement durable comme un renchérissement de leurs coûts fixes et variables et sont longtemps demeurés au mieux sceptiques et timorés, au pire totalement inactifs.

C’était sans compter avec l’exigence grandissante (et particulièrement affirmée dans les économies occidentales mais aussi au Japon ou en Australie) du corps sociétal de plus en plus exposé à des problématiques comme le changement climatique, le respect des droits de l’Homme ou encore le travail des enfants à mesure des révélations médiatiques et scientifiques des impacts de l’activité humaine sur ses propres pairs et leur environnement naturel. Exemple parmi d’autres qui ne cesse de s’amplifier encore actuellement : l’usage d’huile de palme dans l’industrie alimentaire où Nestlé a payé cher en 2010 pour s’être obstiné à ne rien écouter avant de céder à ses opposants.

A cela, s’est également ajouté plus spécifiquement en France, une réglementation à la drasticité sans cesse croissante (mais apparemment efficace puisque l’Union européenne en transpose des pans entiers !). Sylvain Lambert estime à cet égard que la loi Grenelle II a constitué un véritable accélérateur avec par exemple l’article 75 obligeant des entreprises d’une certaine taille à publier un bilan carbone ou l’article 225 (toujours à partir d’une certaine taille) contraignant à la publication d’un rapport d’audit RSE au même titre que les comptes financiers. Entre un citoyen plus regardant et un législateur plus tatillon, le développement durable a trouvé là un indubitable terreau pour essaimer dans les entreprises.

Faire d’un « supposé » mal, un bien avéré

Même si c’est en pestant ou en se faisant tirer l’oreille, Sylvain Lambert constate que les entreprises ont largement évolué en termes de perception sur le sujet du développement. Bien qu’il implique des investissements supplémentaires pas toujours aisés à réaliser dans un contexte économique plutôt volatil et très concurrentiel, il est maintenant vu comme un atout stratégique qui peut aussi aider à gagner des parts de marché, réaliser des économies et cultiver une authentique image différentiante auprès de ses publics.

PwC - Kering-Profit-LossLe cas du groupe Kering a notamment été mis en exergue comme un exemple de volonté affirmée d’une entreprise d’être un acteur contributif et pas seulement obsédé par ses marges. Ce dernier s’est ainsi engagé d’ici 2020, à retirer de l’intégralité de ses produits les éléments toxiques pouvant encore entrer dans la composition de tel ou tel objet avec comme indicateur référent, non pas la norme REACH (déjà stricte) mais celle de Greenpeace, Detox. PDG de Kering, François-Henri Pinault est parfaitement conscient de la complexité industrielle et des surcoûts potentiels qu’une telle décision implique. Pour autant, il estime que le bénéfice réputationnel sera largement supérieur auprès des consommateurs qui peuvent suivre les progrès réalisés sur le site Web dédié extrêmement complet de Kering.

Pour Sylvain Lambert, le développement durable n’est pas l’apanage exclusif des multinationales. Il a notamment évoqué l’initiative réalisée par la marque de linge de maison Carré Blanc. Le service achats de la société a mis en place un plan pour sélectionner les meilleures sources de fabrication en Europe, Turquie, Brésil et Asie, toutes sécurisées sur le plan de la qualité des produits, du respect de l’environnement et de la santé des personnes (norme REACH). En 2013, il a également organisé une collecte de linge usagé auprès de ses clients. Lesquels recevaient en retour un bon de 10 € à valoir sur un prochain achat. Le linge récupéré a ensuite été recyclé par des organismes d’aide à la réinsertion sociale et la matière obtenue réutilisée pour fabriquer de la mousse absorbante pour des tableaux de bord des voitures.

Cohérence, pragmatisme, petits pas mais pas de dogmatisme

PwC - CSR circleS’il est un point que Sylvain Lambert a tenu à marteler durant son intervention, c’est le souci de cohérence dont l’entreprise doit obligatoirement faire preuve lorsqu’elle engage une démarche de développement durable : « J’ai en effet connu un distributeur français qui à une époque, subventionnait en partie des petits producteurs dans des pays émergents pour faire du commerce équitable mais qui dans le même temps, réglait les factures de ses fournisseurs français à plus de 150 jours d’échéance ! C’est totalement incompatible et incohérent ». Cela l’est d’autant plus qu’aujourd’hui les entreprises sont scrutées à la loupe par des mouvements organisés et maîtrisant parfaitement l’art de la communication en réseau (lire à ce sujet le récent billet invité de Tom Liacas). La moindre défaillance coupable ou tentative de « greenwashing » peut proportionnellement dégénérer en crise coûteuse. Certaines de l’industrie du textile en ont d’ailleurs fait l’amère expérience lors de la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh où plus d’un millier de petites mains a trouvé la mort dans l’écroulement du bâtiment abritant des ateliers de confection sous-traitants.

Pour autant et selon l’expert de PwC, le développement durable ne doit surtout pas être abordé de manière dogmatique. Chaque cas d’entreprise est unique. Selon sa taille, son secteur, sa culture, ses propres contraintes industrielles, certaines choses sont réalisables (et doivent être enclenchées comme telles sans attendre l’accident, un règlement plus dur ou un activisme opposant résolu). D’autres nécessitent plus de pragmatisme et une approche graduelle pour espérer obtenir des résultats tangibles sur un terme plus long et ainsi se différencier concrètement. A la lumière de ce tour d’horizon, une chose est indéniablement acquise. Même si certains rechignent encore, font partiellement ou bricolent en pensant passer au travers des problèmes, qu’on l’appelle développement durable ou RSE, l’entreprise a pris conscience de sa responsabilité. En témoigne le tout récent film diffusé par Unilever au sujet de sa contribution contre la déforestation (voir ci-dessous)… Aux parties prenantes et à chaque citoyen d’être vigilant et actif pour plutôt soutenir les bons élèves du développement durable que les cancres du « greenwashing ».

Pour aller plus loin sur le sujet

– Visiter le site Web dédié au développement durable du cabinet PricewaterhouseCoopers
– Visiter le site Web du groupe Kering sur ses différentes initiatives RSE
– Visiter le site Web du groupe Unilever sur ses actions RSE (en anglais)