GUEST – Jérémie Mani (Netino) : « Les grands patrons devraient plus utiliser Linkedin »

Une toute récente étude de Weber Shandwick et KRC Research vient encore d’en administrer la preuve. La réputation digitale des patrons est une pièce stratégique dans l’image que l’entreprise entretient avec ses publics internes et externes (voir infographie sur ce blog en cliquant ici). Lui-même directeur général de Netino, une société spécialisée dans la modération des espaces participatifs des sites Web et des réseaux sociaux, Jérémie Mani est aux premières loges pour constater que les grands dirigeants français rechignent pourtant encore à véritablement s’emparer de la communication digitale.

En quelques questions express réalisées avec le précieux concours de Laurent Amar, responsable presse pour Netino, Jérémie Mani apporte son éclairage et partage quelques conseils pour franchir le pas.

Comment expliquez-vous que les grands patrons français aient encore du mal à communiquer sur les réseaux sociaux ?

Netino - Jérémie ManiJérémie Mani : C’est plus une question de motivation et de volonté qu’une éventuelle méconnaissance en la matière. Une nouvelle génération de grands patrons est apparue, tout à fait capable de maîtriser les réseaux sociaux. Mais ces patrons ont beaucoup à plus à perdre en communiquant sur ces derniers, car la moindre défaillance rencontre un écho énorme. Ces dirigeants de sociétés, souvent cotées en bourse, ne peuvent se le permettre. Il s’agit donc avant tout d’une volonté de sécuriser leur communication.

Quels conseils donneriez-vous à ces patrons pour qu’ils arrivent à faire passer leur message sans maladresse ? Doivent-ils laisser les agences gérer les réseaux sociaux à leur place ?

Jérémie Mani : C’est le contraire exact de ce qu’il faudrait faire. Effectivement, il existe des patrons qui, malgré cela, prennent la parole sur les réseaux sociaux, mais c’est en général très encadré, très institutionnel. Les propos diffusés sur Twitter sont bien souvent ce que le service communication de l’entreprise diffuse déjà, via d’autres canaux. Je ne pense pas que l’idée de laisser cela à des agences soit pertinente, car il sera facile de constater que la sincérité du propos n’est pas au rendez-vous.
En revanche, je suis convaincu que, à partir du moment où un grand patron désire aller sur les réseaux sociaux, il aura impérativement besoin d’aide pour surveiller les messages et surtout regarder s’il est interpellé. Et là, le rôle d’une agence conseil et de son service communication peut être prépondérant pour accompagner le dirigeant et lui éviter le faux pas fatal.
Il pourra maîtriser ce qu’il dit, mais il faudra un peu trier pour ne pas se retrouver submergé de messages le citant. A lui de sélectionner entre les messages qui se révèlent importants et ceux purement informatifs. De toute façon, les grands patrons ont peu de temps à consacrer à ce genre de choses, il vaut mieux qu’ils se concentrent sur LinkedIn, beaucoup plus approprié pour ce type d’échange, car cela se fait dans un cadre plus professionnel, moins anonyme, et dans lequel ils seront plus à l’aise.

Que conseillez-vous aux grands patrons ou aux hommes politiques qui utilisent personnellement Twitter ou Facebook ?

Jérémie Mani : Les hommes politiques sont de plus en plus nombreux à le faire et c’est bien normal, ils s’adressent en priorité aux électeurs. Or, ces derniers sont de plus en plus souvent sur les réseaux sociaux. La principale défaillance que j’observe chez tous les hommes politiques, sur Twitter ou Facebook, est qu’ils considèrent ces réseaux comme un canal descendant, c’est-à-dire transmettant une information à des gens qui se contentent de la réceptionner. Ce ne sont pas des médias comme les autres, ce sont des canaux d’échange. On voit bien que la plupart des réponses apportées ne sont pas lues. Les messages les plus diffamatoires, les plus violents peuvent rester en ligne très longtemps. Il faut donc, en publiant, être très à l’écoute des réponses que cela engendre. S’agissant des grands patrons, je suis beaucoup moins convaincu qu’ils aient besoin d’avoir une page Facebook. Quant à un compte Twitter, mieux vaut, s’ils en ont un, qu’il soit anonyme, car il est très difficile de mélanger sur le même canal la vie privée et la vie publique.

Stéphane Richard a vu se déchaîner les réseaux sociaux contre lui suite à ses propos en Égypte. Les grands dirigeants d’entreprise seront-ils à l’avenir de plus en plus victimes de ces bad buzz ?

Netino - Stephane RichardJérémie Mani : Précisons que le bad buzz en question n’est pas issu des réseaux sociaux, mais d’une conférence qu’il a donnée et qui a été ensuite amplifiée sur les réseaux sociaux. Le cas de Stéphane Richard est très intéressant, c’est un grand patron. Il est présent sur Twitter et il est plutôt pas mal suivi (11 300 abonnés à ce jour). Mais il n’a publié que 72 tweets en un peu plus d’un an. Il n’est donc pas très actif. En outre, si l’on étudie la typologie des tweets, on constate qu’ils sont souvent le simple relais d’une communication transmise par ailleurs. D’autre part, je n’ai pas observé de réponse aux tweets qu’il envoie, il tente donc de diffuser vers le bas sans chercher la communication avec les personnes auxquelles il s’adresse.
Le principal problème, lorsqu’on est victime d’un tel bad buzz, c’est la multiplicité, l’énorme volume de commentaires ou de tweets qui le citent. Humainement, il ne lui est pas possible, avec le temps dont il dispose, de trier tous les messages parlant de lui, et de sélectionner ceux qui mériteraient une réponse. Les équipes d’Orange doivent donc vraiment être vigilantes à sa place et savoir prendre le relais le cas échéant.

Comment une société comme Netino peut-elle agir pour éviter ce genre de mésaventure à un grand patron ?

Jérémie Mani : Justement, nous sommes aptes à lire et visionner tous les tweets et les messages adressés à certains comptes Twitter ou LinkedIn. On a très peu parlé de ce dernier, mais c’est un canal privilégié par les grands patrons, car ils peuvent faire le tri entre ce qui nécessite une réponse ou non. Il faut ensuite distinguer les critiques émises par des gens d’influence, qui ont beaucoup de followers, avec une position sociale qui nécessite une attention particulière – je pense notamment à des journalistes – de celles émises par de simples anonymes.
Les internautes sont en général très malins, ils mettent en copie les grands patrons dans l’espoir que leur message remonte au service client avec un peu plus de célérité que d’habitude. Alors qu’une société comme la nôtre peut faire remonter ce type d’information directement au client.



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