Mesure de la communication : Un vœu pieux ou un objectif réaliste et atteignable ?

Avec la financiarisation galopante et la frénésie des indicateurs de mesure de la performance dans les entreprises, la fonction communication n’a pas échappé à cette volonté de tout objectiver par les chiffres pour prouver sa véritable valeur ajoutée au sein de l’organisation. Pour être honnête, il est vrai que la communication a longtemps pâti (parfois encore) d’une réputation de fonction flambeuse et au retour sur investissement aléatoire. Vouloir y insérer un peu de rationalité n’est donc pas en soi blâmable. A la différence près que ce métier particulier ne peut pas non plus uniquement être régi par des considérations mathématiques au risque d’en diluer, voire de perdre l’essence stratégique de la communication d’entreprise. C’est dans cette optique qu’un groupe de travail d’une vingtaine de directeurs de la communication membres d’Entreprises & Médias avec l’appui du cabinet d’études Occurrence et l’agence Little Wings, a réfléchi à la meilleure façon de valoriser les actions et identifier des référentiels de mesure qui tiennent compte des spécificités de la fonction.

Le sujet de la mesure de l’efficacité de la communication a toujours été un serpent de mer récurrent pour les communicants professionnels et particulièrement ceux qui ont des comptes à rendre à des directions financières de plus en plus tatillonnes en matière de dépenses et d’investissements budgétaires. D’où des débats incessants pour tenter de trouver des critères capables de prouver que la communication engendre une création de valeur au même titre qu’un produit vendu, une action boursière en hausse ou même la sacro-sainte publicité longtemps perçue comme levier commercial incontournable pour augmenter des parts de marché.

Pourtant, malgré les louables efforts d’encadrement (comme les principes de Barcelone), les résultats ont souvent abouti à des concepts assez compliqués (voire inappropriés dans la vie réelle) ou des équations fumeuses comme la conversion financière d’une retombée presse en équivalent espace publicitaire. Avec la digitalisation de la communication, les tableaux de bord ont essaimé et procuré nettement plus de données. Mais comment en tirer intelligemment profit pour disposer d’un outil de pilotage et de mesure pertinent sans faire de la data la seule et unique boussole ? C’est sur cette question clé qu’Entreprises & Médias vient de publier un document de synthèse qui fera date pour la profession.

La communication contribue au capital immatériel de l’entreprise

EMedias - LivretMême si cela n’est pas uniquement une fin en soi, pouvoir disposer de chiffres et de repères objectifs permettant d’apprécier la contribution d’une stratégie de communication à la performance globale de l’entreprise, s’impose néanmoins comme un must que tout dircom se doit s’intégrer dans son activité. Ceci d’autant plus que l’écosystème interne et externe s’est largement complexifié avec notamment un poids de plus en plus prépondérant des parties prenantes et une volatilité des opinions plus affirmée. Dès lors, s’appuyer sur un tableau de bord pour objectiver les évolutions, mettre en perspective les résultats obtenus dans le cadre d’une stratégie de communication devient impératif.

Dans le cas contraire, le risque est grand de dépenser en pure perte dans des outils coûteux (et même dispendieux) et non-pertinents, faute d’avoir bien appréhendé le contexte et de s’être fixé des indicateurs réalistes, ciblés et concrets. Si aujourd’hui, environ 80% des réseaux sociaux d’entreprise ont coûté des millions sans générer de réelle plus-value, c’est souvent par négligence d’intégrer certains indicateurs certes immatériels mais largement impactants dans le déploiement de tels outils. Raisonner uniquement par l’outil et pour l’outil est aujourd’hui une ineptie en dépit de certains discours d’agences qui relèvent plus du camelot obséquieux que du stratège avisé.

L’important travail mené par les directeurs de la communication membres d’Entreprises & Médias est à cet égard à saluer. D’abord parce qu’il ne se contente pas au final de réinventer la roue, pondre quelques KPIs (Key Performance Indicators) rassurants pour le cerveau gauche et établir une énième trame à l’instar d’un théorème de Pythagore. Leur réflexion est d’abord partie du terrain avec des audits et des benchmarks auprès de confrères mais aussi de personnes issues des fonctions financières, marketing, RSE et achats des entreprises. Sans pour autant tomber dans le piège du chiffre à tout prix et en affirmant haut et fort que « la communication soutient l’activité de l’entreprise en ce qu’elle contribue à l’appréciation de son image et aussi, dans certains cas, jugule les risques. En cela, elle contribue au capital immatériel de l’entreprise » que sont la marque et la réputation.

Quatre grandes familles d’indicateurs

Cette démarche itérative et ouverte sur l’extérieur a ainsi permis de distinguer au bout du compte quatre grandes familles d’indicateurs qui sont autant d’axes au cœur des problématiques que le directeur de la communication et ses équipes doivent en permanence appréhender, recouper, pondérer et prioriser. Ce quatuor thématique se décompose de la manière suivante :

  • Les indicateurs d’engagement pour mesurer la capacité de la communication à rendre ses audiences actives
  • Les indicateurs de business pour évaluer le soutien apporté par la communication à l’activité commerciale de l’entreprise
  • Les indicateurs de management des risques pour prévenir les menaces qui pèsent sur la marque et sa réputation
  • Les indicateurs de réputation pour refléter le déploiement et la valorisation de l’image de l’entreprise

Emedias - Poster 4 indicateursChaque groupe d’indicateur est ensuite analysé à travers une définition détaillée, un protocole, des notions de seuil et des illustrations visuelles pour rendre plus concret et exploitable le propos. La grande force de ce référentiel est d’avoir su coupler des repères chiffrés et quantitatifs avec des notions plus qualitatives mais intrinsèquement nécessaires pour juger de manière complète la performance d’une action de communication. Il s’agit par exemple de la tonalité des conversations autour de la marque sur les réseaux sociaux, le taux de confiance accordé par des publics cibles. Ce type de données est certes plus difficile à modéliser d’un point de vue mathématique pur mais il n’entre pas moins fortement en ligne de compte dans l’efficacité globale d’une stratégie de communication. Là est clairement la pertinence de ce document qui ne s’enferme pas dans le « quanti » intégriste ou alors le « doigt mouillé » subjectif. Il s’efforce d’allier et de croiser les deux dimensions pour restituer au final la valeur ajoutée générée par la communication.

Autre point fort de ce document très accessible et absolument pas jargonneux : l’adjonction de 10 règles clés pour bien piloter sa communication d’entreprise et s’assurer ainsi que le/la dircom se pose les bonnes questions, qu’il/elle hiérarchise les priorités en fonction du business et des enjeux, qu’il/elle dispose de jalons permettant de jauger des progrès enregistrés ou au contraire des manques à combler ou des tendances à inverser. Pour avoir lu pas mal de littérature sur le sujet, souvent roborative jusqu’à l’écœurement, parfois au ras des pâquerettes ou alors tellement conceptuelle qu’elle en devient stratosphérique, le document édité par Entreprises & Médias constitue vraiment un guide de référence que chacun peut aisément s’approprier quel que soit son secteur d’activité et ses problématiques particulières.

Il ne se définit pas comme une bible à décliner in extenso mais plutôt comme un corpus d’indicateurs à sélectionner et moduler à l’aune des enjeux de chacun. C’est là en tout cas un précieux travail de synthèse qui en plus d’aider à piloter finement et agilement une stratégie de communication, permet également de valoriser plus factuellement le métier de communicant auprès des comités exécutifs comme auprès d’autres directions qui ont encore du mal à comprendre que la communication n’est ni un vernis dispendieux pour se faire plaisir, ni un gadget « trendy » mais véritablement une fonction centrale capitale qui par sa position 360°, est capable d’accompagner, protéger mais aussi identifier des opportunités et impulser des changements bénéfiques.

Pour en savoir plus

– Pour adhérer et obtenir l’intégralité du livret (version anglaise disponible également) sur la mesure et le pilotage de la communication, contacter l’équipe sur le site Web d’Entreprises & Medias
– Pour suivre l’actualité de l’association, s’abonner au compte Twitter @EM_Dircom et la page Linkedin

Entreprises & Médias en bref

Entreprises et Médias est une association créée en 1985 qui rassemble aujourd’hui 160 directeurs de la communication issus de grands groupes français et internationaux : CAC 40, SBF 120, groupes non cotés privés, publics, institutions, filiales françaises de groupes étrangers. Au service de la profession, Entreprises et Médias est un lieu de réflexion, d’échanges et de propositions dédié aux évolutions de la fonction, ainsi qu’à ses enjeux et pratiques, présents et à venir. L’association promeut par ailleurs le métier et ses acteurs, le rôle stratégique qui est le leur, en interne comme en externe, dans l’anticipation et l’accompagnement des mutations de l’entreprise ainsi que dans la création de valeur.

Entreprises et Médias propose différentes activités, moments de débats, d’ouverture et d’apprentissage : partage d’expériences entre pairs, rencontres avec des parties-prenantes clés de l’entreprise : médias, acteurs politiques, académiques et associatifs, instituts d’étude… sur des sujets concrets et prospectifs, de portée nationale comme internationale :

  • Ateliers autour de problématiques d’actualité*: partage d’expérience de membres et intervention d’experts
  • Groupe de travail annuel dédié à un sujet ayant un fort impact sur l’exercice du métier
  • Voyage d’étude : conçu comme une « learning expedition » pour mieux comprendre l’environnement économique du pays et découvrir d’autres pratiques de communication
  • Séminaire de l’association : pendant deux jours, occasion de présenter les conclusions du groupe de travail et d’aborder des sujets sociétaux et/ou d’actualité, notamment avec des grands témoins.
  • Rencontres et débats autour d’une personnalité
  • Rencontres informelles entre pairs, visites de sites
  • Etudes et comptes rendus de travaux


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