[Cas d’étude] – Communication en temps réel : SNCF innove radicalement avec sa campagne inédite SNCF 24/24

Traitée sur un mode journalistique et conçue en quasi temps réel, la campagne d’information de SNCF vient de célébrer la diffusion de son 100ème spot le 21 septembre dernier. Mais au-delà du cap symbolique franchi par cette opération de communication démarrée en mai 2015, c’est avant tout le caractère disruptif de SNCF 24/24 qui retient l’attention. La compagnie ferroviaire a en effet délaissé les traditionnels codes d’expression publicitaire pour relater et valoriser le quotidien de ses 240 000 salariés. Le pari était osé mais à l’heure de la centième, le bilan est extrêmement favorable. Analyse des ressorts de la réussite d’une campagne pas comme les autres.

« C’est rare qu’une marque aille puiser dans son réel pour alimenter son image de marque ». Ce constat émane de la bouche même de Guillaume Pannaud, président de TBWA France qui a accompagné SNCF dans son défi communicant dès mai 2015 : montrer sans fard, ni artifice que la célèbre entreprise de chemin de fer ne se résume pas qu’à la circulation de trains mais qu’elle recèle et mobilise au contraire des compétences variées et innovantes au service des clients qui empruntent chaque jour ses lignes. Pour Christophe Fanichet, directeur de la communication et de l’information de SNCF, la feuille de route était exigeante : « Notre idée était de montrer ce que fait SNCF pour ses clients au quotidien et pas de vendre à tout prix les services et les prestations de l’entreprise ». Autrement dit, il s’agissait de s’extirper des codes classiques de la publicité qui embellit pour adopter une narration journalistique qui raconte chaque jour une histoire filmée en temps réel et mettant en scène un agent SNCF au cœur de son métier et sur le terrain.

Sortir des sentiers battus

sncf-2424-on-airDurant la conférence tenue à l’occasion de la diffusion du 100ème spot de la campagne SNCF 24/24, Christophe Fanichet a d’emblée rappelé sa volonté initiale de recourir à une communication qui sorte des sentiers battus : « Nous voulions déployer un dispositif vraiment unique, qui illustre la nouvelle stratégie de communication de SNCF : audace et innovation, transparence et proximité, engagement ».

Exit donc les vagues massives d’écrans publicitaires à intervalles réguliers sur les chaînes de télévision et place à une approche où la marque SNCF est déclinée en petits reportages d’1 minute 30 où proximité, transparence et engagement avec le public étaient les mots d’ordre. C’est ainsi qu’a été conçu un dispositif de communication où les images sont filmées le matin, montées dans les heures qui suivent avant d’être diffusées en premier lieu sur TF1, juste avant le journal de 20 heures, un carrefour d’audience crucial mais également viralisées sur les réseaux sociaux où le dialogue se poursuit autour du reportage du jour.

sncf-2424-ouibusDirectrice de la marque et de la communication externe, Béatrice Chavanel est consciente que SNCF ne choisissait pas l’option la plus simple en matière de dispositif de communication : « Pour atteindre nos objectifs, il a fallu s’organiser comme une véritable rédaction. Nous avons donc mis en place dès le départ un comité éditorial qui rassemble une quarantaine de salariés issus de tous les secteurs de l’entreprise. Chacun fait part de ses suggestions de sujets qui vont ensuite nourrir un planning éditorial avec des thèmes programmés et leurs angles de traitement pour le mois à venir. Avec une règle stricte : veiller à la représentativité globale de SNCF qu’il s’agisse des métiers, des régions ou même des pays étrangers où SNCF opère ». Là où l’opération devient un tour de force, est que les reportages une fois définis sont tournés le jour même sans repérages préalables, ni répétition des agents qui incarneront le personnage du jour dans ses pérégrinations sur le terrain. « Les seuls éléments impératifs de formalisation étaient de faire apparaître dès les 2 premières secondes la marque SNCF dans le décor du moment puis d’indiquer le lieu, le jour du tournage et les horaires clés spécifiques à chaque activité » précise Béatrice Chavanel. Ceci afin de disposer d’un fil conducteur homogène au cours du temps et facilement mémorisable par le public.

Dernier point à noter de cette stratégie éditoriale : le recours au multicanal avec l’usage combiné de la télévision (TF1 étant la première chaîne à diffuser suivie de 8 autres dans les heures et jours suivants) et des réseaux sociaux (Facebook et Twitter étant les piliers pour entamer et animer la discussion avec les internautes). Au final et en dépit de certains tournages livrés parfois dans des conditions rocambolesques, la campagne SNCF 24/24 n’a connu aucun ratage. Mieux, elle s’est même efforcée de rebondir sur sa propre actualité, y compris celle qui fait grincer des dents les clients lorsque des grèves paralysent tout ou partie du réseau. Christophe Fanichet assume pleinement ce parti-pris : « Le risque de télescopage de notre sujet avec l’actualité du moment était potentiel mais nous avons décidé d’aller jusqu’au bout de notre volonté de montrer la réalité de l’entreprise dans toutes ses dimensions. Par exemple lors des grèves de mai 2016, nous avons réalisé un reportage sur les « gilets rouge », les agents qui guident et renseignent les passagers pendant cette période délicate ».

Communiquer sur la réalité, un pari payant

sncf-2424-sylvain-nouvelles-rames-tgvCe pari de la communication réalité terrain et en quasi temps réel s’est en tout cas avéré payant en termes d’image et de réputation. Non seulement la campagne ne s’est pas essoufflé mais elle a enregistré un intérêt persistant de la part du public. Une enquête TNS Sofres effectuée en juillet 2016 souligne notamment que 43 % se souviennent de la campagne (dont 54 % pour les moins de 35 ans) et 81 % ont aimé la campagne, avec un intérêt quasi équivalent entre clients et non clients. Autre indicateur très satisfaisant : 85 % disent que la campagne 24/24 améliore l’image de SNCF. Des résultats qui prouvent que la communication n’a pas besoin d’enjoliver systématiquement ou d’inventer une réalité sublimée pour obtenir l’adhésion de celles et ceux qui ont vu la campagne. C’est justement le choix de s’appuyer sur la véracité des situations et des personnages tous salariés de SNCF qui a au contraire constitué un gage d’authenticité et de crédibilité. Au passage, l’interne de l’entreprise a manifesté un enthousiasme similaire à l’égard de l’opération SNCF 24/24. Plus de 80% des salariés se disent fiers de leur entreprise avec cette campagne de communication.

Sur les réseaux sociaux, le succès a également été largement au rendez-vous. Parmi les chiffres significatifs, on peut mentionner en particulier le bond spectaculaire du compte Twitter corporate (+ 177 % d’abonnés et la forte progression de fans de la page Facebook (+ 83 %). Au total, ce sont 69 millions de vues tous réseaux sociaux confondus qui ont été comptabilisées, soit une moyenne de plus de 650 000 vues par film. Enfin, la tonalité des commentaires négatifs a été divisée par 2 en 18 mois tandis que les commentaires positifs ont doublé dans le même temps. Mais au-delà des succès d’audience enregistrés par SNCF, ce dispositif audacieux prouve si nécessaire que bâtir une stratégie de communication en s’appuyant sur des critères réels et propres à l’entreprise peut générer des gains d’image et de réputation autrement plus efficaces que les contorsions cosmétiques qui tendent parfois à oublier que enluminer à l’excès peut séduire sur l’instant mais rarement dans la durée. Même si actuellement, SNCF est la seule marque à avoir misé sur une communication live et réelle, il n’en demeure pas moins que cette innovation doit clairement inspirer les communicants au lieu de recourir aux sempiternelles ficelles qui ne surprennent plus guère !