Pourquoi le bad buzz Bonduelle n’a-t-il pas fait recette médiatiquement ?

A deux reprises en mai 2015, la marque de conserves et de surgelés Bonduelle s’est retrouvé sous le feu d’une polémique relative à la présence d’additifs alimentaires à base de viande dans certaines références de légumes. En dépit de l’activisme de la communauté végétarienne et végétalienne et quelques alliés de circonstance, l’affaire est rapidement sortie des radars médiatiques. Quels enseignements stratégiques en tirer pour la communication en situation de crise ?

En dévoilant le 8 mai dernier que des légumes estampillés Bonduelle contenaient pour certains d’entre eux des arômes d’origine animale, Vegemag, un site d’informations pour adeptes du végétal pour seule alimentation, pensait sûrement qu’il détenait là une petite bombe médiatique. Ceci d’autant plus que les industriels de l’agroalimentaire sont régulièrement pointés du doigt pour la tambouille nutritive souvent décriée qu’ils concoctent dans leurs usines. Pourtant, même si l’histoire présentait tous les atours d’une crise à fragmentation dangereuse pour la marque incriminée, le dossier n’a pas rencontré au final l’écho espéré. Pourquoi ?

Dialogue et actes alignés

Bonduelle - gant bleuA la différence de nombreuses entreprises mises en cause par des parties prenantes qui se braquent, Bonduelle a d’emblée joué la carte de l’écoute et du dialogue. Devant les révélations faites par Vegemag puis largement relayées par Al Kanz, un autre site influent en matière de consommation alimentaire, l’industriel n’a pas esquivé le débat, ni fui les explications. Il a au contraire aussitôt pris la mesure du problème soulevé en confirmant que certains produits de la gamme Bonduelle contenaient effectivement des ingrédients d’origine animale. Il est ensuite passé aux actes en annonçant publiquement qu’il allait modifier et préciser les informations consommateur sur les emballages et les fiches Web des produits concernés.

Un mouvement stratégique payant puisque malgré une mobilisation virale des militants végétariens sur les réseaux sociaux, l’amplitude médiatique du sujet est demeurée confinée aux premiers cercles des personnes directement impliquées, à savoir la communauté végétarienne, végétalienne et véganiste ainsi que des croyants juifs et musulmans appliquant les préceptes alimentaires de leur religion comme la prohibition de la viande de porc. Néanmoins, conscient que Bonduelle avait remporté la première séquence de communication, le site Vegemag a alors tenté une deuxième salve d’attaques en suspectant à son tour une autre marque du groupe Bonduelle, en l’occurrence Cassegrain. Et le site Al Kanz d’embrayer dans la foulée en ajoutant que Bonduelle était par ailleurs un fournisseur de conserves et de surgelés pour de grandes enseignes de la distribution. En vain.

Un rebond sans effets

Bonduelle - Article le ParisienLe rebond médiatique est intervenu sept jours plus tard par le truchement d’un article publié dans le quotidien Le Parisien. Probablement à l’affût d’une bonne information repérée sur les médias sociaux (c’est la même rédactrice qui avait raconté les malheurs d’un blogueur français fan de la marque Ikea), la journaliste Bérangère Lepetit revient en détails sur l’affaire Bonduelle dévoilée une semaine plus tôt par Vegemag.

Cette fois, l’élément déclencheur de la crise est sans commune mesure. S’il est en effet une source journalistique que les rédactions s’arrachent pour établir leur propre calendrier de reportages, c’est bien Le Parisien qui inspire et nourrit en permanence les gros titres des journaux radio et télévisés. A cela, s’ajoute le week-end de l’Ascension où l’actualité est traditionnellement molle et vous obtenez alors une équation médiatique propice à la crise. Laquelle se vérifie quelques heures plus tard avec notamment le JT de 13 heures de France 2 et celui de M6 qui ouvrent d’emblée sur le sujet. L’impact de la couverture médiatique est immédiat et le volume de tweets consacrés à l’affaire atteint très vite des sommets de l’ordre du triple du nombre de tweets observé huit jours auparavant.

En dépit de ce rebond nettement plus impactant, la marque Bonduelle demeure fidèle à sa posture première. Elle continue de répondre inlassablement aux sollicitations médiatiques et aux injonctions des consommateurs sur les médias sociaux et livre ses arguments. L’entreprise remporte alors nettement cette seconde séquence crisique puisque dès le lendemain, l’ampleur des conversations sur Twitter à propos de Bonduelle retombe spectaculairement selon la plateforme de veille Visibrain. Quant aux médias, ceux-ci passent totalement à autre chose et la marque sort pour de bon des eaux troubles de la crise.

Bonduelle - Visibrain monthly timeline

Un contexte peu propice

Bonduelle - conserveL’attitude opérée par Bonduelle est indéniablement la clé de cette communication de crise réussie. La marque a d’abord su clairement faire comprendre que la présence d’additifs d’origine animale ne relevait en rien de l’illégalité. Même si la combinaison alimentaire peut légitimement surprendre pour des produits vendus comme légumes avec toute l’imagerie marketing qui convient, elle n’est cependant empreinte d’aucune tricherie à l’inverse de la viande de cheval introduite subrepticement à la place du bœuf dans quantités de plats industriels préparés.

Ensuite, l’affaire a surtout concerné des communautés minoritaires, avec des adeptes du végétarisme – végétalisme d’une part et des pratiquants religieux d’autre part. Le potentiel d’identification de la part d’un public plus vaste s’en trouvait donc de fait plus restreint. A la différence encore une fois de l’affaire de la viande de cheval qui touchait proportionnellement nettement plus de monde et qui déclencha un émoi médiatique considérable d’autant plus que les auteurs du délit n’ont guère brillé par une communication proactive. Dans le cas des légumes incluant des ingrédients d’origine animale, Bonduelle a aussitôt déminé la crise par une attitude ouverte en communiquant auprès de toutes les parties prenantes. Le grand public a par conséquent eu le sentiment que la marque faisait acte de responsabilité et les médias n’ont alors pas choisi de poursuivre un dossier manifestement circonscrit à une population spécifique. Sauf à avoir de nouvelles révélations argumentées et touchant un public plus large, Bonduelle peut s’estimer sorti d’affaire.



Un commentaire sur “Pourquoi le bad buzz Bonduelle n’a-t-il pas fait recette médiatiquement ?

  1. Natasha  - 

    Et si la viande contenue dans les légumes était du cheval ou du chat plutôt que du bœuf ou du porc, les médias se seraient-ils davantage intéressés à l’affaire ? Moi que la consommation de TOUTE viande animale choque profondément, je ne peux m’empêcher de me poser cette question. Une chose est certaine, Bonduelle a peut-être sauvegardé le gros de ses consommateurs, mais ils ont perdu les communautés végétariennes et véganes car bien que cet ajout soit légal, il n’est pas éthique. Quels autres ingrédients cachent-ils ?

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