19 janvier 2016

Du bon, du bad et du marrant (ou pas) : Etat des lieux des bad buzz en 2015

Hantise du community manager lorsqu’il vire au pugilat en ligne mais aussi obsession du communicant ou marketeur en mal de visibilité digitale, le buzz en bien ou en mal s’est définitivement incrusté dans les stratégies de communication des marques et des entreprises. Visibrain, plateforme de veille sur Twitter et Nicolas Vanderbiest, chercheur en communication des entreprises à l’Université Catholique de Louvain, viennent de publier un édifiant petit livre blanc sur l’état de l’art de ce bourdonnement numérique. Résumé des points saillants à retenir pour 2015 et à garder en mémoire pour 2016.

Il faudra bien s’y résoudre. Le bad buzz est devenu un phénomène intrinsèque aux médias sociaux et particulièrement sur Twitter qui concentre l’immense majorité de ceux survenus en 2015. Pour une raison relativement simple : Twitter est un creuset où se croisent et se retweetent influenceurs, journalistes, activistes, militants et plus généralement mécontents de tout poil. Pas étonnant dans ces circonstances que le gazouillis du volatile bleu soit désormais le lieu privilégié d’où partent des attaques réputationnelles, surtout si une chaîne tout-info décide en plus d’embrayer sur l’affaire pendant plusieurs heures. Résultat : 94% des crises générées en 2015 ont Twitter comme vecteur principal de propagation.

Des chiffres et des tendances

Visibrain - Maroc HebdoParadoxalement, le bad buzz plafonne quelque peu en 2015 en termes d’occurrences avec 109 cas recensés par Visibrain et Nicolas Vanderbiest qui est également l’auteur du blog Reputatio Lab qui dissèque en permanence la systémique de ces emballements digitaux. En 2014, on en dénombrait 104. Après une très forte accélération depuis 2010, le phénomène bad buzz se tasse mais cela ne signifie pas pour autant que les impacts sont devenus moindres dans certains cas. Si ce que Nicolas Vanderbiest qualifie de « crisounette » (pas plus de 24 heures de durée et pas de répercussions majeures) a tendance à stagner, les bad buzz d’ampleur moyenne enregistrent en revanche une hausse de 10% par rapport à l’an passé. Or, ces derniers sont nettement plus handicapants, ont souvent un coût financier et réputationnel à la clé et laissent des traces que d’aucuns peuvent exhumer à tout propos dans le futur.

Autres faits intéressants à souligner : 78% des crises résultent d’erreurs dans la communication ou le marketing de l’entreprise. Autrement dit, 8 cas sur 10 sont engendrés par un produit défectueux ou choquant dans certains contextes, par une publicité déplacée ou agressive ou encore par un processus défaillant comme le manque de réponse d’un service après-vente suite à une question d’un consommateur mécontent, voire des commentaires ironiques ou arrogants du community manager qui ne font qu’empirer une situation déjà conflictuelle à la base. En 2015, les secteurs d’activités les plus concernés par ces loupés numériques sont les médias (16% des cas), les produits alimentaires (11%) et les secteurs des loisirs, de la restauration et de l’habillement (chacun pesant 9% des cas).

Pour autant, Nicolas Vanderbiest insiste bien sur le fait que les crises qui essaiment sur Twitter ne sont pas toutes 100% digitales. 44% trouvent en effet leur origine suite à un événement offline. C’est par exemple le cas de la chaîne hollandaise de magasins de jouets Bart Smit. Celle-ci avait mis en vente pour les adolescents, un bâton télescopique muni d’un miroir permettant de … voir sous les jupes des jeunes femmes ! Une consommatrice scandalisée a alors tweeté la photo et l’affaire s’est aussitôt emballée, contraignant l’enseigne à retirer le produit et à éponger une perte de chiffre d’affaires ! Dernier point à noter : les critiques procèdent souvent d’un rappel à la règle par des internautes envers une marque. Starbucks qui s’était associé à la peine des familles ayant perdu des proches lors des attentats de Paris en novembre 2015, s’est vu tacler et rappeler au même moment que la société américaine serait également bien inspirée d’arrêter son optimisation fiscale abusive en France ! Mais dans tous les cas, Twitter est bel et bien un amplificateur d’écho médiatique qui peut encore plus gonfler si des médias classiques (aujourd’hui pleinement à l’affût d’événements sur Twitter) choisissent de répercuter une affaire donnée.

Qui sont les bonnets d’âne en 2015 ?

Visibrain - Tel AvivSans hésiter, Nicolas Vanderbiest pointe les médias pour leur propension (volontaire ou pas) a susciter des bad buzz en pagaille. Soit par eux-mêmes en éditant les couvertures de magazines sur le point de sortir en kiosque qui interpellent et choquent certaines communautés comme par exemple la pitoyable Une de Maroc Hebdo qui titre « Faut-il brûler les homos ? ». Soit par leur propension à relayer des bad buzz pourtant peu représentatifs mais qui servent à générer du clic pour les courbes d’audience des sites d’info. Ce fut notamment le cas de la polémique « Tel Aviv sur Seine » en août 2015 initiée par quelques militants propalestiniens contre la mise à l’honneur de Tel-Aviv par la mairie de Paris lors de l’opération Paris-Plages. Nicolas Vanderbiest précise : « Il n’y a eu pourtant que 10 000 tweets au total dont 3000 émanant d’une seule et même personne. Pas de quoi en faire un sujet d’ampleur. Pourtant, les chaînes de TV vont venir filmer les dizaines de manifestants sur place et les 500 policiers dépêchés pour la circonstance ».

Ensuite, on retrouve toute une série de bad buzz à la tonalité assez variée allant de la vidéo de l’école 42 où un enseignant s’octroie du bon temps coquin avec une jeune femme jusqu’aux vieux tweets de jeunes joueurs du PSG qui insultent leur entraîneur et qui sont remis sur le devant de la scène quelques années plus tard. Il y a également les dérapages tristement plus classiques comme le racisme, le sexisme ou le mauvais goût. En revanche, la palme de l’incompétence revient sans conteste à McDonald’s qui « s’est offert » 3 bad buzz durant l’année dont deux identiques au Mexique puis en Italie où la publicité vantait la supériorité du hamburger face à la cuisine locale !

Que retenir au final ?

Visibrain - VitalibertéNicolas Vanderbiest distingue 7 enseignements à extraire de cette cuvée 2017 (l’intégralité de ceux-ci est disponible sur le livre blanc en téléchargement sur le site de Visibrain – voir à la fin de ce billet). Pour le Blog du Communicant, trois d’entre eux sont réellement préoccupants. Le premier concerne l’éthique qui représente de moins en moins une barrière dès lors qu’il s’agit de faire parler de soi à tout prix. On ne compte plus les campagnes et les visuels délibérément provocateurs qui visent uniquement à déclencher des réactions outrées au maximum et faire ainsi apparaître la marque dans les médias. C’est par exemple le cas de la salle de gymnastique Vita Liberté à Nice qui insultait sciemment ses potentielles adhérentes en les traitant de « moches » et « grosses » mais seulement « moches » si elles s’acquittaient du forfait sportif dans leur salle. Sa notoriété a bondi « grâce » à ce buzz. D’autres lorgnent plutôt du côté de la fausse information comme Mikado qui a fait croire un temps que son biscuit allait être débarrassé de sa pellicule de chocolat. Effet garanti pourtant : 17% de hausse du chiffre d’affaires pour la marque suite à l’opération !

Le risque de détournement et/ou de parodie s’est également accru. De plus en plus d’entreprises et de marques recourent à des hashtags spécifiques ou des égéries pour cristalliser l’attention sur leurs produits ou services. Pas mauvaise en soi, l’idée requiert néanmoins que l’entreprise n’ait pas de sujets sensibles en parallèle sinon c’est le bad buzz assuré avec récupération moqueuse, voire cinglante, des internautes. C’est ce qui est arrivé à la police de New York qui voulait redorer son blason autour de #myNYPD en proposant de raconter des anecdotes sympas au sujet des policiers de Big Apple. Le public s’est surtout défoulé pour raconter en masse les excès et les dérives des forces de l’ordre. Photos à l’appui !

Enfin, autre point à intégrer à tout prix : l’entreprise doit apprendre à prendre du recul lorsqu’un bad buzz est en formation. Sur les médias sociaux, il existe une catégorie de gens qui passent leur temps à chercher des poux aux marques quoiqu’elles fassent. A cet égard, on peut citer l’exemple de l’opération « Dites le avec Nutella » qui offrait de personnaliser un pot de pâte à tartiner avec un mot de son choix. Pour éviter les demandes malsaines, la marque avait bloqué certains vocables dans son logiciel. Des petits malins ayant découvert l’astuce, s’en sont offusqués et ont déclenché une controverse sur Twitter. Nicolas Vanderbiest conclut : « Si la marque n’avait rien fait pour éviter certains mots, cela aurait été les mêmes qui le lui auraient reproché ! Les entreprises ne doivent par conséquent pas toujours réagir. On ne donne pas du pouvoir à quelqu’un qui n’en a pas ou qui agit pour de mauvaises raisons ». 2016 fera-t-il donc mieux ? Pas si sûr à la lecture des premiers billets du blog Reputatio Lab de Nicolas Vanderbiest !

Pour aller plus loin

– Pour télécharger le livre blanc des bad buzz 2015, se rendre sur le blog de Visibrain 
– Pour lire l’analyse détaillée des cas cités dans le livre blanc, lire et s’abonner au blog Reputation Lab



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