Clash Evra/Ménès : Un tacle, 8 jongles et maintenant aux vestiaires !

Face aux fanfaronnades vexées de Patrice Evra qui le défiait d’aligner 8 jongles d’affilée, Pierre Ménès a relevé avec aisance le défi devant des millions de téléspectateurs. Dans ce match médiatique musclé, le latéral gauche de l’équipe de France a encore écorné le peu de crédit lui restant tandis que le journaliste vedette du Canal Football Club a consolidé son image de sniper qu’il ne faut pas chatouiller. Fallait-il pour autant céder à tant de buzz ?

Une chose est indéniable. Patrice Evra a perdu une excellente occasion de se taire. Si le défenseur de l’équipe national et de Manchester United s’imaginait un retour en grâce aux yeux des amateurs de football en flinguant quatre leaders d’opinion du football français avec un humour de maternelle, il a surtout récolté un carton rouge sur toute la ligne. En plus d’une majorité d’internautes qui a virulemment réagi à son encontre sur les réseaux sociaux, le journaliste Pierre Ménès lui a asséné le tacle fatal en lui prouvant de visu qu’il savait jongler huit fois de suite avec un ballon. Pour le sémillant expert du ballon rond, l’affaire est close. Mais était-ce une si bonne idée de répondre ?

L’irrépressible vox populi des footeux du Web

Et c'est parti pour un tweetclash !

Et c’est parti pour un tweetclash !

Lorsque Patrice Evra s’est cru malin en balançant tout de go envers Pierre Ménès, « s’il fait 8 jongles, je prends ma retraite », ce dernier avait d’abord refusé de réagir et de rentrer dans ce qu’il qualifiait sur son compte Twitter de polémique « de bac à sable ».

C’était sans compter avec le niveau de défiance populaire jamais atteint par certains représentants de l’équipe de France de football. Aux côtés des têtes dures et horripilantes que sont Samir Nasri, Jérémy Menez et Karim Benzema, Patrice Evra figure en bonne place au pilori des joueurs les plus vilipendés.

Bien qu’il n’en revienne toujours pas, Pierre Ménès a alors confié avoir changé d’avis lorsque la déferlante Facebook a démarré sitôt les forfanteries d’Evra diffusées sur TF1. Au total, plus de 250 000 personnes ont réclamé à corps et à cri que le chroniqueur du Canal Football Club réponde à la provocation lancée par Patrice Evra. Devant ce qu’il estimait être un piège pour son image, Pierre Ménès s’est pourtant exécuté (1) : « Au final, j’étais obligé de les faire ces jongles, pour ne pas qu’on dise ensuite de moi : «tu la ramènes sur le foot alors que tu n’es pas capable de faire 8 jongles» ou des trucs dans le genre ».

Carton d’audience

Force est de constater que Pierre Ménès a brillamment tourné en ridicule le péremptoire Evra. Avec « l’exploit » footballistique diffusé dans Cana Football Club, l’audience a été à son comble avec 2,1 millions de téléspectateurs sans parler de la vidéo qui tourne à plus de 180 000 vus sur le site de la chaîne. S’il est content d’avoir mouché le joueur, Pierre Ménès n’en demeure pas moins dubitatif sur les proportions prises par l’affaire (2) : « Hier soir, j’ai reçu 700 messages sur mon Facebook ! C’est effarant tout de même l’importance que l’on donne à un truc comme ça ».

Effarant mais guère étonnant. Si le football a toujours exacerbé les passions et excité la mauvaise foi des uns et des autres, il est devenu aujourd’hui une vitrine particulièrement contestée en France depuis que les Bleus ont eu la pitoyable idée de jouer les grévistes en short lors de la Coupe du Monde de 2010 et d’enchaîner jusqu’à encore aujourd’hui désinvoltures, boulettes, insultes et dérapages en tout genre.

Or, dans un contexte sociétal où les millions d’euros de ces sales gosses en chaussures à crampons génèrent une crispation galopante, l’opinion publique est en attente de sanctions qui ne viennent guère. Entre une pusillanime Fédération française de football et l’aseptisée émission de TF1, «Téléfoot », la vox populi édifie donc par procuration, un boulevard aux grandes gueules qui commentent le football dont Pierre Ménès est une illustre incarnation. L’homme en est d’ailleurs conscient (3) : « Si les gens guettent autant mes coups de canif, c’est aussi parce qu’ils ne trouvent pas ça ailleurs qu’au CFC. Chez les autres, c’est 50 minutes Inside version foot ! ».

L’esquive est conseillée

Que Pierrot reste l'expert sans concessions mais laisse de côté les clashs incertains

Que Pierrot reste l’expert sans concessions mais laisse de côté les clashs incertains

Comme sur un terrain de football où il faut éviter de répondre aux provocations de l’adversaire pour ne pas écoper d’un avertissement ou d’une exclusion, Pierre Ménès doit maintenant veiller à ne plus se laisser systématiquement embarquer dans les controverses à répétition. Il y avait déjà eu cet été la passe d’armes verbales entre le journaliste et le président de l’Olympique Lyonnais, Jean-Michel Aulas. Il y avait aussi eu un échange aigre-doux sur Twitter et dans la langue de Shakespeare entre le même Ménès et le « bad boy » auto-proclamé Joey Barton. Enfin, on se souvient du matraquage en règle (justifié) de Pierre Ménès sur Florent Malouda qui finit par le menacer un soir en boîte (4).

Même si les cris de la meute populaire sont actuellement porteurs, Pierre Ménès ne doit pas se laisser enfermer dans le rôle unique du surgé massacreur en chef. Qu’il conserve sa verve sincère et cinglante est certes souhaitable. Pour autant, il aurait tort de s’abaisser à des querelles de vestiaires où sa connaissance profonde du football a plus à perdre qu’à gagner en consistance. L’homme l’admet d’ailleurs volontiers (5) : « L’affaire est close et je ne veux plus en parler. Mais je me prépare à d’autres attaques dans le genre, qu’il faudra encore une fois désamorcer avec humour. Ce n’est que du foot bon sang ! Qu’on me demande plutôt ce que je pense de la taxe à 75% ».

C’est effectivement aussi sur des sujets plus économiques, tactiques et sportifs qu’on attend les éclairages affutés que Pierre Ménès a toujours su ciseler avec dextérité et pertinence sur son blog au départ sur Yahoo puis aujourd’hui sur Canal +. A rendre coup pour coup, le journaliste risque a contrario de diluer son expertise pour devenir un animal de foire dans le barnum footballistique. Cela serait fort regrettable d’autant qu’il y a déjà bien assez foule dans la ménagerie pas toujours très maligne du football professionnel. Pierrot, rentre souffler aux vestiaires !

Sources

(1) – Vincent Rousselet-Blanc – « Ménès : Je ne voulais pas le faire » – L’Equipe – 28 octobre 2013
(2) – Ibid.
(3) – Dave Appadoo – « Le match des têtes à clash » – France Football – 22 octobre 2013
(4) – Ibid.
(5) – Vincent Rousselet-Blanc – « Ménès : Je ne voulais pas le faire » – L’Equipe – 28 octobre 2013

A lire en complément

– David Doucet – « Pierre Ménès : j’ai pris 5000 followers depuis mon clash avec Evra » – Les Inrockuptibles – 27 octobre 2013



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