Gestion de réputation : L’étrange stratégie d’Arnaud Lagardère

L’information a rapidement fuité sur les réseaux sociaux ce week-end : Arnaud Lagardère a racheté les droits d’un reportage de la RTBF diffusé en novembre 2012 intitulé « La Belle, le Milliardaire et la Discrète ». A l’époque, le documentaire avait suscité moult moqueries et sarcasmes tant le PDG du groupe éponyme y apparaissait comme un adolescent un peu benêt, apostrophé de surcroît par une belle-mère sans complexes au sujet de l’entrejambe moulé du pantalon de « Nono » !

L’affaire avait fait jaser sur Internet où les passages les plus croquignolets ont essaimé à vitesse éclair sur You Tube atteignant rapidement les millions de vues dans le monde entier. Il fallait bien avouer que la chose était énorme et pas vraiment banale. PDG d’un groupe mondial de plus de 27 000 salariés brassant des milliards d’euros de chiffre d’affaires dans les médias (et dans l’aéronautique encore tout récemment), le fringant quinquagénaire était devenu sous les caméras de la télévision belge, un amoureux transi plus proche d’un Justin Bieber de pacotille que d’un tombeur à la George Clooney.

Une image brouillée

La vidéo de la RTBF fut ensuite qualifiée d'erreur par le couple

La vidéo de la RTBF fut ensuite qualifiée d’erreur par le couple

Au-delà d’une opinion publique qui s’esclaffait joyeusement de voir un des plus puissants patrons français transformé en primesautier soupirant version « Hélène et les garçons », les actionnaires et les salariés ont largement grincé des dents à tel point que d’aucuns qualifient la saillie de l’héritier Lagardère de « suicide médiatique ». L’embardée n’était effectivement pas du meilleur goût. Dans les conseils d’administration, les discussions d’affaires et les rencontres avec les dirigeants de ce monde, l’image et la crédibilité d’Arnaud Lagardère en ont pris un sacré coup. Petit actionnaire du groupe Lagardère, le raider franco-américain Guy Wyser-Pratte ne s’était guère privé de mettre le doigt sur ce faux-pas pour tenter de déstabiliser le PDG.

Depuis cette avanie publique, le couple a instauré un peu plus de discrétion dans ses épanchements médiatiques comme cette discrète union civile en mai 2013. Il n’empêche que la grossesse de Jade et la naissance du bébé ont quand même été l’occasion de certains papiers glamour complaisants dans les magazines « people ». On ne se refait pas ! Sans parler des tweets que répand régulièrement la jeune femme pour témoigner du bonheur de leur union. Reste qu’au final, l’image du tandem amoureux est tout de même sous contrôle plus étroit.

Bloquer le film, une solution ?

Le rachat des droits du reportage ayant tellement fait couler d’encre s’inscrit-il par conséquent dans cette reprise en main communicante ? C’est fort probable. D’ailleurs, la vidéo en question est désormais inaccessible sur le site de la RTBF et sur des sites officiels l’ayant reprise. Pour autant, est-ce une démarche pertinente ? On est en droit de se poser la question.
Sitôt éventée l’annonce de l’acquisition des droits du documentaire pour la France, les médias n’ont guère tardé à relayer l’information. De même, sur les réseaux sociaux, la nouvelle a abondamment circulé. Résultat : ce fut à chaque fois l’opportunité de braquer à nouveau un coup de projecteur sur cet épisode peu glorieux du couple Jade et Arnaud. Certains sites en ont profité pour remettre en ligne le « making of » du documentaire qui n’est guère plus valorisant que le reportage diffusé par la RTBF. Et qu’on trouve encore facilement sur le Web !

Autant assumer plutôt qu'essayer d'effacer les traces numériques

Autant assumer plutôt qu’essayer d’effacer les traces numériques

Si l’objectif était d’assurer une discrète étanchéité pour enterrer une casserole médiatique, c’est clairement raté. C’est également très surprenant qu’un patron comme Arnaud Lagardère dont une grosse partie de son business repose sur l’édition et la communication digitale, ait perdu de vue le fait que les extraits les plus emblématiques de l’émission belge sont gravés à vie sur le Web. Quand bien même un nettoyage du Web a été ou serait commandité par le PDG pour faire la chasse aux images indélicates, celles-ci resurgiront immanquablement et souvent même proportionnellement aux efforts déployés par ceux qui voudraient occulter cette séquence kitsch.

C’est un fait. La réputation d’une personnalité publique est désormais étroitement façonnée par les traces qu’en garde et régurgite le Web. Ce n’est donc pas en empêchant la diffusion du reportage sur une chaîne de télévision française que l’image d’Arnaud Lagardère s’en trouvera améliorée. D’autant plus que les droits acquis ne semblent concerner que la France. Imaginons qu’un pays francophone décide de s’emparer à son tour de l’objet, la ruée n’en sera que plus forte pour revoir ce « replay » cultissime. Dans ces cas précis, autant prendre du recul et assumer, quitte à tourner soi-même en dérision par la suite ce moment d’égarement ! Après tout, même les hauts dirigeants sont humains non ?

Lire également sur ce thème, le billet du Blog du Communicant publié le 14 juin 2013 : « E-Réputation & Dirigeants : faut-il être parano ou s’engager ? »

 



2 commentaires sur “Gestion de réputation : L’étrange stratégie d’Arnaud Lagardère

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