Au secours ! La symbolothérapie revient et la garden party s’en va

La symbolothérapie est une branche déviante de la communication cosmétique. Une astuce qu’on dégaine dans l’urgence de la situation ou pour parer à l’absence de véritable discours fondé. La décision de la présidence de la République d’annuler la traditionnelle garden-party du 14 juillet procède de cette symbolothérapie. On sauvegarde les apparences et on colmate les brèches ouvertes sans pour autant ouvrir un dialogue de fond. Avec de pareils artifices, la communication risque une fois de plus d’être épinglée et affublée des pires intentions aux yeux du public et des médias.

Un fois encore, le décideur politique a cédé aux sirènes du symbole communicant aguicheur. Jamais les outils de la publicité et du marketing n’ont été autant consommés par les décideurs politiques pour s’efforcer d’enrayer l’imprévisible horlogerie médiatique. Il est vrai que ces derniers temps, les auspices médiatiques n’ont guère été tendres avec la supposée exemplarité gouvernementale. Voyages express en jets privés, chambres d’hôtel luxueuses, bombance de cigares raffinés, cumul juteux de revenus et de retraites, hébergements généreux sous les toits de la République et on en passe ! Tout a été étalé dans les journaux avec luxe de détails jusqu’à la nausée devant tant d’incurie ministérielle dispendieuse !

Jolies toilettes et galons dorés sont privés de « party »

L’inventaire à la Prévert est d’autant plus rude à avaler pour le quidam moyen qu’il s’opère en plein marasme économique où l’emploi est devenu plus que jamais précaire, y compris parmi les classe moyennes et supérieures. Sans parler du serrage de ceinture inéluctable que chacun va devoir accomplir pour espérer un jour pouvoir jouir d’une pleine retraite. Bref, l’air du temps est vicié et requiert d’urgence un bon vieux tour de passe-passe pour rassénérer le bon peuple énervé. La symbolothérapie est là pour vous aider.

Quoi de mieux donc que de guillotiner cette garden-party du 14 juillet où quelques « happy few » initiés viennent se goinfrer de petits fours signés par les plus grands traiteurs et s’imbiber de jus de raisin pétillant des meilleures maisons champenoises ? Qui en effet viendra s’indigner de la mise au rebut de ce pince-fesses où d’aucuns se gobergent pour ensuite se vanter d’en être dans les dîners mondains ?

L’astuce est maligne en ces temps troublés. Et pour appuyer la rationalité de la décision, il y a le chiffre magique et précis à l’euro près qui circule partout au sujet de l’édition 2009 de la garden-party : 732.826 €. De quoi effectivement donner le tournis au smicard pour lequel une telle somme n’équivaut même pas à l’intégralité des gains amassés durant sa vie professionnelle.

La chasse aux petits fours pour sauver le budget de l’Etat

Pour les communicants qui croient aux vertus d’une communication patiemment tissée, ce genre de gadget communicant est horripilant. A la limite d’un populisme presque méprisant à l’égard des citoyens. Ainsi donc, rayer 732.826 € du budget de l’Etat aidera la France à réduire son abyssal déficit budgétaire et à séduire les agences de notation financière toujours promptes à dégrader soudainement qui bon leur semble ?

Si la somme en elle-même peut impressionner de prime abord, quiconque a mené des opérations événementielles sait que ce budget tant complaisamment annoncé à l’unité près, est bien loin des sommes somptuaires qu’on prétend éviter. Bien des entreprises et des administrations dépensent et dépassent allègrement le ratio alloué à chaque invité pour leurs sauteries respectives.

Heureux hasard ! Johnny n’était pas dispo cette année

Par ailleurs, si l’on pousse la réflexion un cran plus loin, comment se fait-il alors que personne – hormis le magazine L’Express (1) – ne pointe les quelque 3,1 millions d’euros claqués le 14 juillet 2009 pour le concert de Johny Halliday au pied de la Tour Eiffel par ce même Elysée soudainement devenu fourmi plutôt que cigale ? Une somme qui n’a pas été perdue pour tout le monde puisqu’elle a servi à rémunérer le chanteur et toutes les équipes impliquées dans l’organisation du show. Il n’y aura certes pas de rappel de notre Jojo national cette année, austérité économique oblige (et convalescence du rockeur aussi) ! En revanche, personne n’est allé le clamer haut et fort.

Enfin, la suppression de la garden-party a un petit côté risible et un brin faux-cul. Alors que le gouvernement sue sang et eau pour ne surtout pas prononcer, ni écrire le mot de la rigueur de crainte de l’officialiser (alors que tout le reste de l’Europe s’y est converti) dans les actes politiques, tout concourt à accréditer cette même rigueur puisque même les minuscules 700 000 euros de la garden party ont été annulés sans coup férir.

Il n’y pas si longtemps pourtant, Thierry Saussez, président du Service d’information du gouvernement (SIG), militait publiquement pour « une émission gouvernementale à la télévision construite sur les questions des Français (…) et ancrer ainsi les messages dans la durée » (2). Il n’est pas vraiment certain que la symbolothérapie actuelle s’inscrive dans la stratégie de communication durable qu’il souhaitait engager.

Post-scriptum (utile) : Je n’ai jamais été invité à la garden-party et n’en faisais pas un objectif !

Sources

(1) – Ludovic Vigogne – « Johnny : le vrai coût du concert de l’Elysée » – L’Express – 23 juin 2010

(2) – Jack Dion – « Thierry Saussez ou l’ombre d’Alain Peyrefitte » – Marianne – 1er novembre 2008



2 commentaires sur “Au secours ! La symbolothérapie revient et la garden party s’en va

  1. Herve  - 

    Mince, tu as dégainé plus vite que moi. Je m’interroge aussi sur cette économie de bout de chandelle, qui correspond à 4 ou 5 trajets ministériels France-Antille…

    Et s’il fallait faire de vraies économies, pourquoi ne pas alléger le dispositif du défilé, en renonçant au survol de Paris par quelques jets ou au déplacement de quelques unités provinciales à Paris…

    Mais tu as raison, la symbolocratie a un avenir assuré.

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