Ces 4 enjeux de communication qu’il n’est plus possible d’ignorer en 2017

C’est peu de dire que le Web social aura sacrément chahuté le métier de communicant dans des proportions hors du commun et bien éloignées des premiers sites Internet qui n’étaient souvent que la pâle resucée d’un contenu imprimé. Avec plus de 3 milliards d’utilisateurs d’Internet dans le monde et un géant Facebook qui en accapare quotidiennement une bonne moitié, les paradigmes de communication théorisés et pratiqués durant ces 30 dernières années ont durablement du plomb dans l’aile. Même si d’aucuns persistent à s’y accrocher mordicus. Quatre défis doivent aujourd’hui être inscrits sur la feuille de route stratégique des communicants. Les occulter relève de la faute professionnelle.

Il est certain que les nostalgiques du temps où il suffisait de passer un coup de fil bien placé pour juguler la parution d’un article, commencent à se sentir bien démunis face à la complexification incroyable des enjeux d’image et de réputation. Communiquer à l’heure contemporaine relève carrément plus de la construction d’un mobile de Calder sensible au moindre souffle qu’à une jolie fresque picturale ciselée dans le moindre détail contrôlé pour l’éternité. Tout va vite. Tout et son contraire s’entremêlent en permanence. La fracture des élites d’avec la population n’a jamais été autant empreinte de défiance. Et surtout, quiconque est dorénavant en mesure d’être aussi bien un émetteur d’information contestataire ou un récepteur nettement plus suspicieux. Et bien que certains s’adonnent encore à la communication cosmétique et à la scénographie ultra-médiatisée, les enjeux sont nettement plus profonds et sensibles que faire descendre un président de la République en rappel d’un hélicoptère de l’armée !

Enjeu n°1 : Le royaume des fake news et du conspi en tout genre

A2 - Fake newsSi le mensonge et les petits (ou gros !) arrangements avec la réalité sont consubstantiels à la volonté humaine d’influencer ses pairs, la prolifération de fausses nouvelles fabriquées à dessein a augmenté de façon vertigineuse durant ces trois ou quatre dernières années. Je ne parle pas ici des fariboles séculaires comme les Illuminati et autres mythes tenaces qu’on se refile de génération en génération. Je parle des informations relatives à un fait, un personnage, une entreprise qui font de plus en plus l’objet de déformations, d’inventions, de supputations, de mises en cause pernicieuses. Ce que dénomme d’ailleurs sans complexe Donald Trump comme étant des « alternative facts », lui le parangon même de la fake news. A tel point que depuis début août 2017, ce dernier a décidé de publier ses propres bulletins d’information estimant que les médias classiques étaient un bouillon de culture à fake news. Bref, il devient de plus en plus difficile de trier le bon grain de l’ivraie puisque toute info émise est aussitôt taxée de mensonge.

A2 - Sites Contre informationEt au petit jeu de la propagation et de la répercussion des fake news, les médias sociaux et les sites dits d’information alternative, ré-information, contre-information et autres labels au fumet gentiment conspirationnistes ne sont pas les derniers à allumer les mèches, mobiliser des communautés militantes qui ne demandent qu’à croire, voire industrialiser la diffusion avec des bots et des algorithmes qui parviennent à faire s’immiscer la fake news jusque dans les « newsfeed » de Facebook ou dans Google News. C’est ainsi que des sites extrémistes de tout poil comme Boulevard Voltaire, Fdesouche en France, The Breitbart News aux USA ou encore Dreuz.info ont capté des audiences très significatives (et se retrouvent à côtoyer Le Monde, AFP, TF1 sans nulle hiérarchisation) etc. Lesquelles partagent allègrement les contenus qu’ils lisent sur les médias sociaux sans véritablement se soucier de la fiabilité de la source en question, ni de la concrétude des arguments avancés. Un exemple pas plus tard que cet été 2017: les feux de forêt à répétition qui ont frappé le Sud-est de la France et la Corse sont des actes terroristes islamistes. Il suffit de taper ces mots clés sur Google pour tomber rapidement sur une flopée de contenus soutenant cette thèse.

A2 - FactcheckSi pour le moment, les fake news pullulent essentiellement dans le monde politique, géopolitique et religieux, les entreprises, les marques, les institutions ou encore les personnalités publiques commencent à en subir les assauts. Emmanuel Macron en sait d’ailleurs quelque chose, lui qui détient la palme des fake news à son encontre durant l’élection présidentielle. Face à ce flot pas vraiment prêt à se tarir, que faire pour les communicants ? D’abord ne pas concourir soi-même à l’alimentation des fake news. Malheureusement, il existe des agences de communication ou quelques « professionnels » peu regardants et tout à fait enclins à adopter la même technique. Ensuite, il convient de nourrir en permanence une solide culture journalistique et d’être au fait du profil des parties prenantes de son écosystème. Cela implique de se doter d’outils de veille, voire de newsroom agiles pour les plus grosses structures qui permettent de repérer les « fake news » en formation et d’y réagir de façon appropriée (c’est-à-dire en laissant parfois le feu mensonger s’éteindre de lui-même plutôt que souffler sur les braises). Cette recommandation semble tomber sous le sens. Pourtant, combien d’organisations ont une vision très parcellaire de la veille en ligne et préfèrent juste se reposer sur la quantité d’outils dont regorge le marché. Enfin, il ne faut pas hésiter à interpeler Facebook, Twitter, Google and co qui commencent enfin à prendre conscience du danger démocratique et réputationnel que représente le phénomène de la « fake news ». De même, on peut alerter auprès de sites spécialisés comme Hoaxbuster, Wikitribune (de Wikipedia), Snopes, etc qui consacrent leurs efforts à contrecarrer les rumeurs et fausses informations.

Enjeu n°2 : Le cyber-hacking concerne aussi les communicants

A2 - hbolockPendant trop longtemps, les avatars informatiques étaient immédiatement délégués aux techniciens experts du domaine. S’il est évident que leur concours est indispensable pour contrer des intrusions malveillantes, des défaçages de sites, des piratages de données ou de détournements de contenus, un communicant moderne doit se familiariser avec l’univers technologique et les nouveaux enjeux de sécurité et de réputation que ce dernier engendre à mesure que tout devient interconnecté (et avec les objets connectés, les crises vont à coup sûr rebondir !). Il ne s’agit pas pour autant d’être un as du code HTML (l’auteur de ce blog est lui-même un inapte avéré dans ce domaine !) mais de comprendre les imbrications et les potentielles répercussions que nos systèmes de communication possèdent. Aucun secteur d’activité n’échappe à la transformation digitale. Aucun non plus n’est à l’abri d’attaques du fait d’activistes, de hackers à la solde d’un Etat ou d’une association militante ou même de mafieux qui ont compris les failles du système pour s’enrichir.

Un exemple pioché dans l’actualité récente est le piratage dans lequel se débat la chaîne américaine HBO. Celle-ci vient de se faire dérober par des hackers les scripts de la future saison de « Game of Thrones », une série emblématique et extrêmement rentable. Les voleurs exigent une rançon énorme pour accepter de restituer les documents. Le FBI est sur les rangs pour tenter de démasquer les coupables mais en attendant, la réputation d’HBO est sacrément mise à mal. Non seulement, elle a perdu des données ultra-confidentielles qui peuvent compromettre son futur. Mais elle génère aussi la méfiance des abonnés et des clients qui peuvent se demander à tout instant si leurs propres données sont susceptibles de tomber dans des mains indélicates. Ce type de scénario est appelé à se répéter de plus en plus. Ces derniers mois, on ne compte d’ailleurs plus le nombre de grandes entreprises devenues cibles d’assauts numériques hostiles. Or, comme dans toute communication de crise proprement gérée, l’anticipation doit être de mise et de concert entre informaticiens et communicants. Une entreprise piratée voit sa réputation fondre comme neige au soleil. Là aussi, il est nécessaire de mettre en place et de surveiller en permanence les menaces et les tentatives de fraude. Il en va de la crédibilité d’une organisation.

Enjeu n°3 : Regagner la confiance et asseoir sa visibilité

A2 - Trust damagedEn ce qui concerne la confiance, l’enjeu n’est pas foncièrement nouveau. La 17ème édition du Baromètre Edelman Trust n’a fait qu’une fois encore confirmer que le décrochage de la confiance entre les élites et la population ne cesse de s’agrandir. Selon les secteurs et les types d’activités, celui-ci est plus ou moins prononcé. Il n’en demeure pas moins que l’érosion est récurrente d’où d’ailleurs l’extrême vigueur des populismes un peu partout dans le monde qui surfent sur cette vague de défiance envers les politiciens et les médias (les plus mal notés en toutes circonstances) mais aussi les ONG et les entreprises, y compris celles qui longtemps bénéficié d’un côte de popularité astronomique. Les sociétés de la high-tech sont particulièrement concernées par cette méfiance croissante. A cet égard, on peut citer le cas de Google qui demeure encore une entité attractive mais qui suscite de façon grandissante une opposition diverse au regard de ses contorsions fiscales peu citoyennes (même si elles sont légales), de ses polémiques internes autour du sexisme, de sa troublante discrétion en matière d’intelligence artificielle et de transhumanisme, etc. Or, sur ces points qui questionnent, la compagnie ne brille guère par une communication ouverte. Or, c’est souvent par des attitudes fermées que la gestation d’une crise profonde démarre petit à petit dans le temps avant de s’emballer. Il n’y a qu’à suivre les avatars d’Uber pour s’en convaincre !

A2 - What happens on InternetEnsuite, communiquer est une chose. Mais encore faut-il parvenir à se faire entendre. Outre ce déficit de confiance qui affecte particulièrement les grandes entreprises et n’aident pas facilement à tisser des liens avec ses publics, un autre écueil guette les stratégies de communication : l’infobésité. Le dernier recensement statistique sur ce qui se crée en 60 secondes sur Internet est tout bonnement vertigineux : 452 000 tweets publiés, 46 000 photos éditées sur Instagram, 72 heures de vidéo mises en ligne sur YouTube, etc. Ce bombardement informationnel est de plus à corréler avec un temps d’attention et de concentration de l’internaute de plus en plus éphémère : 8 secondes en moyenne selon les dernières recherches. Autant dire qu’à la bonne vieille communication de masse s’adressant à un public captif via une poignée de médias, a succédé un tsunami de contenus où chacun picore ce qu’il veut, quand il veut et comme il veut. Pour les communicants, le ciblage et la segmentation de ses publics deviennent donc encore plus cruciaux. De plus, ils ne doivent pas se réfugier derrière le fumeux concept de « snacking content » que certaines agences de communication vendent comme la nouvelle pierre philosophale du Web social pour gagner en visibilité. Si la marque ou l’entreprise veut conserver une proximité forte avec ses publics, elle doit abandonner ce piédestal communicant qui fut longtemps sa panacée. Aujourd’hui, c’est de la capacité à interagir, voire co-produire, à écouter que l’entreprise regagne de la confiance et par ricochet de la visibilité. Pas en bombardant de contenus !

Enjeu n°4 : Cohérence entre discours et actes

A2 - keep-calm-and-walk-the-talk-10L’axiome de la cohérence du discours et des actes est pourtant vieux comme l’humanité. Néanmoins, il n’a jamais autant revêtu cette importance fondamentale. Dire ce que l’on va faire est bien et même le minimum que les publics sont en droit d’attendre. Encore faut-il ensuite concrétiser les actes, montrer les preuves, expliquer mais aussi solliciter les avis et accepter humblement certaines corrections. Si l’incohérence ou le paradoxe pouvaient encore passer sous le radar il y a quelques temps, ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’entreprise ne peut plus se permettre de pratiquer un grand écart entre ses déclarations d’intention et ses réalisations effectives.

A cela, plusieurs éléments président. Il y a d’abord le phénomène des lanceurs d’alerte qui a de plus en plus tendance à se généraliser. Même si tous n’agissent pas toujours pour des motifs humanistes ou éthiques, il n’en demeure pas moins qu’ils constituent des points de fuite qui mettront au grand jour ces faits embarrassants. Les affaires des Panama Papers ou des Swiss Leaks l’ont largement démontré et la réputation des banques en a pâti sérieusement. Ensuite, il y a une myriade de collectifs très bien organisés qui sont en veille permanente sur des sujets précis. Dès qu’elles mettent la main sur ce qu’elles considèrent comme étant des pratiques déviantes, elles déploient un vaste arsenal qui va du « Name & Shame » (citation publique et honteuse à travers divers canaux de communication) jusqu’au buzz marquant (comme la diffusion de vidéos d’abattoirs sanguinolents par L214 et PETA). Objectif : peser lourdement sur le débat. Les parties prenantes ont certes toujours figuré dans le paysage mais jusqu’à présent, elles n’avaient pas accès à des porte-voix comme les médias sociaux ont pu lui en procurer.

Pour les communicants, cela suppose de déplacer l’angle d’analyse qui prévalait jusqu’alors. A savoir : l’objection frontale, le pur rationnel contre l’agitation. Désormais, il convient de considérer ces acteurs à part entière et même s’appuyer sur eux pour faire progresser ou résoudre certaines problématiques plutôt que s’entêter dans des affrontements inflexibles où personne ne sort réellement gagnants. Un exemple probant est celui de l’huile de palme et de la déforestation des régions tropicales qui la cultivent pour les géants des cosmétiques et de l’agroalimentaire. Face à des campagnes de communication agressives et récurrentes des ONG écologistes, cela a notamment débouché sur la création du label RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil). Depuis 2011, cette initiative internationale multi-acteurs (ONG, producteurs d’huile de palme, industriels) délivre un label aux industriels qui garantit que la culture du palmier à huile ne se fait pas au détriment de la forêt primaire et des droits fondamentaux des populations locales. Tout n’est certes pas encore parfait mais des progrès ont été accomplis permettant à chacun d’agir de façon plus alignée. Un axe à clairement continuer d’explorer tant le consommateur d’aujourd’hui décrypte de plus en plus les étiquettes (même s’il n’est pas lui-même à un paradoxe près comme avec la « fast fashion » et l’industrie du textile).



11 commentaires sur “Ces 4 enjeux de communication qu’il n’est plus possible d’ignorer en 2017

  1. Lisa Kauffmann  - 

    Un article très intéressant pour les futurs acteurs de monde de la communication (dont je fais partie).

    Il est toujours utile de faire une piqure de rappel, quant aux divers fake news et sites de désinformation, malheureusement hiérarchisé de la même façon que le reste des médias. Je suis assez décontenancée d’apprendre que D.Trump a commencé à publier ses propres bulletins d’information, à quand une chaîne de télévision à la Russia Today ?

    En tout cas, je partage ce billet sans hésitation, bonne chance pour la suite 😉

    1. Olivier Cimelière  - 

      Bonjour

      Les fake news sont conteste le défi énorme qui nous attend, communicants comme journalistes. Avec les outils d’aujourd’hui et de demain, chacun va pouvoir asséner sa propre vérité au risque d’affaiblir l’essentiel débat démocratique.

      A cet égard, l’expérience menée par des chercheurs américains pour créer un faux discours de Barack Obama tout en donnant l’illusion d’être vrai (grâce à l’intelligence artificielle) ouvre d’autres sacrées questions : http://www.numerama.com/tech/275537-lavenir-des-fake-news-une-universite-americaine-parvient-a-creer-un-faux-discours-de-barack-obama.html

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