[Etude Wiztopic] : Quels usages les dircoms font-ils de Twitter ?

Longtemps cantonnés sur LinkedIn avec la plupart du temps un CV en ligne plutôt statique, les dircoms se sont progressivement aventurés sur d’autres terrains d’expression digitale comme des blogs, de la curation de contenus et surtout Twitter, agora consacrée de l’influence digitale qu’elle soit politique, médiatique ou activiste. En juin 2018, la start-up française Wiztopic (qui édite une plateforme de gestion et distribution de contenus pour communicants corporate et financier) a réalisé une étude pour cerner au plus près la façon dont Twitter s’est intégré dans les pratiques professionnelles des directeurs de la communication. Résumé des éléments clés à retenir.

Il n’y a pas si longtemps le directeur de la communication était avant tout celui qui endossait parfois le rôle étriqué de porte-parole (particulièrement en cas de crise ou de pic de tension médiatique) confinant presqu’au paratonnerre et/ou le fournisseur d’outils de communication pour les publics internes et externes de l’entreprise. Selon les secteurs d’activité et la maturité des cultures d’entreprise, la fonction est pas à pas montée en gamme avec la nécessité de déployer et d’animer une vrai vision stratégique de communication alignée sur les objectifs business au lieu d’être le pare-feu cosmétique qu’on délègue à la va-vite lorsque la prise de parole se fait trop aléatoire. Après avoir été seulement une poignée de pionniers sur Twitter, les dircoms ont acquis une autonomie grandissante dans leur expression publique où s’entrecroisent messages corporate et réflexions plus personnelles sur le métier ou sur des domaines de prédilection. Wiztopic a ausculté cette tendance et les différentes facettes qu’elle revêt.

Twitter : les dircoms sont dans la place mais jusqu’où ?

Pour comprendre les mutations à l’œuvre dans la manière dont les dircoms s’emparent de Twitter, Wiztopic a choisi d’étudier le panel de directeurs de la communication des entreprises issues de l’indice boursier SBF 120 (qui associe des cours de 40 actions du CAC 40 et de 80 valeurs des premier et second marchés les plus liquides cotés à Paris parmi les 200 premières capitalisations boursières françaises – définition Wikipedia). Même s’il n’englobe pas des dircoms évoluant dans des ETI et des filiales françaises de grands groupes internationaux, le panel n’en est pas moins intéressant. En effet, nombre de ses entreprises listées dans le SBF 120 ont toutes à plus ou moins grande amplitude et récurrence, des problématiques de réputation, d’image et d’impact médiatique à relever.

En s’impliquant personnellement sur Twitter, les dircoms concourent certes à appuyer le discours de leurs sociétés mais ils doivent aussi prendre en compte de nouveaux impératifs. Jusqu’où parler sans que les propos puissent constituer un handicap potentiel ? Pas facile en effet de décliner une ligne éditoriale avec suffisamment d’aspérités pour qu’elle soit attractive tout en évitant l’aseptisé ou l’incisif trop prononcé. A titre de témoignage personnel, je me suis très vite heurté à cette quadrature du cercle lors que j’ai ouvert mon compte Twitter en 2009 puis dans la foulée, ce présent blog. A l’époque, j’étais directeur de la communication d’un grand équipementier suédois des télécoms. Rapidement, s’est posée la question des limites qu’on s’impose et de celles qu’on s’autorise. Ces dernières n’étant pas toujours vues d’un œil bienveillant par certains dirigeants encore pétris de « contrôlite » aigue où pas une tête ne doit dépasser, ni se distinguer. Pourtant, ignorer Twitter (t d’autres réseaux sociaux) est presque à la lisière de l’erreur professionnelle pour un dircom. Ceci d’autant plus que les publics (salariés comme parties prenantes) y sont désormais actives à plus d’un titre. C’est ce qui fait dire à Jérôme Lascombe, président de Wiztopic (1) : « Twitter a-t-il sonné la fin du Dircom de « back-office pour en faire l’une des voix les plus audibles de l’entreprise ? »

Les dircoms répondent présent !

Côté chiffres, l’étude note une réelle augmentation de la présence des dircoms version digitale. Si ceux-ci étaient déjà à 89% sur Linkedin, ils sont désormais 62% à s’être ouvert un profil Twitter personnel. Certes, un tiers continue de se tenir à l’écart des réseaux sociaux mais avec le risque croissant de se couper de la compréhension de la culture digitale qui gouverne aujourd’hui les mécanismes d’influence et de réputation. Interrogé par Wiztopic, Denis Marquet, directeur de la communication du Crédit Agricole, est sans ambages (2) : « Être présent sur Twitter est devenu un impératif pour un communicant. La proximité offerte par Twitter et plus généralement par les réseaux sociaux est clé pour qui gère l’image de marque d’une entreprise. Twitter me permet surtout de prendre la température, de mesurer la viralité ou l’intérêt suscités par certains sujets. Il me permet évidemment de délivrer rapidement de l’information et de pouvoir répondre efficacement. »

Néanmoins, être présent est une chose. Mais les dircoms sont-ils vraiment actifs ou juste là en qualité d’observateur passif ? Là aussi, l’étude met en avant un résultat plutôt satisfaisant : la majorité compte en moyenne 1660 tweets émis. Une petite catégorie est ultra-impliquée et tourne plutôt à une cadence de 15 000 tweets postés. En revanche, sur les 62% de dircoms avec un profil Twitter, 20% ont laissé ce dernier en jachère en étant soit totalement inactifs, soit de manière très irrégulières. Autre point à souligner : activité ne signifie pas forcément pertinence. Mais là aussi, les dircoms enregistrent plutôt de bonnes performances. La plupart d’entre eux agrège une communauté d’environ 1000 twittos. Les plus attractifs peuvent même multiplier par 10 et plus leur taille de leur communauté comme par exemple Stéphane Fort (dircom de Dassault Aviation – 12000 abonnés), Béatrice Mandine (dircom et marque d’Orange – 11 500 abonnés) ou encore Maylis Carçabal (dircom et marques de TF1 – 8700 abonnés). Et le palmarès n’est pas exhaustif ! Au final, l’étude remarque que les dircoms ont globalement investi Twitter en 3 vagues successives : avant 2009 puis avant 2013 et plus récemment pour les récents convertis.

Une gestion personnelle du profil Twitter

Source : Franckconfino.net

A la différence de certains grands dirigeants économiques, de personnalités politiques et de stars du monde artistique et sportif, très rares sont les dircoms à déléguer la gestion de leur compte. A quelques exceptions près, ils tiennent toutes et tous à être leur propre community manager de leur profil. A nouveau, cela constitue une bonne nouvelle. Le dircom n’est pas sur Twitter pour faire joli dans sa vitrine « Personal Branding » (même si une présence digitale y contribue de toute évidence) mais pour s’imprégner, diffuser et au final être apte à saisir les codes et les comportements parfois déroutants des communautés en ligne. Directeur de la communication d’EDF, Julien Villeret s’est ainsi fixé ce cap (3) : « Je tiens un planning de posts à la fois sur des sujets personnels et d’entreprise, même si je tweete aussi de manière spontanée. Je m’oblige à tweeter avec régularité, si possible au moins une fois par jour. ». Et d’ajouter avec conviction (4) : « Twitter peut permettre de faire passer une parole décalée, directe, réactive que ne permettent pas toujours les autres canaux. Via Twitter, le Dircom n’est plus effacé, n’organise plus dans l’ombre et devient porte-parole de l’entreprise. »

Toutefois, la question de l’expression personnelle demeure très mesurée. 60% des dircoms affichent leur titre et le nom de leur entreprise dans leur bio Twitter. De même, ils sont 73% à retweeter fidèlement les messages émis par les comptes corporate. D’aucuns s’autorisent un peu plus de largesse en partageant également des articles de presse qu’ils jugent intéressant, en publiant des photos d’événements auxquels ils participent ou en défendant des causes environnementales et sociétales mais qui sont très fréquemment des domaines où leur entreprise est elle-même engagée. En revanche, l’expression de commentaires plus personnels sur un fait d’actualité, le partage de blagues ou de passions personnelles (le cinéma, le football, etc) est nettement plus rare. Le seul sujet qui fait peut-être exception est celui du métier de communicant où quelques-uns n’hésitent pas à monter au créneau pour battre en brèche des clichés et/ou promouvoir une communication plus moderne. A leur décharge (et pour l’avoir personnellement vécu), cette dualité entre le pro et le perso (dans l’acception « expression publique d’opinions ») relève souvent du fil de funambule où il n’est pas toujours aisé de placer le curseur entre l’excessif « voix de son maître » (qui ne fonctionne plus auprès des publics) et le tonitruant « bon mot » (qui peut entraîner des ricochets pour l’image de l’entreprise).

Néanmoins, la bonne focale se situe probablement dans les mots de Julien Villeret (4) : « N’ayez pas peur : ce n’est pas du tout un environnement risqué. On disait à une époque « coupure de presse n’est pas mortelle », et aujourd’hui le moindre dérapage ou mauvais commentaire n’est pas mortel. On est dans un monde extrêmement fluide et dynamique, l’important est la régularité. ». Sans toutefois perdre de vue qu’un propos tenu à un instant T, peut tout à fait ressurgir quelques années plus tard pour diverses raisons et prendre alors une coloration différente au regard du nouveau contexte. En tout cas, l’étude Wiztopic rassure sur un point. Les dircoms (et pas des moindres) sont plus impliqués dans la conversation digitale. Reste à évangéliser les récurrents points de blocage qui persistent à penser selon les paradigmes désuets de la com « ceinture et bretelles » ou de la com « carte postale » !

Sources

– (1) – Etude Wiztopic – « Comment les dircoms utilisent-ils Twitter ? » – 26 juin 2018
– (2) – Ibid.
– (3) – Ibid.
– (4) – Ibid.

En savoir plus

– Lire l’infographie récapitulative de l’étude Wiztopic (voir ci-dessous)
Télécharger l’intégralité du document



Un commentaire sur “[Etude Wiztopic] : Quels usages les dircoms font-ils de Twitter ?

  1. Lucas  - 

    Excellent article et chiffres très intéressants, d’autant plus sous forme d’infographie qui permet de se faire ses conclusions rapidement.

    En effet, il est peu probable que les Directeurs de Communication utilisent Twitter dans une démarche de Personal Branding mais ça arrive dans certains cas 😉

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