Le phygital, un nouveau joujou de communication ou un levier à vite considérer ?

Si vous êtes un professionnel de la communication ou du marketing, vous avez très probablement vu ce néologisme un peu étrange faire irruption dans les débats. A l’heure où la connectivité numérique est toujours plus intrinsèque à notre vie quotidienne, le phygital s’impose progressivement dans les stratégies de communication des marques et des enseignes. Bien qu’il soit encore embryonnaire ou partiellement déployé, il esquisse les contours de ce que va être très bientôt une stratégie de communication qui parle intelligemment à ses publics et pas juste une batterie de cuisine d’applis, écrans et autres gadgets digitaux en tout genre.

Le digital n’a pas fini de rebattre les cartes dès lors qu’il s’agit de relations avec les publics d’une marque ou d’une entreprise. En dépit de certains communicants et marketeurs qui persistent à penser séparément « offline » et « online » ou d’autres qui introduisent une sorte de subordination de l’un au service de l’autre comme avec le concept du « Web To Store », l’expérience consommateur ne peut plus être appréhendée uniquement à travers une approche mécanicienne de tuyaux de communication. Pour une raison bien simple, l’individu est alternativement un être physique et un internaute où qu’il soit et son comportement varie à l’aune de ces changements de peau. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer par exemple un client dans un magasin. Avant d’opérer son achat, il aura très souvent consulté depuis son smartphone des sites comparatifs, des avis en ligne, voire des contenus de produits concurrents et/ou de la marque en question. Inversement, d’autres passent en boutique pour repérer des produits avant de compléter son information sur Internet et effectuer son acquisition en ligne.

Le phygital débarque

phygital 600Face à cette imbrication accrue et quasi permanente entre activité digitale et parcours physique, l’agence de communication et marketing australienne Momentum a inventé en 2013 le terme de « phygital » pour illustrer la combinaison étroite entre virtuel et réel. Le mot aurait certes pu devenir un buzzword finissant comme beaucoup d’autres au cimetière des modes que les agences et les créatifs sont si prompts à lancer. Il n’en est rien et pour cause. Le Web et le magasin ont une nette tendance à ne faire plus qu’un de façon croissante. Ceci quel que soit le parcours originel qui préside à une intention d’achat. C’est donc la réussite de l’alliage des deux que va découler l’efficacité (ou pas) de l’expérience client.

Si le phygital peut représenter un sacré casse-tête tant il requiert une vision fine de son public et une compréhension affûtée de ses comportements parfois erratiques ou volatiles, il n’en demeure pas moins une perspective de communication avec son écosystème absolument puissante. L’agence française de marketing digital L :ED a ainsi identifié 5 leviers clés à activer pour faire du phygital, un véritable espace de dialogue qualitatif qui passe d’abord par une convergence assumée entre le « online » et le « offline ». Ensuite, il faut parvenir à répondre à 5 enjeux :

  1. Faciliter l’achat et accompagner le client du pré-shopping au service après-vente
  2. Réinventer et « augmenter » le magasin pour créer une expérience omnicanale
  3. Collecter et homogénéiser les données clients afin de personnaliser l’offre et le service
  4. Intégrer les dispositifs mobiles de localisation pour informer, éduquer et engager les clients
  5. Prolonger l’expérience d’achat sur les réseaux sociaux et encourager les interactions avec les marques

Certes, la digitalisation du point de vente n’est pas en soi un sujet radicalement nouveau. Depuis plusieurs années, nombreux sont les acteurs à plancher sur l’enrichissement de l’expérience en magasin grâce à la technologie numérique. On peut citer à cet égard des exemples comme le Wifi gratuit (qui incite le chaland à rester plus longtemps sur place), la réalité augmentée sur certains stands, les coupons de réduction géolocalisés, les QR codes à scanner pour accéder à des contenus additionnels. Néanmoins, tout cet attirail a globalement rencontré des fortunes diverses et pas si souvent satisfaisantes pour le client. Ce n’est effectivement pas en empilant les gadgets digitaux à chaque détour de rayon que le consommateur va avoir le sentiment d’une relation à vraie valeur ajoutée.

Phygital - Retail Experience Map

Unir pour le meilleur

Bien que le phygital en soit encore globalement au stade expérimental, nombre d’experts s’accordent pour dire que le mix réalité/virtuel doit d’abord opérer un léger mais signifiant glissement de paradigme. Au lieu se concentrer sur le consommateur, il faut avant tout parler au potentiel acheteur en fournissant des solutions numériques qui lui sont utiles et fluidifient son expérience dans le magasin mais aussi avant et après. C’est là que réside toute la subtilité (et difficulté aussi) d’établir et nourrir une communication adaptée, pertinente et qui ne soit pas forcément une resucée digitale de ce qui existe par ailleurs dans le monde physique ou inversement.

Phygital - Alpine A110Le 7 mars au salon de l’Auto de Genève, la marque Alpine est revenue sur le devant de la scène en dévoilant sa toute nouvelle A110, une version modernisée de l’emblématique Berlinette qui avait disparu du marché depuis plus de 20 ans. Or pour cette renaissance fort attendue des fanas de voitures de sport, la marque a conçu avec l’agence Havas un dispositif phygital d’envergure où alternativement le véhicule apparaît et vit auprès de la communauté de manière numérique sur le Web et les réseaux sociaux ou comme concept-car dans des salons ou des événements spécifiques. Tout cela avec une chronologie savamment étudiée depuis décembre 2015 qui distille au fur et à mesure un site Web dédié, un événement sur les routes tortueuses du col du Turini (une épreuve spéciale historique du rallye de Monte Carlo où l’A110 a particulièrement brillé), un magazine, une appli mobile pour les 1955 acquéreurs de l’Alpine Première Edition, etc. « Ce lancement automobile qui s’appuie sur une animation de communautés autour de l’expérience digitale, des events, et du brand content, préfigure les nouveaux formats de communication » explique Valérie Planchez, vice-présidente de Havas Paris (1).

Fin mars, un flagship va ouvrir ses portes à Boulogne pour proposer une immersion dans l’histoire de la marque et la découverte du nouveau véhicule. Il préfigure les concessions Alpine qui ouvriront à partir d’octobre. Il sera complété en avril par un e-shop accessible depuis le site alpinecars.com qui commercialisera une collection de produits dérivés, des produits lifestyle ainsi que des éditions limitées. Tout cela en prévision de 2018 et la commercialisation de la nouvelle A110 à plus grande échelle.

A la recherche de l’influence, la vraie !

Phygital - OmnicanalTout ce dispositif phygital minutieux n’a pas été uniquement pensé pour stimuler les ventes d’une voiture renaissante qui avait disparu des routes depuis deux décennies. L’idée en effet va nettement plus loin : bâtir une communauté, l’entretenir, la bichonner même (notamment pour les 1955 heureux détenteurs d’un modèle de la première série vendue en 2016) en lui proposant des points d’interaction réguliers et pertinents avec les attentes de cette même communauté. Cette dernière constitue ainsi une cheville ouvrière majeure en termes d’influence sur les réseaux sociaux comme dans le classique bouche-à-oreille où la voiture demeure fréquemment un sujet de conversation.

Pour Marie Dollé, Head of Content chez Kantar Media, le phygital instaure très clairement une évolution majeure des stratégies de communication et de marketing. Au-delà d’emboîter des outils, c’est la valeur ajoutée de l’expérience qui sera génératrice d’influence durable (2) : « Si physique et digital semblent devoir définitivement s’additionner, cela implique bien entendu de revoir les stratégies de communication et marketing. C’est le cas évident des « relation influenceurs ». Les marques qui ont compris l’importance du phygital, recherchent des porte-paroles hybrides, capables d’influencer les consommateurs simultanément dans ces deux mondes (…) Le vrai défi pour les marques est donc de savoir repérer ces influenceurs hybrides, qui ont la capacité de s’ancrer dans ces deux mondes ». Alors, on se phygitalise ?

 

Sources

– (1) – Frédéric Roy – « Alpine : du virtuel au réel avec Havas » – CB News – 8 mars 2017
– (2) – Marie Dollé – « Le phygital : quand l’influence se joue online et offline » – L’ADN – 3 mars 2016

Pour en savoir plus

– « Le phygital, l’avenir du commerce : objectifs, défis, outils et exemples » – C-Marketing – 10 août 2016
– Brad Howarth – « Why it’s time brands got more ‘phygital’ with customer experience » – CMO.com.au – 27 février 2017
– Christian Rivet – «Ce que l’arrivée du phygital change dans la boutique » – The Conversation – 27 février 2017



2 commentaires sur “Le phygital, un nouveau joujou de communication ou un levier à vite considérer ?

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