Bus de l’Equipe de France : Pourquoi la communication « crash-test » d’Adidas a tout faux ?

Qu’a-t-il bien pu passer par la tête des concepteurs de la soirée démolition du bus des Bleus à la Coupe du Monde 2010 ? Sous prétexte d’exorciser les démons des grévistes de Knysna et conjurer le mauvais sort avant de s’envoler au Brésil, l’équipementier sportif Adidas a orchestré un show lunaire où la réplique du bus infâmant a été démantibulée avant d’être réduite en compression artistique pour le magasin de la marque sur les Champs Elysées.

S’il y a bien un point sur lequel tout le monde s’accorde, c’est que le traumatisme des joueurs grévistes de Knysna n’en finit pas de hanter la conscience collective du football français. Le 20 juin 2010 sous les yeux des caméras du monde entier, la sélection française avait refusé d’aller s’entraîner et s’était recluse dans le bus aux couleurs des Bleus. Ce piquet de grève vaudevillesque avait alors déclenché une tempête politico-médiatique sans précédent et achevé de consumer le peu de passion qui restait chez les supporters à l’égard de l’équipe de France. Quatre ans plus tard, le feuilleton maudit n’en finit pas de ressurgir au fil des interviews et des reportages sur le thème de « Et si ça recommençait ? ».

Adidas joue l’exorciste

Adidas - tweets AdidasMême si l’équipementier sportif Adidas n’est plus le fournisseur officiel des maillots des Bleus depuis 2010, la marque aux trois bandes n’en demeure pas moins très investie dans le ballon rond français. A l’aube de voir les 23 sélectionnés de Didier Deschamps s’envoler pour la Coupe du Monde au Brésil, Adidas entend fermement être de la partie en se revendiquant pleinement derrière l’équipe nationale. Sans doute faut-il y voir aussi un petit tacle vicieux envers leur éternel concurrent Nike qui a raflé depuis le contrat avec l’équipe de France et qui disposera de plus d’équipes en lice au Brésil que la marque allemande (10 au total contre 9).

Toujours est-il qu’Adidas s’est donc piqué de jouer les exorcistes dans le cadre de leur nouvelle campagne marketing « All in or Nothing » (signifiant littéralement « tout ou rien »). Avec au menu, le découpage puis le concassage du bus indigne qui avait transporté les « révoltés » de Knysna, le tout devant un parterre de 400 invités. Particulièrement fier de son coup de com’ qui a fait jaser, Guillaume de Montplanet, directeur de la marque Adidas en France, explique la démarche (1) : « Nous avons voulu faire ressentir à nos invités, dans leur chair, avec leurs émotions, ce que signifiait ce slogan, en détruisant symboliquement ce bus de Knysna qui est depuis quatre ans le boulet du football français. L’idée, c’était de libérer notre football avant la Coupe du monde, pour qu’il soit définitivement « All In ». Nous étions d’autant plus légitime pour refermer cette parenthèse néfaste que notre marque était encore partenaire des Bleus à Knysna et qu’elle reste la préférée des Français

Du symbole au ratage, il n’y a qu’un pas

En termes de retombées presse, Guillaume de Montplanet peut effectivement se frotter les mains. Son crash-test scénographique a suscité de nombreux articles plutôt étonnés d’assister à cette initiative peu banale de vandalisme programmé. La marque a fait le buzz et est ainsi parvenu à recoller à la culotte de son rival Nike qui cartonne actuellement sur les écrans TV et les médias sociaux avec sa rafraîchissante et ludique vidéo « Winner stays ». Avec néanmoins des réactions mitigées sur les réseaux sociaux où les internautes n’ont globalement guère goûté le truc du joujou cassé. Nombreux sont ceux qui se sont offusqués de voir Adidas débourser des dizaines de milliers d’euros pour simplement réduire en bouillie une réplique de bus alors que l’argent aurait été mieux employé en soutenant des petits clubs de football sans gros moyens, voire en faisant don du bus en question à une association comme ont persiflé certains twittos agacés.

Adidas - tweet

Une symbolique ratée qui rappelle surtout les accidents de la route

Une symbolique ratée qui rappelle surtout les accidents de la route

Ensuite, si comme proclamé par Adidas, l’objectif était de tourner la page de la faillite peu glorieuse de l’Afrique du Sud en 2010, c’est pour le moins un échec. En excitant la curiosité médiatique, la marque n’a fait que remettre sur le devant de la scène, un triste épisode dont la cicatrice footballistique peine encore à se refermer. Dans le genre « supporter inconditionnel », on a connu des manifestations de soutien plus inspirées et constructives qu’une destruction organisée et quelques frissons de VIP pour une pseudo-catharsis collective.

Enfin, au-delà de raviver les mauvais souvenirs à un moment où il faut se concentrer sur les défis sportifs présents, Adidas s’est fourvoyé dans une symbolique de pacotille anxiogène qui rappelle pour le coup, de sinistres images déjà vues dans les médias. La photo du bus tordu et cabossé dans tous les sens évoque en effet irrésistiblement les dramatiques accidents routiers qui surviennent malheureusement régulièrement et endeuillent des familles entières.

En termes d’image et d’associations de symboles, Adidas s’est égaré, obnubilé probablement par sa course-poursuite médiatique contre Nike. A trop vouloir refermer une parenthèse où son logo s’était retrouvé embarqué à ses dépens, la marque s’est surtout mise sur le banc des touches des opérations de communication à ne jamais revoir.

Sources

– (1) – Jean Le Bail – « Adidas, l’interview rêve ou cauchemar » – L’Equipe.fr – 27 mai 2014 h

A lire également

– Nicolas Vanderbiest – « Les 7 raisons pour lesquelles Adidas est à côté de la plaque » – Reputatio Lab – 27 mai 2014

 



7 commentaires sur “Bus de l’Equipe de France : Pourquoi la communication « crash-test » d’Adidas a tout faux ?

  1. Laurent Defois  - 

    Bonjour Olivier,
    La dernière phrase de mon précédent post « A mon sens, vous sacralisez la parole médiatique au détriment de votre propre réflexion. » était destinée à M. Icobi qui semble penser que parce qu’on en parle dans un blog ou ailleurs cela est l’unique façon de voir les choses. Il écrit que parce que vous en parlez, ils ont gagné. C’est faux, ce ne sont pas les médias qui font gagner qui que ce soit, c’est le jugement de chaque individu. En ça je crois qu’il sacralise la parole médiatique. Désolé de la confusion que j’ai induit.

  2. Laurent Defois  - 

    Pour ma part, je crois que la destruction, quel que soit le but, n’est jamais une image positive.
    Cher citoyen icobi, pour être informé, il faut bien que les blogs ou les médias en général parle des choses. A vous, à moi, d’analyser ce qui se dit et s’écrit et d’en tirer notre propre jugement. Adidas ne gagne pas parce que Olivier Cimelière en parle, Adidas gagne uniquement si votre jugement vous mène à penser que leur action est une bonne chose. A mon sens, vous sacralisez la parole médiatique au détriment de votre propre réflexion.

    1. Olivier Cimelière  - 

      En fait je ne sacralise rien du tout ! Je suis surtout lucide entre le poids prééminent de la parole médiatique et ma petite prise de parole individuelle. Je me doute bien qu’Adidas se fiche bien de mes réflexions comme de leurs premières chaussures à crampons mais qu’importe ! L’idée est passée et si jamais une marque souhaite s’en emparer pour considérer un problème sous un autre angle, cela sera déjà ça de gagné !

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