[Webinaire Wiztopic & Saper Vedere] – Comprendre et se préparer aux nouveaux risques réputationnels

Cyber-rançons, faux-nez digitaux, manipulations de contenus, effet de masse fictif, etc. A mesure que les technologies numériques progressent, de nouveaux risques réputationnels émergent et menacent marques, organisations et personnalités publiques. Face à ces enjeux que les communicants cernent plus ou moins aisément, Nicolas Vanderbiest, directeur des opérations de Saper Vedere et Raphaël Labbé, CEO de Wiztopic ont animé un webinaire ce 15 février qui se propose de poser le contexte et de mieux appréhender les nouveaux dangers digitaux qui guettent entreprises et institutions. Synthèse de l’état des lieux.

En matière de réputation, tout a basculé le jour où l’écosystème informationnel qui prévalait jusqu’alors, a volé en éclats. Ce qui était jusqu’à présent un classique jeu de billard réputationnel à trois ou quatre bandes associant des grands acteurs, des parties prenantes et des médias comme principaux intermédiaires, est devenu un véritable mouvement brownien où quiconque maîtrisant a minima la pratique d’un réseau social, peut alors se transformer en émetteur de contenus. Pour le meilleur et pour le pire.

Pour Nicolas Vanderbiest, cette disruption informationnelle est le berceau originel de toutes les menaces réputationnelles qui se font jour au fur et à mesure des avancées technologiques et de l’accessibilité croissante des outils de production pour le commun des mortels et surtout les plus radicalisés qui disposent là de chambres d’écho particulièrement puissantes. Cette technologie est d’autant plus impactante, fait remarquer Raphaël Labbé, qu’elle se trouve facilement sur Internet comme les kits d’IA (Intelligence Artificielle) sur étagère qui servent à altérer des images ou encore les réseaux virtuels privés (VPN) qui permettent d’anonymiser plus fortement les auteurs d’attaques réputationnelles.

Attention, champ de mines numériques !

Quiconque évolue sur le Web laisse des traces numériques, particulièrement lorsqu’il s’y exprime et publie des contenus. Or, et c’est un grand paradoxe numérique, même si un contenu peut passer inaperçu ou pertinent à l’instant où il est mis en ligne, le même objet reste en ligne et peut alors se transformer en chausse-trappe réputationnelle des mois ou des années plus tard avec un contexte ayant évolué entretemps et une perception potentiellement modifiée. Nicolas Vanderbiest cite à cet effet l’anecdote vécue par l’enseigne de restauration rapide belge, Quick. En 2011, celle-ci célèbre ses 40 ans d’existence. Pour marquer le coup, elle lance une promotion sur Internet où son tout premier burger est proposé au prix équivalent à celui de 1971. Problème : des années plus tard, des internautes continuent de réclamer cette offre alors qu’elle est terminée depuis longtemps. L’impact réputationnel est certes faible mais ce décalage temporel qu’induit l’empreinte numérique, peut s’avérer dans certains cas nettement plus embarrassant.

Outre les traces digitales qui subsistent, un autre facteur influe dans la lecture et la perception des messages échangés en ligne. Aujourd’hui, tout est capté. Aucun événement n’échappe aux objectifs des smartphones. Photos et/ou vidéos se retrouvent instantanément en ligne et selon le cadrage effectué et/ou la séquence temporelle choisie, un événement peut prendre diverses colorations. Les forces de l’ordre ont eu à cet égard fort à faire lors des manifestations des Gilets Jaunes en se retrouvant mis en cause par des clichés ou des vidéos montrant des scènes que les médias n’avaient pas vues ou relayées.

Cette multiplicité de focales de lecture complexifie dès lors grandement la portée des messages qu’un acteur de premier plan peut vouloir diffuser pour protéger sa réputation. Chaque groupe ou communauté peut se livrer à des réinterprétations en fonction de ses convictions propres et ses objectifs intrinsèques et démultiplier ainsi à l’envi, les terrains de combat comme le montre ci-dessous ce schéma à propos de l’usage du glyphosate dans l’agriculture. Cette méta-information est pourtant dorénavant récurrente lors de grosses crises réputationnelles où plusieurs dimensions se superposent et s’entrechoquent.

Le dopage numérique se porte bien

En plus de cette diffraction réputationnelle qui peut mettre à mal les marques et les organisations, s’ajoute la capacité d’amplification accrue d’une crise en ligne. Outre la viralité de certains contenus qui attisent en priorité les émotions et les instincts provoquant ainsi des réactions en chaîne parmi les communautés en ligne, d’autres usages continuent de perdurer lorsqu’il s’agit de faire grossir une controverse et de donner l’impression que celle-ci est devenue proéminente. L’achat de likes, de faux profils ou de vus demeure une pratique constante où chacun peut s’offrir pour des sommes modiques des packs pour doper artificiellement sa présence en ligne et s’arroger une influence apocryphe.

De même, la vogue des « social bots » se porte comme un charme. Ces faux comptes censés être des utilisateurs sont aujourd’hui à la portée du plus grand nombre. Paramétrés pour interagir avec d’autres comptes sur un sujet donné ou pour recueillir des données (voire les fausser en faisant par exemple monter artificiellement un thème dans les « trending topics » de Twitter), ces faux-nez numériques procurent une sensation d’effet de masse qui peut ensuite biaiser les perceptions. Les activistes politiques et idéologiques sont particulièrement férus de cette technique.

Quand la marque est prise à partie

L’autre danger qui guette les marques et les organisations est moins immédiatement palpable mais tout autant mortifère pour la réputation. Il est en effet de plus en plus fréquent que ces dernières se retrouvent plongées dans des débats et des polémiques qui ne les concernent pas au premier chef mais dans lesquels, elles se retrouvent citées à leur corps défendant et obligées de se positionner face aux différentes conversations.

Un exemple symptomatique de cette aspiration malgré soi est le cas de la blogueuse et vidéaste féministe Buffy Mars. En 2017, elle publie un SMS dragueur qu’un technicien d’Orange lui a envoyé après une intervention technique chez elle. La jeune femme s’agace ouvertement de ce qu’elle considère comme un harcèlement et prévient l’opérateur télécoms. S’ensuit alors un tourbillon de polémiques sur les réseaux sociaux où certains demandent à Orange de licencier le technicien sur le champ tandis que d’autres appellent à faire preuve de mansuétude et à calmer le jeu. Pour la marque prise entre deux feux, le risque est alors de forcément déplaire à l’une ou l’autre des communautés engagées dans cette histoire et d’éventuellement engendrer une seconde crise !

Les communiqués de presse à l’heure de la contrefaçon

A ces menaces systémiques, Raphaël Labbé observe la nette recrudescence d’une pratique qui a désormais le vent en poupe : le faux communiqué de presse en ligne. A cet égard, il note qu’il en existe 10 fois plus sur les cinq dernières années écoulées. En 2016, cette technique manipulatoire avait eu son « heure de gloire » avec un faux communiqué financier émis par Vinci et repris par plusieurs grosses agences de presse dont Bloomberg qui sera la première à en faire l’écho et qui écopera d’une amende de 3 millions d’euros cinq ans plus tard. Or, l’idée a fait des émules et tend à survenir de plus en plus fréquemment.

Raphaël Labbé cite notamment le cas de Wal-Mart, victime d’un avatar identique en septembre 2021. Celle-ci annonçait avoir signé un partenariat avec la cryptomonnaie Litecoin qui permettrait ainsi à ses clients d’effectuer des paiements en Litecoin dans ses magasins en ligne. Cependant, ce communiqué n’a jamais été diffusé par Walmart. Cette « fake news », démentie dans la journée par Walmart, a provoqué une hausse rapide du cours de la cryptomonnaie d’environ 30%. Relayé par plusieurs médias, le cours du Litecoin est passé de 175 $ à 240 $ en seulement 15 minutes. Assez de temps pour que les hackers empochent la mise avant que la fausse information soit démentie.

Ce type d’attaque est généralement perpétrée par deux catégories d’acteurs selon Nicolas Vanderbiest. La première rassemble essentiellement des activistes animés par des visées politiques et sociétales pour endommager la réputation d’une organisation qu’ils jugent défaillante ou coupable sur un sujet donnée (lire à ce propos le récent billet du Blog du Communicant sur cet enjeu). La seconde catégorie est quant à elle motivée par l’appât du gain avant tout et attaque en priorité de gros acteurs industriels ou financiers. Dans les deux cas, la réputation se retrouve inéluctablement malmenée avec à la clé des crises de confiance à résoudre tant en interne qu’en externe.

Quand des agences organisent le « faux »

Il est en revanche, une dernière tendance particulièrement inquiétante : la professionnalisation des attaques informationnelles que des agences de « communication » proposent plus ou moins ouvertement à des clients soucieux de déstabiliser un concurrent, une proie financière, voire des régulateurs ou des politiques trop pointilleux. Raphaël Labbé a mentionné un long article documenté du site américain BuzzFeed qui indique notamment la hausse brutale de ce genre d’opération où un cabinet d’influence est à la manœuvre (voir graphique ci-dessous). Nicolas Vanderbiest a par ailleurs rappelé le cas de l’OPA sur le Club Med où deux cabinets français ont été fortement suspectés d’avoir œuvré pour le compte d’un des deux acteurs lorgnant sur l’entreprise française (lire le billet détaillé publié à l’époque par le Blog du Communicant).

Aussi lunaire et non-éthique qu’elle puisse paraître, cette tendance s’est pourtant confirmée l’an passé avec un cas notoire en mai 2021. Des influenceurs allemands et français avaient été alors approchés par un nébuleux cabinet de communication baptisé Fazze et soi-disant implanté à Londres. Objectif de l’offre : répandre des calomnies sur le vaccin anti-Covid de Pfizer à travers un obscur rapport scientifique que les médias « mainstream » refuseraient de traiter. L’opération a finalement fait pschitt grâce à la sagacité de certaines des personnes sollicitées mais elle illustre nettement les tentations délétères que d’aucuns sont prêts à suivre pour souiller ou détruire la réputation d’une marque ou d’une organisation en s’appuyant sur les technologies numériques. En 2022 et au-delà, l’agilité stratégique des communicants sur ces épineuses questions de réputation digitale va par conséquent devenir de plus en plus prégnante à mesure que les menaces se complexifient et que les impacts potentiels augmentent.

En savoir plus

– Le replay du webinaire (ainsi que la présentation ad hoc) sera très prochainement disponible sur les sites de Wiztopic (https://www.wiztopic.com/fr/webinaire/ ) et de Saper Vedere (https://www.saper-vedere.eu/category/etudes/ )



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