PSG : Ce bouc émissaire du football qu’on aime (trop facilement) critiquer à l’excès

Le fastueux recrutement estival du club de la capitale a provoqué une flambée de réactions offusquées par les sommes d’argent versées et le risque d’un championnat de L1 à deux vitesses. Paris Saint-Germain n’a pourtant pas à rougir de ses ambitions mais doit veiller à ne pas s’aliéner l’écosystème footballistique français. Dans le cas inverse, le prix à payer en termes d’image pourrait être catastrophique pour le club parisien. Surtout si en plus, les performances ne sont pas rapidement au rendez-vous.

Indéniablement, une nouvelle ère est en train de s’écrire à vitesse éclair au PSG. Depuis que Qatar Sport Investment (QSI) a pris les rênes du club, la formation francilienne a changé de braquet. Même si l’équipe de Montpellier a réussi à lui souffler le titre de champion de France lors de la dernière saison, l’effectif de la capitale a profondément été remanié et renforcé avec l’arrivée de joueurs prestigieux et confirmés (Maxwell, Alex, Thiago Motta, Thiago Silva, Ibrahimovic) et de stars en devenir (Ménez, Pastore, Lavezzi et Verratti). Sans parler de la nomination du coach, Carlo Ancelotti au palmarès qui impose le respect.

Un véritable projet économique et sportif

QSI a d’emblée affiché ses ambitions sportives pour le PSG

A sa prise de contrôle à 100% en mars 2012, QSI n’a jamais fait mystère de ses ambitieux objectifs pour le Paris Saint-Germain. Loin d’être une toquade d’émir pétrolier en mal de d’emplettes, le conséquent investissement vise à imposer durablement le PSG dans la cour des grands d’Europe où jouent déjà le Barca de Lionel Messi, le Real Madrid de Cristiano Ronaldo, le Bayern Munich, les clubs italiens et anglais.

D’où le slogan très vite placardé dans les boutiques et décliné à l’envi dans la communication du club : « Rêvons plus grand ».

N’en déplaisent aux allergiques des montants à plus de six zéros, le projet parisien de QSI est loin d’être une lubie sans vision entrepreneuriale comme put l’être en son temps le Matra Racing Paris de Jean-Luc Lagardère à la fin des années 80. Ce dernier s’était contenté d’empiler des patronymes ronflants de l’époque pour concurrencer (déjà !) le PSG. En à peine quatre saisons de disette sportive, l’aventure tourna rapidement au fiasco, faute de réelle structure et de plan stratégique étayé.

Dans son projet actuel et au-delà du chéquier garni octroyé pour faire signer des grands noms du football au PSG, QSI s’est adjoint les compétences d’un directeur général reconnu : Jean-Claude Blanc. Expert en économie du sport, il a pour feuille de route de rendre le club profitable à un horizon de 3 à 5 ans en impulsant une stratégie commerciale solide. A ce plan, s’ajoute un manager sportif rompu aux arcanes des grands clubs cités plus haut en la personne de Leonardo, par ailleurs ex-joueur du PSG.

Vincent Chaudel, économiste du sport chez Kurt Salmon, le confirme. A ses yeux, le PSG engage un défi atteignable (1) : « Même s’il y a des freins à l’accroissement des revenus, comme la taille du Parc des Princes, l’équation reste rationnelle. D’un côté, le PSG doit dépenser vite et beaucoup pour entrer dans la cour des grands clubs européens. De l’autre, il se constitue un beau capital joueurs tout en améliorant ses performances économiques.  Le PSG va rester largement déficitaire cette année, mais moins que l’an dernier grâce à de nouvelles recettes. La Ligue des champions lui rapportera au moins 20 millions d’euros et sa part des droits TV en Ligue 1 va encore augmenter. Les recrues vont aussi doper son merchandising, notamment à l’international où la « marque » Paris et le logo à la tour Eiffel ont un vrai potentiel. Et il y a encore fort à parier que le PSG sera à terme le premier club français à enfin valoriser son sponsoring maillot à plus de 10 millions d’euros par an ». D’ailleurs, les premiers effets sont déjà patents avec une progression de 50% de la vente de maillots comparée à la même période l’an passé.

« Rêvons plus grand » contre «Geignons plus fort »

De grands noms sont venus étoffer l’effectif en quelques mois

Qu’on le veuille ou non, le football est une industrie sportive qui brasse des millions depuis les années 90. Cette financiarisation a certes entraîné des excès particulièrement critiquables où certains clubs (et non des moindres comme par exemple le Barca, le Real, Manchester United pour ne citer que les plus emblématiques) sont en permanence criblés de dettes abyssales, enivrés qu’ils sont par l’obsession de la surenchère sportive à tout prix. C’est d’ailleurs dans cette optique que l’UEFA s’apprête à introduire le concept de fair-play financier d’ici la saison 2013/2014 pour juguler les distorsions abusives qui n’ont pas manqué d’essaimer ces dernières années.

Toutefois, même si le PSG a fait sauter la banque en recrutant coup sur coup Lavezzi, Thiago Silva, Verratti et Ibrahimovic pour un montant global avoisinant les 100 millions d’euros, les données ne sont pas les mêmes. Quoi qu’en disent les culs-bénis en tout genre qui se sont aussitôt défoulés à l’annonce des émoluments annuels d’ « Ibra » fixés à 14 millions d’euros. A commencer par le gouvernement qui ne s’est guère privé de dénoncer l’excessive spirale financière du PSG. Les élus Verts de Paris ont aussitôt réclamé l’abolition de la subvention municipale allouée au club. Des journalistes sont allés gaiement de leur petit couplet moralisateur en comparant les sommes évoquées au SMIC annuel.

Pas en reste, les représentants du football amateur ont hurlé à l’indécence et au gâchis comme Eric Thomas, président de l’association de football amateur (2) : « Ce que le PSG est en train de faire constitue, à mes yeux, l’antithèse du football (…) Pour nous amateurs, qui passons bénévolement des heures sur les stades, dans les réunions, devant l’ordinateur, etc., qui nous battons tous les jours pour faire vivre le football amateur au quotidien, c’est insupportable ! (…) Variable d’ajustement, le football amateur continue de payer un lourd tribut à la crise des valeurs, du comportement et de l’argent fou (…) A tous niveaux, le football français s’appauvrit. Trop d’argent au PSG et plus trop dans les 39 autres clubs professionnels. Plus de bénévoles chez les amateurs et surtout plus d’idées à la FFF pour sauver son football ».

Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais

Et pour boucler le casting des geignards patentés, Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique Lyonnais s’est invité dans la danse du scalp en s’improvisant soudainement « Cosette » du football français. Le même personnage dont le club a pourtant outrageusement dominé le championnat pendant 7 ans d’affilée et qui n’hésitait pas à faire miroiter des contrats en or aux joueurs clés des équipes adverses pour les débaucher. Souvenons-nous notamment de l’intox faite au buteur parisien Pedro Pauleta pour qu’il rejoigne le club rhodanien.

Pourtant, aujourd’hui, Jean-Michel Aulas s’érige en « Batman » du football français en réclamant plus d’équité entre les clubs (3) : « L’OL a joué le jeu économique au plan domestique et je suis persuadé que l’intérêt du PSG est que l’OL soit un challenger de qualité. QSI et son diffuseur y trouveraient aussi leur intérêt. Je dis au PSG : ‘aidez-nous. Prêtez-nous des joueurs, et investissez sur le territoire français (…) L’argent tue l’amour quelques fois. Il ne faut pas qu’il y ait trop de différences, exacerber des antagonismes ». Et de faire aussitôt pression pour se faire prêter deux joueurs parisiens, Clément Chantôme et Mamadou Sakho en l’occurrence.

Paris, la locomotive du football français

Le PSG version 2012/2013 sera très attendu au tournant

Flanqué de son nouveau statut d’équipe potentiellement au-dessus du lot, Paris Saint Germain devrait rappeler aux bonnes âmes offusquées, certains faits et certaines évidences. D’autant que les plus féroces critiques sont souvent les mêmes qui pleurnichaient il n’y a pas si longtemps de la platitude sportive générée par la Ligue 1, du piètre niveau des clubs français en Ligue des Champion et de l’absence de moyens budgétaires conséquents pour rivaliser avec les pointures européennes.

Le PSG n’a pas à esquiver, ni à se justifier face aux démagogues de tout poil prompts à s’enflammer sélectivement. On les compte en effet sur les doigts d’une main, ceux qui s’offusquaient des montants astronomiques engrangés par l’intouchable mythe du football français, Zinedine Zidane. Personne ou presque ne s’est pourtant aventuré à critiquer la fabuleuse cagnotte sportive, médiatique et publicitaire du génial Zizou.

En décidant d’accéder à une autre dimension, le PSG offre au contraire l’opportunité de rendre le championnat de France plus attractif pour d’autres grands joueurs mais aussi de nouveaux sponsors d’envergure. En termes de droits télévisés de retransmission, les médias étrangers vont accroître leur couverture de la compétition hexagonale. Un signe ne trompe déjà pas : les journaux sportifs suédois en dépêchés en masse des reporters pour suivre leur star nationale Ibrahimovic actuellement en tournée aux USA avec le PSG !

Zlatan Ibrahimovic, une star du football comme la Ligue 1 en a rarement accueilli (photo AFP)

Pour les autres clubs de Ligue 1, l’arrivée d’un PSG protéiné n’est pas non plus une mauvaise nouvelle. Lors des matches à domicile, il est fort à parier que les clubs résident évolueront à guichets fermés lorsque le PSG sera l’adversaire du jour. Ensuite, avec ce nouveau regard porté sur la compétition hexagonale, d’autres investisseurs pourraient tout à fait vouloir placer leurs deniers dans d’autres écuries reconnues comme Lille, Lyon, Marseille, Saint-Etienne ou Bordeaux. Pour l’économie et la compétitivité du football tricolore, ce n’est que du bonus positif.

PSG : une affaire pour beaucoup !

L’Etat français lui-même a tout à gagner en accueillant ces contribuables en short. D’après les estimations des avocats fiscalistes du cabinet FTPA (4), le PSG devrait débourser en plus des 14 millions d’euros de salaire net d’Ibrahimovic, 18 millions de charges sociales patronales. Le joueur lui-même serait redevable de 11 millions d’impôts au fisc. Et si jamais la mesure de taxer à 75% les revenus supérieurs à 1 million d’euros devenait applicable, le club et le joueur devraient respectivement verser 113,8 millions et 42,3 millions. Une coquette contribution aux recettes de l’Etat que le PSG devrait rappeler à ses hypocrites détracteurs.

Conclusion – Attention aux écueils d’image

Au-delà du fait qu’agréger des talents n’est pas forcément gage de performances immédiates sur le terrain (et suscitera immanquablement des critiques et des moqueries si l’échec se profile) et d’accumuler des chiffres vertigineux, le Paris Saint-Germain doit également demeurer vigilant sur d’autres éléments d’image non négligeables. Le premier d’entre eux est véritablement crucial : ne pas devenir (ou du moins nourrir la perception) une armée de mercenaires cosmopolites uniquement appâtés par le gain. Pour cela, il est impératif de s’appuyer  parallèle sur des joueurs issus du centre de formation du club. A cet égard, les talentueux et formés au PSG, Mamadou Sakho et Clément Chantôme doivent être particulièrement inclus dans le projet sportif et ne pas seulement constituer des supplétifs cirant plus le banc que foulant la pelouse.

Lire la fin du billet sur le Plus du Nouvel Observateur

Sources

(1) – Jean Le Bail – « L’équation du PSG reste rationnelle » – L’Equipe – 19 juillet 2012
(2) – Eric Thomas – « Ibrahimovic et ses 14 millions : de l’indécence et du gâchis » – Le Plus du Nouvel Observateur – 19 juillet 2012
(3) – Bruno Roger-Petit – « Quand Jean-Michel Aulas déclare la guerre au PSG sans le dire » – Sports24 – 19 juillet 2012
(4) – R.P. – « Le PSG fait sauter la banque » – France Football – 20 juillet 2012

A lire en complément

– Dossier – « Le PSG version qatarie » – Les Echos – 19 juillet 2012
– Bastien Drut – « PSG, Silva, Ibrahimovic : des transferts à prix d’or mais qui rapportent » – Le Plus du Nouvel Observateur – 19 juillet 2012
– Vincent Chaudel – « Pourquoi peut-on se réjouir du mercato du PSG ? » – Observatoire du Sport Business/Le Figaro – 16 juillet 2012

Autres billets du Blog du Communicant 2.0 sur le PSG

– « PSG : Stratégie de marque et équipe de football sont-ils conciliables ? » – 27 décembre 2011
– « Faut-il dissoudre l’édito de Christophe Barbier au lieu du PSG ? » – 3 octobre 2010



2 commentaires sur “PSG : Ce bouc émissaire du football qu’on aime (trop facilement) critiquer à l’excès

  1. Nas_Foot  - 

    Merci pour cet article très pertinent. Pour une fois qu’on a des stars en L1 et qu’un club français peut affronter les autres équipes en C1 sans faire dans son froc, on ne va pas se plaindre. Apparemment si… Je comprends également que ca puisse « troubler » certaines mentalités car le changement est plutôt radical, mais je n’y vois aucun mal : mieux vaut que ce soit dépensé en France qu’à l’étranger, non ? (Qatar, Russie, EAU, USA, Chine, et j’en passe)

    1. Olivier Cimelière  - 

      Bonjour ! merci pour votre commentaire ! Je partage pleinement vos remarques. Je suis pareillement étonné que les mêmes se plaignant d’une L1 au rabais, conspuent maintenant la politique du PSG qui profitera par ricochet à la L1 à travers le monde et suscitera probablement d’autres investissements dans d’autres clubs français.

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