Arnaud Montebourg et Carambar : L’heure est-elle vraiment aux blagues marketing ?

[Mise à jour du 26/3] – S’il est un reproche qu’on ne peut décemment pas formuler à Arnaud Montebourg, c’est bien de se démener pour promouvoir ardemment l’industrie française et ses produits « Made in France ». Au point de parfois dérouter lorsque le ministre endosse le costume de camelot avec la marinière estampillée Armox-Lux à la Une du Parisien magazine. Depuis hier, le ministre du Redressement productif apparaît dans un spot publicitaire de Carambar qui ambitionne de faire rire les Etats-Unis à ses blagues éponymes. Réaction dubitative !

Suite à un bref échange en MP ce matin sur Twitter avec Arnaud Montebourg, j’ai fini par connaître le fin mot de ce buzz marketing orchestré par Carambar. Le ministre m’a confirmé avoir été interviewé à la volée lors d’une visite effectuée au Salon du Livre à Paris et ses réponses récupérées « à son insu » (dixit le ministre) par la marque pour confectionner sa vidéo virale. A la lumière cet élément nouveau, j’ai donc souhaité remanier le billet initialement publié hier puisqu’il s’avère en fin de compte qu’Arnaud Montebourg n’a pas réédité le coup d’Armox-Lux mais s’est retrouvé au coeur d’une opération de « buzz-jacking » dont on peut s’interroger sur la pertinence au regard du contexte politique actuel.

Un timing malencontreux

Capture CARMON3Au lendemain d’une déculottée sévère au premier tour des élections municipales, faire apparaître Arnaud Montebourg en VRP de Carambar partant à l’assaut du marché américain ne relève pas forcément d’un sens aigu du timing, ni pertinent quant à la situation économique du pays. Il y avait déjà un Monsieur « Petites blagues » à l’Elysée dont les saillies humoristiques ont eu l’art de générer des polémiques inutiles avec l’opposition. Voici désormais que le gouvernement accueille en son sein une version Carambar. D’ici à ce que les plus virulents de l’opposition en fassent leurs choux gras, il n’y a qu’un pas dont l’équipe ministérielle actuelle n’a guère besoin.

Pour la marque, nul doute évidemment que le coup de com’ est fantastique et vise clairement à engendrer une conversation aussi débridée que la précédente opération « vrai-faux abandon » des blagues sur les emballages du célèbre caramel. Ceci étant dit, l’engouement ne semble pas être totalement au rendez-vous au regard du nombre de soutiens récoltés sur la page du site dédié. A ce jour, le compteur affiche 13036 soutiens (chiffre arrêté au 26/3 à 12h30). On a connu des emballements viraux plus spontanés pour des marques !

En revanche, le coup marketing laisse quelque peu dubitatif concernant l’usage de l’image même d’Arnaud Montebourg. Dans un pays au bord de la crise de nerfs et qui vient d’administrer de surcroît une soufflante électorale à la gauche au pouvoir, mettre en scène sans son consentement le ministre du Redressement productif n’est pas forcément du meilleur effet. Pour les personnes non averties des ficelles de l’opération, ce type de détournement instille un sentiment pas franchement valorisant envers un ministre qui semble faire l’homme-sandwich pour un buzz marketing plutôt que gérer des dossiers autrement plus urgents et stratégiques. A ce train-là, va-t-on bientôt assister chez les marketeurs à une inflation de « blagues » pour une prochaine promotion des couche-culottes avec de la cellulose tricolore ou de la croquette pour chiens et chats à base de viande française ?

Pub et politique : une délicate équation

Capture CARMON4Le détournement potache des hommes et femmes politiques n’est pas une nouveauté en soi. La chronique historique des campagnes publicitaires est remplie d’exemples où un président de la République se voit conseiller la location d’un monospace chez une marque de loueur en prévision d’un heureux événement. Dans le même registre, une célèbre station de radio nationale avait décliné tout un dispositif d’affiches sur le thème du « Vivre Ensemble » mettant en scène des figures politiques notoirement connues pour leur rivalité irréductible. Tant que l’on reste dans le clin d’oeil sans se réapproprier excessivement l’image d’une personnalité politique, ce type d’approche reste raisonnable et même plutôt marrante.

Dans le cas de Carambar et d’Arnaud Montebourg, on atteint en revanche un côté « borderline ». Kidnapper les propos spontanés de quelqu’un pour bricoler un buzz soulève quelques questions. Certes, la marque a déjà prouvé l’an passé qu’elle était capable de mentir sciemment à des journalistes pour donner encore plus de consistance à l’hypothèse d’un arrêt définitif des blagues à l’intérieur des emballages Carambar. Néanmoins, il conviendrait malgré tout d’intégrer les effets collatéraux de ce genre de pratique cow-boy. L’année dernière, les journalistes avaient été la risée du grand nombre car ils avaient finalement gobé l’histoire au point d’en faire l’ouverture du journal de 20 heures sur les chaînes nationales. En détournant cette fois le volontarisme échevelé d’Arnaud Montebourg pour défendre le « made in France », la marque fait preuve d’un opportunisme malencontreux. Déjà suffisamment éreintés par le corps sociétal, il n’est nul besoin de transformer à leur insu les gouvernants en VRP version confiserie. La gouvernance politique et industrielle de la France n’est pas une affaire de télé-achat où l’on dégoupille les bonnes affaires du jour. Même pour faire une blague Carambar !

A lire en complément

– Grégory Raymond – « Montebourg n’a pas aimé que son image soit utilisée pour le buzz »Huffington Post – 27 mars 2014



4 commentaires sur “Arnaud Montebourg et Carambar : L’heure est-elle vraiment aux blagues marketing ?

  1. fab  - 

    Merci de la mise au point ;-). Il me semble utile de pointer l’agence de publicité de Carambar (Fred et Farid) qui est celle qui a engagé la marque sur la voie de la piraterie et du non-respect de l’éthique professionnelle.

    En tant que communicants mais aussi simples citoyens, cela doit nous alerter.

  2. fab  - 

    je vous conseille ardemment de contacter les services (le cabinet) du Ministre pour savoir s’il a donné son accord à l’utilisation de son image ou pas avant de faire des spéculations et de le critiquer.

    Car ils semble évident que les images en question semblent avoir été prises lors du salon du livre ce week-end. La tenue et l’environnement du Ministre semblent concorder, comme en témoignent ce tweet d’une visiteuse du salon https://twitter.com/casirni/statuses/447490981735436288, ce tweet du ministre https://twitter.com/montebourg/statuses/447092877328666624 ainsi que le site du salon qui annonçait sa présence pour samedi 2 mars http://pro.salondulivreparis.com/A-la-une/Personnalites.htm

    Un lieu public, avec beaucoup de monde, un ministre accessible puisque faisant une séance de dédicace de son livre et qui donc, répond spontanément à quelqu’un qui ressemble à un média, lui tend un micro et lui pose une question.

    Cela parait clairement quelque chose difficilement comparable avec le coup de com’ volontaire de la une du parisien qui lui a permis de populariser son message politique du Made In France.

    Je suis pour ma part un lecteur assidu du blog du modérateur, surtout lorsque le blog tient des propos appuyés et vérifiés, bref en un mot : modérés 😉

    1. Olivier Cimelière  - 

      Mais juste de réponse ou de précision il n’y en a pas. Je pose précisément la question dans le papier :
      – était ce un deal auquel le ministre a donné son aval ? (comme Armox Lux)
      – était ce une ITW volée ? Au quel cas, rien n’empêche le ministre ou son cabinet de réagir ensuite pour dire qu’ils ne cautionnaient pas le procédé. Or là, c’est silence radio …

      J’aimerais bien savoir effectivement le fin mot de ce buzz …

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