Food Is Social 3ème édition : « Le digital comme ingrédient de confiance et de transparence pour l’alimentation ? »

Depuis trois ans, la conférence « Food Is social » passe au crible les tendances du secteur de l’agroalimentaire à la lumière du digital et des initiatives qui essaiment autant chez les grands de l’industrie que dans d’agiles start-ups. Avec une ambiance commune : mieux répondre aux usages connectés des Français pour leur alimentation. Si l’aspect serviciel demeure largement plébiscité par les consommateurs, le digital apparaît également comme un vecteur majeur pour réconcilier modes de consommation et modes de productions dans un contexte où l’assiette n’a jamais autant fait l’objet de polémiques parfois contradictoires. Synthèse des points saillants à retenir parmi les multiples intervenants rassemblés pour la circonstance.

Quand les octets du numérique aident à mieux décrypter et gérer les calories de l’alimentaire, cela donne lieu à une conférence atypique dont l’audience ne cesse de grandir chaque année. Une preuve s’il en est que « Food Is Social » est vraiment au cœur des mutations que les technologies digitales ont introduites tout au long de la filière alimentaire, de la vache dans son pré jusqu’à la pièce du boucher qu’on déguste en passant par la transformation et la distribution. La 3ème édition n’a pas dérogé à la règle avec de nombreux témoignages et observations où il s’avère que le Web social peut constituer un vrai de dialogue, d’information et de confiance accrue entre des consommateurs souvent suspicieux et des professionnels qui veulent valoriser leurs produits.

Des tendances sociétales disruptives

FIS 2015 - conference_food_is_social-776x400Pour Philippe Le Magueresse, directeur général associé de l’institut Opinion Way, les repères traditionnels qui ont longtemps prévalu dans l’agroalimentaire, volent en éclats et sont remis en cause à mesure que le secteur se digitalise. Dans ce chambardement, le consommateur est souvent à la manœuvre et exprime de plus en plus ouvertement une forme de « rejet » ou du moins de méfiance à l’égard des produits alimentaires transformés. L’étude réalisée début novembre sur un panel de 1031 Français met nettement en lumière cette exigence de bien manger mais également d’en savoir plus sur les aliments proposés et de faciliter la vie dans la préparation des repas. 5 attentes dominent largement le débat. 95% des sondés veulent bénéficier d’un bon rapport qualité-prix, 91% attendent qu’on leur simplifie la vie en matière d’alimentation quotidienne, 90% entendent pouvoir contacter à tout moment le producteur ou le distributeur avec une double volonté affichée : une transparence dans les propos et les agissements (91%) et une meilleure compréhension des informations fournies (91% également).

FIS 2015 - digital foodFace à ces exigences quasi unanimes, les marques alimentaires font des efforts et multiplient les initiatives mais peinent encore à convaincre d’après l’enquête Opinion Way. 34% des personnes interrogées seulement jugent par exemple qu’il est facile de contacter et d’échanger avec celles-ci (39% en 2014). Là réside tout le paradoxe des acteurs de l’agroalimentaire. Le sujet de l’alimentation est omniprésent dans les discussions et générateur de lien social comme le prouve le succès indéniable de sites comme Marmiton.org ou encore 750g.com. Cependant, les marques tâtonnent encore pour trouver leur place et regagner les faveurs et la confiance des consommateurs. Ce n’est pourtant pas les initiatives qui manquent où le digital réconcilie l’offre et la demande dans un souci de consommation collaborative et/ou responsable.

Directeur conseil chez Soon Soon Soon, un média de crowdsourcing qui repère les innovations en pointe dans différents secteurs, Corentin Orsini a présenté des exemples probants où les marques pourraient légitimement contribuer et aller au-delà du pur discours marketing. Il a par exemple cité Optimiam, une application anti-gâchis qui informe en temps-réel des promotions sur les excédents alimentaires des commerçants des alentours. Autre exemple intéressant : celui de l’enseigne de distribution suisse Migros avec son programme Cumulus Green qui existe depuis 2014. Ce dernier permet à chaque client membre de connaître régulièrement la part des produits durables qu’il achète dans son panier et même de pouvoir se situer par rapport à la moyenne des chalands dans la ville ou le canton ! De même, la petite enseigne « Au Bout du Champ » propose des produits de qualité issus uniquement d’exploitations agricoles situées dans un périmètre de 100 km d’une ville. Produits qui sont ensuite mis en place dans des casiers automatiques en centre ville où chacun peut s’approvisionner tous les jours de 8h à 22h et même réserver au préalable par Internet les produits de son choix !

Des communautés digitales hyper-actives …

FIS 2015 - Food blogA l’instar des communautés geeks, beauté, mode qui alimentent un flot ininterrompu de conversations en ligne, les fans de cuisine et de bons produits sont clairement à la pointe du partage digital. Lancée fin 2013, Youmiam est une plateforme collaborative où les internautes peuvent déposer leurs recettes, interagir avec d’autres membres et personnaliser leur profil en fonction de leurs préférences culinaires, leurs allergies alimentaires, etc. Co-fondateur de ce réseau social ciblé, Théophile de la Bastie revendique aujourd’hui plus de 100 000 inscrits.

De même, les blogueurs (que d’aucuns annoncent régulièrement comme « has been ») continuent de récolter des cartons d’audience. Lors de la conférence, 4 d’entre eux (Dorian Nieto de « Dorian Cuisine », Anne Lataillade de « Papilles & Pupilles », Nadia Malka de « Paprikas » et Grégory Cohen de « Cook in the tube ») ont tous confirmé l’appétence toujours aussi avérée du public pour les contenus autour de la cuisine et de l’alimentation. Tous bloguent en majorité depuis 2005 et soulignent que leur hobby de départ est devenu une occupation à part entière avec une communauté attentive et exigeante. Même s’ils sont désormais courtisés par les marques et acceptent des collaborations ponctuelles, ils estiment globalement que celles-ci demeurent encore peu audacieuses en règle générale et ont du mal à faire confiance totalement.

Autre point relevé par les blogueurs : le peu de connaissances qu’ont ces mêmes marques sur la ligne éditoriale du blog. Or, bien connaître la communauté à laquelle on veut s’adresser est un impératif exigé de ces influenceurs « food ». Responsable marketing & communication d’Augure, Caroline Baron abonde dans le sens des blogueurs. Pour elle, la marque doit d’abord s’interroger sur son écosystème digital, définir un territoire d’expression où elle est pertinente, identifier les influenceurs en phase avec ce dernier, les écouter activement avant d’envisager une coopération plus poussée avec certains d’entre eux. Ce n’est qu’à condition qu’elle acquerra une légitimé auprès des communautés visées.

… mais qui veulent de la proximité et de la réassurance sur les produits

FIS 2015 - open-food-factLa connectivité digitale affirmée des socionautes du « food » ne se borne pas uniquement à échanger des recettes même si cet aspect demeure la grosse motivation intrinsèque de leur navigation sur les réseaux sociaux et les blogs consacrés à cette thématique. Corollaire de cette envie de bien manger, le souci de comprendre d’où provient le produit, comment et avec quoi celui-ci est fabriqué est aussi une tendance lourde appelée à durer. ANIA a d’ailleurs très bien saisi l’enjeu en lançant une consultation citoyenne en ligne depuis début novembre pour mieux cerner les aspirations des Français par rapport à leur alimentation et inciter ensuite les acteurs de l’industrie agroalimentaire à se départir du repli sur soi qui a longtemps gouverné les relations entre industriels et clients finaux (lire à ce sujet interview d’Amaury Bessard, directeur de la communication de l’ANIA).

C’est aussi dans cette optique que Stéphane Gigandet a fondé le site OpenFoodFacts qu’il définit lui-même comme un « Wikipedia » des produits alimentaires. Fort d’une base de données indexant déjà 60 000 produits et de 2000 contributeurs, le site milite pour plus de transparence et de décryptage des étiquettes et pour permettre de comparer les produits dans une catégorie donnée. Pour son fondateur, l’idée est au final double : encourager les producteurs à faire mieux et aider le consommateur à choisir mieux ce qu’il va manger. C’est également cette philosophie d’une relation plus transparente qui a conduit Thierry Desforges et Melchior de Warren, respectivement président fondateur de MonPotager.com et co-fondateur de LesColisduboucher.com à créer des sites qui mettent directement en rapport des agriculteurs et des éleveurs avec des consommateurs internautes. En privilégiant ce circuit digital court, il s’agit pour les deux entrepreneurs de redonner de la proximité (savoir qui fait quoi et où) mais aussi de la pédagogie dans un univers médiatique saturé en informations alarmistes et contradictoires.

Pour en savoir plus

– Pour retrouver les différentes présentations des orateurs : www.foodissocial.fr
– Pour suivre l’actualité de la conférence : @Food_Is_Social sur Twitter et Foodissocial sur Pinterest

Remerciements à Pascale Azria, directrice générale de l’agence de communication Kingcom et organisatrice de la conférence



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