PSG : Champion de France de football en titre mais toujours pas en réputation

Carlo Ancelotti veut partir. Cette velléité de départ résonne comme un énorme désaveu pour les investisseurs qatariens du club. C’est aussi une fracture révélatrice de la totale incompréhension des dirigeants en matière de communication. Gagner ne suffit pas à forger une réputation séduisante et mobilisatrice.

Nouveau et incontestable champion de France en titre, les dirigeants du Paris Saint Germain ne peuvent guère prétendre à de pareils lauriers sur le plan de la communication du club depuis qu’ils en conduisent les rênes. En dépit d’objectifs ultra-ambitieux et de quelques belles réussites sportives, l’image du PSG vacille toujours au moindre avis de tempête. Les récents événements ont administré la preuve que l’éblouissant show pyrotechnique du Parc de Princes samedi dernier ne peut prétendre uniquement suffire à bâtir une authentique aura à l’image des légendaires Manchester United, Barcelone, Bayern Munich et consorts. Revue de détail d’une image toujours controversée et suggestions pour y remédier.

Trop de tolérance pour l’arrogance de Leonardo

Leonardo, grand connaisseur du football mais pas toujours avisé dans ses réactions

« Il faut toujours que tu gâches tout » avait tonné Zlatan Ibrahimovic à l’encontre de Leonardo, directeur sportif du PSG au soir de la victoire contre Lyon qui consacrait la formation de la capitale après 19 ans de disette, d’avatars et espoirs avortés en tout genre. La zlatanesque algarade de vestiaire illustre bien le fossé qui existe entre QSI, le propriétaire du club (dont Leonardo est un des représentants clés) et son environnement sportif, médiatique et sociétal. Loin du joueur admirable et talentueux qu’il fut lorsqu’il endossa le maillot du PSG de 1996 à 1997, Leonardo n’a eu de cesse cette année de multiplier les boulettes qui ont eu l’art de brouiller la communication du club. Pour s’en convaincre, il suffit de se remémorer deux d’entre elles.

La première intervient en mars 2013 à l’issue d’une piteuse défaite contre le Stade de Reims, récemment promu dans l’élite du football français. Pour expliquer cette contre-performance, Leonardo ne trouve pas meilleur argument que de déclarer (1) : « Nous avons créé une équipe plus faite pour l’Europe que le championnat. Je pense que c’est ça. Notre équipe est basée sur le talent et la qualité des passes. Nous avons des joueurs qui sont surtout bons avec la balle au pied. Or, nous devons apprendre à gagner ce type de match qui laisse l’impression que c’est le riche qui affronte le pauvre ». Dans le registre de l’élégance et du fair-play, on a connu des analyses inspirées. Résultat : volée de bois vert du foot français et absence de réaction ferme de la part de QSI. On cautionne ?

La seconde boulette est probablement encore plus inadmissible avec le coup d’épaule vindicatif de Leonardo à l’encontre de l’arbitre du match PSG-Valenciennes conclu sur un pénible score de parité et un carton rouge sévère pour Thiago Silva. Au lieu de se confondre en excuses pour ce geste déplacé, Leonardo affiche sans ciller une version lénifiante où il affirme avoir été lui-même bousculé avant de heurter l’arbitre. Les images de l’incident ne plaident pourtant guère en faveur de cette thèse. Là encore, la communication de QSI est d’un registre minimaliste qui ne peut qu’indisposer les acteurs et les spectateurs. On cautionne ?

Respect, vous avez dit respect ?

Objectifs ambitieux mais réputation encore fragile

Président de Paris Saint-Germain, Nasser al-Khelaïfi est pourtant homme soucieux de décliner en toutes circonstances une image policée et haut de gamme pour le club dont il préside la destinée. Etrangement pourtant, il n’est pas monté au créneau (du moins publiquement) pour prendre fermement ses distances d’avec les saillies méprisantes de Leonardo et recadrer drastiquement ce dernier. Une erreur de jugement qui n’aide guère à redorer l’image du club déjà handicapé à la base par son statut de milliardaire au puits sans fond. Dans une France en pleine crise économique et morale, la manne financière du PSG fait jaser. Bien qu’elle soit pourtant largement inférieure aux colossaux budgets des grands d’Europe comme Barcelone FC, Real Madrid, Manchester United ou encore Bayern Munich, l’Hexagone tousse en voyant tournoyer les chèques à multiples zéros pour acquérir des joueurs de renom mondial.

Cette difficulté à rehausser sa cote d’amour a été mise en évidence par un sondage Ifop – L’Equipe Magazine paru en février 2013 (2). Alors que le Championnat bat son plein, qu’Ibrahimovic canonne à tout va les défenses adverses et que Beckham alimente la gazette médiatique, les scores sont sans appel. Paris Saint-Germain est le club le moins apprécié de France pour 26% des amateurs de football. Deux fois plus que le rival honni de l’OM qui se situe à 13%. Pire encore, le pourcentage grimpe à 40% lorsqu’on interroge des personnes s’intéressant ponctuellement au football. L’éternelle rivalité culturelle Paris-province n’aide certes pas à rendre aisément le club de la capitale plus aimable mais elle n’explique pas tout. Même si le PSG est parvenu ensuite à amadouer plus de monde avec sa belle épopée en Ligue des Champions contre Barcelone, la réputation demeure tiède.

Management infantile envers Ancelotti

Carlo Ancelotti : son palmarès n’a pas suffi face à l’impatience des dirigeants de QSI

Et cette tiédeur ne peut que s’accentuer avec le traitement managérial dont a fait l’objet Carlo Ancelotti durant toute la saison 2013/2014. Entraîneur riche d’un palmarès superbe et technicien hors-pair reconnu, les dirigeants de QSI ont pourtant immédiatement mis sa tête sur le billot en décembre 2012 à la suite d’une mauvaise passe en termes de résultats (défaites contre Rennes et contre Nice). La menace ne fut jamais vraiment démentie lorsque la presse s’est emparée de l’affaire. Là encore, mauvaise pioche. Les Qatariens avec Leonardo en tête sont passés pour d’impatients et capricieux actionnaires voulant virer un maestro comme un vulgaire loufiat qui aurait renversé la soupière sur la jaquette amidonnée de Monsieur.

Aujourd’hui, la direction du club joue les vierges incomprises à l’égard de celui qu’elle a pourtant traité comme un vulgaire sous-fifre surgi d’une obscure formation de CFA2 ! On se pince pour y croire lorsque Nasser al-Khelaïfi fait l’étonné embarrassé au micro de BeIN Sport et invoque l’année de contrat qu’Ancelotti doit encore honorer tout en sous-entendant qu’une parole donnée doit être respectée. Cette absence de cohérence managériale constitue un évident handicap d’image qui ne va pas vraiment redorer la crédibilité du club qui prétend tutoyer les grands du football.

Oubli total des racines parisiennes

Communiquer en Chine ne suffit pas à éviter les dérapages ailleurs !

Dans leur obsession de tout rafler sur le plan sportif et de positionner la marque « Paris » comme griffe de football de luxe dont le monde entier s’arrachera les maillots, les dirigeants de QSI ont également perdu de vue un élément essentiel : l’identité d’un club ne se décrète pas, elle se cultive. Or, dans ce domaine, les erreurs s’enchaînent également. Directeur général du PSG, Jean-Claude Blanc dit vouloir que (3) : « Le PSG doit être une marque mondiale comme le sont les Lakers de Los Angeles ou les Yankees de New York. Paris est un territoire « libre » qui n’a pas gagné beaucoup de titres mais il n’y a pas de raison qu’une ville comme Manchester génère davantage de revenus ». L’argument serait recevable si les dirigeants savaient intelligemment capitaliser sur l’héritage du club pour lui conférer l’envergure à laquelle ils aspirent.

Même si David Beckham a décuplé les ventes de maillot du PSG jusqu’au fin fond de la Chine, il ne faudrait pas oublier l’environnement immédiat. Si Barcelone est adulé dans le monde entier, c’est grâce à son assise intrinsèquement catalane avec des valeurs historiques et des immenses joueurs issus du giron du centre de formation. Que fait QSI à cet égard ? Il pond un nouveau logo certes très élégant mais qui occulte par exemple la date de naissance du club. Peut-on imaginer un jour Nike flanquer à la poubelle son fameux swoosh au motif qu’il fait vieux ?

De même, pourquoi faire si souvent cirer le banc à un joueur pur produit du club comme Mamadou Sakho alors que son talent (perfectible certes) l’autorise à fouler la pelouse plus souvent ? Sans ce creuset de légitimité patrimoniale, le PSG ne parviendra jamais à sublimer le rayonnement de sa réputation. Jean-Claude Blanc en est d’ailleurs conscient (4) : « Pour devenir un grand club d’Europe et dans le monde, il faut que nous soyons solides sur notre base : Paris et l’Ile-de-France. Et on a matière à progresser dans ces zones-là. On a encore du travail et on va essayer de déplacer le curseur dans le bon sens ».

Traiter les vrais problèmes et le faire savoir

Objectif majeur : éradiquer la violence des ultras où qu’elle soit

Affoler les petits Chinoises avec un vénérable « Becks » en costume classe est probablement sympa. Mais là n’est pas l’enjeu réputationnel majeur du PSG. Les récents débordements de la célébration du Trocadéro montrent que les dirigeants de QSI sont totalement décalés des réalités, tout focalisés qu’ils sont à faire fructifier leur « cash machine ». Or, espérer un retour sur investissement tangible et durable passe justement par la prise en compte des points sensibles. A commencer par poursuivre impitoyablement le nettoyage des groupes ultras.

S’ils sont officiellement dissouts et interdits de stade, ils n’en continuent pas moins à kidnapper, souiller l’image du club lors des déplacements et s’amuser de l’écho médiatique qu’ils obtiennent à chaque frasque violente. Pourtant, c’est une bien timide communication qui a surgi de la bouche des dirigeants à l’issue des inacceptables scènes de violence urbaine à Paris. Avec de pâles arguments comme celui de se poser en victime et de se réfugier derrière l’approbation technique de l’événement du Trocadéro par la préfecture de Police (même si celle-ci est loin d’être d’exempte de reproches !). Conséquence dans l’opinion publique et même chez les fans modérés : le PSG est un club assimilé à une horde de supporters trépanés agressifs et casseurs.

Pourtant, il existait des solutions simples pour se dissocier de ces abrutis encagoulés et resserrer les liens avec la population. Au lendemain des destructions, les dirigeants auraient par exemple pu se rendre sur le terrain, rencontrer les vraies victimes des dégâts commis, annoncer la constitution d’un fonds de dédommagement tout en poursuivant judiciairement les fauteurs de trouble. Cela enverrait un signe autrement plus probant que la citation de Nasser al-Khelaïfi (5) : « Ce qui s’est passé est une honte. Nous en sommes victimes. Ce qui est arrivé est un désastre. Même David Beckham m’a dit qu’il n’avait jamais vu ça ». Si David le dit !

Changement d’attitude s’il vous plaît !

Pour la saison 14/15, merci d’éviter des maillots ignobles !

L’auteur de ces lignes que je suis, est un fervent supporter du PSG depuis 1976. Je suis donc le premier atterré par la posture cavalière et excessivement marketing que les dirigeants impulsent au club de mon cœur. Comme si ce n’était qu’un joujou de gosse caractériel qui oublie l’essentiel. Paris Saint-Germain n’a pas été parfait, loin de là et a encore beaucoup à accomplir pour espérer susciter un jour autant de passion positive autour de ses exploits et de son image.

Il n’est certes pas coupable de tout (n’oublions jamais l’indécrottable PSG bashing que le reste de la France adore pratiquer) mais il se doit d’être exemplaire à l’égard de ceux qui ont su lui apporter des succès (j’ai nommé Carlo Ancelotti notamment), de ses adversaires quels qu’ils soient (le match de Coupe de France contre Evian était intolérable), de son écosystème régional (les petits clubs du bassin parisien, les partenaires institutionnels et économiques) et des médias (bien que d’aucuns ne soient pas les derniers à touiller les remugles racoleurs d’audience à peu de frais).

Allez, un dernier petit conseil pour les dirigeants de QSI ! Et si l’an prochain, vous sollicitiez les fans pour créer la nouvelle tunique que les joueurs revêtiront pendant les compétitions. A l’heure des réseaux sociaux et de la co-création, cela aurait le mérite de resserrer les liens et éviter d’accoucher de l’ignoble chiffon bariolé qu’est le maillot de la saison 2014/2015. Que je n’achèterai pas !

Sources

(1) – Christophe Bérard – « Nous avons une équipe plus faite pour l’Europe » – Le Parisien – 3 mars 2013
(2) – Christophe Larcher – « L’image du PSG se détériore » – L’Equipe Magazine – 23 février 2013
(3) – Rémi Dupré & Bruno Lesprit – « La métamorphose du PSG » – Le Monde – 4 mai 2013
(4) – Christophe Larcher – « L’image du PSG se détériore » – L’Equipe Magazine – 23 février 2013
(5) – Rémi Dupré – « Paris gâchés pour le PSG » – Le Monde – 18 mai 2013

http://www.youtube.com/watch?v=Omtfl-SC3m4 http://www.beinsport.fr/news/article/nlzuevah1msh1e9wsqiit097v/title/depart-dancelotti–interview-exclusive-de-nasser-al-khelaifi



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