Nabilla Benattia : Analyse d’une bimbo virale enfantée des réseaux sociaux

Cela aura été son dernier fait d’armes médiatique : éclipser sur les réseaux sociaux et dans les médias l’intervention télévisuelle du président de la République. En étant suspectée d’avoir poignardé son compagnon lors d’une altercation, Nabilla Benattia a suscité un hallucinant buzz à la hauteur de sa fameuse réplique « Allo Quoi » par laquelle tout avait commencé pour la bimbo de la télé-réalité. Décryptage d’une réputation digitale aussi fulgurante que vaine.

Il y a encore peu de temps, on parlait des « enfants de la télé » pour désigner ces personnalités projetées sous les feux de la rampe médiatique et biberonnées 24 heures sur 24 à la perfusion télévisuelle. Qu’elles soient artistes, sportives, politiques et même économiques, ces célébrités devaient tout ou presque à leur ubiquité audiovisuelle. Créatures d’un système avide de nouvelles têtes de gondole, elles faisaient l’actualité en bien comme en mal pourvu qu’on parle d’elles. Avec l’irruption de Nabilla Benattia en poupée siliconée de la télé-réalité, c’est désormais la dimension numérique qui a pris le pas. Il aura simplement fallu une réplique « culte » pour que buzze un incroyable avatar sur les médias sociaux.

Allo Quoi, t’as pas de buzz ?!

Nabilla - Allo quoiL’itinéraire fulgurant de Nabilla Benattia est un concentré symptomatique de ce fameux quart d’heure de gloire warholien. Il aura suffi d’une phrase emblématique répétée en boucle sur le Web pour que surgisse une improbable créature médiatique à mi-chemin entre racaille incontrôlable et égérie provocante. En mars 2013, Télé Loisirs et Le Figaro ont le nez creux en décidant de pousser la séquence vidéo où Nabilla déclare ingénument : « Nan mais allo quoi ! T’es une fille et t’as pas de shampoing ? Allô ? C’est comme si je te dis, t’es une fille et t’as pas de cheveux ! ». Alors qu’elle n’est encore qu’une improbable candidate de reality show en quête de gloriole de papier glacé, sa répartie verbale va inaugurer un incroyable buzz.

En l’espace de quelques jours, la vidéo est vue, partagée et commentée des centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux. A l’époque, près de 3 millions de personnes s’esclaffent devant cette citation surréaliste et superficielle au point d’engendrer des centaines de pastiches et de détournements humoristiques. Le phénomène Nabilla est né dans une frénésie de clics, de likes et de retweets qui conduira d’ailleurs la société de production de la jeune femme à déposer le concept du « Allo Quoi » à l’Institut National de la Propriété Intellectuelle. Histoire sans doute de protéger cette « marque » devenue hautement virale et potentiellement martingale marketing.

100% viralité

Nabilla - Viralité totaleCe qui aurait pu n’être qu’un feu de paille numérique, ne va en fait jamais cesser de rebondir au gré des épisodes de la « life » désormais glamour de Nabila. Tout est bon pour maintenir l’attractivité autour de la jeune femme. Bien qu’elle batte des records d’impopularité dans les sondages d’opinion en étant la personnalité la plus détestée des Français en 2013 (1), chaque pan de sa vie est scruté, surexploité et exhibé au grand plaisir des communautés de fans prompts à s’enflammer pour leur idole. Tour à tour, elle devient ainsi le modèle phare du couturier Jean-Paul Gaultier le temps d’un défilé. Elle publie un recueil de petites phrases calquées sur l’inénarrable « Allo Quoi ». Elle obtient même sur NRJ12, une émission prime time hebdomadaire où elle s’essaie à devenir la Kim Kardashian hexagonale.

Même les frasques moins reluisantes de la bimbo font l’objet d’un buzz tout aussi soutenu. Qu’il s’agisse de son passé sulfureux en Suisse, de ses bagarres à coups de sac à main à Miami ou de ses insultes professées à tire larigot, Nabilla nourrit sans discontinuer la viralisation 100% digitale. A tel point que l’impétrante déclare toute bravache (2) : « On lance une émission sur mon nom, je suis devenue une marque ! ». Sur le fond, elle n’a absolument pas tort. On ne compte plus les personnes qui quémandent une photo avec elle ou qui lui déclament des mots passionnés sur les réseaux sociaux.

Une « star » digitale communautaire

Nabilla - instagramIncontestablement, Nabilla cristallise et électrise. Le phénomène est particulièrement prégnant sur Facebook où la jeune femme dispose de deux pages à sa gloire. La première est une page officielle pour vanter les défiles de mode et de lingerie et les shootings photo que Nabilla accumule à vitesse éclair. Aujourd’hui, la page rassemble près de 630 000 fans et a pour l’instant interrompu le flux depuis l’arrestation de leur icone. La deuxième page se veut également officielle mais au regard des textes truffés de fautes d’orthographe et de syntaxe, elle émane plus probablement d’un(e) fan qui a toutefois réussi à agréger 47 400 personnes à l’affût de l’actualité de leur « star ».

Sur Twitter, cette popularité digitale ne se dément pas. Le profil officiel baptisé @leonnaboo compte plus de 1,1 million d’abonnés avec des taux de retweets et de favoris à faire mourir de jalousie les community managers en mal d’engagement communautaire. Devant ce succès, un deuxième profil a d’ailleurs été créé autour de la réplique « culte ». Intitulé @AlloNabilla, il fédère 54 600 followers dans le cadre de l’émission de Nabila sur NRJ12 diffusée en août dernier. Sur les réseaux sociaux, Nabilla est devenue un point de focale irrésistible en dépit de la vacuité patente de ses propos et de sa vie de luciole médiatique.

Toujours à la pointe du buzz

Nabilla - Tweets Free NabillaLorsqu’est tombée la nouvelle de sa garde à vue puis de son incarcération pour tentative d’homicide volontaire, le buzz a aussitôt essaimé comme un feu de broussailles en pleine canicule. En quelques instants, le hashtag #Nabilla a occulté tous les autres faits majeurs de l’actualité. Même dans les médias classiques, les flashs matinaux du 7 novembre ouvraient en grande majorité sur l’arrestation de la bimbo. Professeur de communication politique à l’université de Lorraine, Arnaud Mercier livre une très pertinente explication de cet emballement hors normes (3) : « J’appelle ce phénomène la montée au sommet de l’iceberg: considérons l’espace public et numérique comme un iceberg. En haut se trouvent les sujets traités par les médias traditionnels, tandis que Twitter, Facebook et les réseaux sociaux sont la face cachée de l’iceberg. Parfois, certains sujets font tellement de bruit qu’ils parviennent à monter à la surface, à dépasser la face cachée et à atteindre le sommet. La mise en examen de Nabilla en est un bon exemple ».

Les réseaux sociaux n’ont pas été en reste pour s’emparer de l’affaire et la commenter avec une virulence qui a de quoi déconcerter. Si les fans étaient nombreux à apporter leur soutien, tout aussi nombreux étaient les détracteurs et les blagueurs sarcastiques. Les blagues ont fusé bon train durant toute la journée. Même le célèbre acteur Dany Boon est y allé de sa moquerie tant que le dessinateur Plantu rebondissait avec humour avec un dessin mixant l’affaire Nabilla et le psychodrame Fillon/Jouyet. Plus impressionnant encore, des fans ont carrément lancé une mobilisation sur les réseaux sociaux pour appeler à la libération immédiate de Nabilla. Ils n’ont pas hésité à détourner le fameux hashtag #FreeOurGirls pour le transformer en #FreeNabilla. Lequel s’est alors prestement imposé parmi les trending topics de Twitter dans les jours suivants, succédant ainsi au déjà très populaire #NabillaenGAV. Sur Facebook, plusieurs pages ont repris en écho l’appel à la clémence dont une a déjà obtenu plus de 2100 fans. Même un site Internet est apparu pour vendre des T-shirts militants !

Conclusion : Ce n’est que le début !

Nabilla - tweet rigoloJamais, une personnalité publique n’aura autant existé par le biais des réseaux sociaux. Nabilla n’est certes pas le premier ectoplasme accouché par la télé-réalité. En revanche, il est sans coup férir celui qui est devenu l’objet de tout un lieu de conversations et d’échanges entre internautes. Qu’on s’en réjouisse ou pas, les réseaux sociaux ont constitué un indéniable et fertile creuset où le mythe Nabilla n’a cessé de prospérer et de se propager à tel point que les médias traditionnels ont cru bon devoir en faire un sujet de Une à intervalles réguliers.

Dans un autre registre, on connaissait déjà les YouTubers, ces anonymes propulsés en quelques mois au rang de star digitale grâce à leur capacité à générer plus d’1 million de vus mensuels autour de leurs contenus vidéos. Avec l’affaire Nabilla, on a cette fois la confirmation que la surexposition médiatique est entrée de plain-pied dans l’ère du digital surpuissant. Quand bien même le personnage déroule un affligeant vide intellectuel, il parvient à coaguler des millions d’internautes prêts à grappiller d’éphémères bouts de notoriété qu’eux-mêmes rêveraient d’avoir. Une chose est certaine : il y aura d’autres Nabilla dans les années qui viennent avec des limites sûrement encore repoussées plus loin !

Un merci amical tout particulier à Anthony Babkine (@AnthonyBabkine) qui m’a inspiré ce sujet !

Sources

– (1) – « Nabilla, personnalité la plus détestée de 2013 » – L’Internaute – 20 décembre 2013
– (2) – Laurence Debril – « Nabilla, reine du show buzz » – L’Express – 2 juillet 2013
– (3) – Wladimir Garcin – « Affaire Nabilla : ce que révèle l’hystérie médiatique » – Le Figaro – 10 novembre 2011



2 commentaires sur “Nabilla Benattia : Analyse d’une bimbo virale enfantée des réseaux sociaux

  1. Bruno  - 

    Bonsoir Olivier, merci, une fois de plus, pour ce décryptage étayé. Personnellement, je m’interroge sur la suite éventuelle… Il y aura d’abord le temps du procès : une des médias, vacarme des réseaux ? Sans doute. Puis, si condamnation il y a, encore quelques vagues. Plus loin, sortie de prison : bonne occasion de tester le pouvoir de la marque Nabilla. Ou pas. Si ça mord, une amorce par une confession dans un journal : comment cette épreuve m’a changée, etc. Un peu de buzz ? On enchaînera par une apparition dans une émission d’infotainment. Logiquement couplée, d’ailleurs, avec la sortie d’un livre-confessions. Puis sans doute un rôle au théâtre ou dans un film ? Bref, on n’a pas fini de voir ou revoir. Et de buzzer. Ou pas. 😉

    1. Olivier Cimelière  - 

      Bonsoir Bruno
      Il est vrai que Nabilla a vu son avenir et sa réputation météorique s’assombrir. Pas sûr qu’elle en sorte indemne (tout dépendra de la suite judiciaire donnée) et qu’elle retrouve son écho médiatique. En revanche, il y aura toujours des clones pour prendre la suite et même aller encore plus loin dans l’exhibition digitale. Nabilla aura ouvert la voie. Pourra-t-elle capitaliser ? Rien n’est moins assuré !

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