Zara : Un #fail 5 étoiles inexcusable et une communication zéro pointé

Zara vient de se faire étriller sur les réseaux sociaux et dans les médias. En cause : la mise en vente d’une marinière pour enfant au design évoquant le scabreux pyjama rayé des déportés juifs de la 2ème guerre mondiale. Devant l’émoi, la marque espagnole s’est juste contentée d’un retrait du produit et quelques piteux mots d’excuse. Analyse d’un ratage intégral en matière de communication de crise.

Très tôt dans la journée de mercredi 27 août, les commentaires indignés commencent à pleuvoir sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, la page officielle de la marque est prise d’assaut par des internautes scandalisés qui se défoulent sarcastiquement dans toutes les langues contre la dernière création enfantine de Zara : un étrange maillot rayé et orné d’une énorme étoile jaune. Sur Twitter et ailleurs, les tweets assassins et contempteurs essaiment pareillement pour jeter l’opprobre sur la marque de vêtement et lui enjoindre d’agir illico.

Réaction minimaliste et tardive

Zara - TweetsCe n’est qu’en milieu de matinée que Zara se décide enfin à sortir du bois. D’abord en annonçant procéder au retrait de l’article suscitant la polémique puis en diffusant un tweet d’excuse en plusieurs langues : « Nous sommes sincèrement désolés. Ce T-shirt était inspiré sur l’étoile des shérifs des westerns. L’article n’est plus à la vente ». En quelques 140 caractères laconiques, Zara estime ainsi avoir éteint l’incendie réputationnel. Sur Facebook en revanche, alors que la colère ne cesse d’enfler, Zara ne prend même pas la peine de communiquer, ni de poster un message s’excusant à nouveau. Pis, certains internautes se plaignent de voir leur prose censurée par la marque.

Aux médias qui tentent d’en savoir plus sur cet incroyable et pestilentiel ratage, Zara ne se montre guère plus loquace. La marque se contente de marteler, « la main sur le cœur », l’argument suivant (1) : « Nous ne voulons qu’aucun de nos produits ou design soit perçu comme étant irrespectueux ou offensant. Zara est une entreprise dans laquelle plus de 180 nationalités, cultures, origines et religions différentes, travaillent ensemble afin de représenter le monde moderne. (…) Le respect et la dignité sont des principes qui définissent et guident les valeurs véhiculées par notre entreprise ».

Le joker de l’excuse est déjà grillé

Zara - Sac svastikaAu-delà de cette brutale crise qui écorne durement son image de marque, Zara ne peut plus de surcroît dégainer le joker de circonstance en plaidant la simple erreur malencontreuse. En effet, la marque avait déjà eu à affronter une polémique similaire en 2007 lorsqu’une cliente anglaise s’était offusquée de voir une svastika (symbole indien qui visuellement peut être confondu avec la sinistre croix gammée des nazis) figurant parmi les motifs fantaisie d’un sac en vente dans le magasin.

A l’époque, la marque avait promptement réagi en évacuant illico des rayons l’objet décrié. Pour s’excuser et faire preuve de sa bonne foi, l’entreprise espagnole s’était même engagée auprès du Centre Simon Wiesenthal à mener des investigations pour comprendre la cause de cette boulette et même à apporter un soutien pour entretenir le travail de mémoire de l’ONG autour de l’Holocauste.

La pression médiatique était alors retombée assez rapidement sans que l’on sache au final la véritable raison de la présence de ce symbole ambivalent pour un public occidental.

Carton rouge

Zara - FacebookAvec ce deuxième raté, Zara ne peut plus se réfugier uniquement derrière le paravent de la maladresse d’autant plus que les médias ne se sont guère privés de rappeler l’avatar en date de 2007. La récidive avec la marinière rayée exige désormais que la marque se montre plus coopérative dans ses explications un peu courtes. Autant l’erreur pouvait apparaître admissible avec l’affaire du sac, autant la controverse du maillot réactive le débat de fond sur la responsabilité sociétale de l’entreprise. Comment cette dernière a-t-elle pu laisser commercialiser un tel vêtement dont le « design » suggère immanquablement l’uniforme honteux que les prisonniers juifs devaient porter dans les camps de concentration ?

La posture de communication de Zara est indigne et d’un professionnalisme lamentable. Non seulement, elle expédie les affaires courantes avec quelques vagues arguments d’empathie de bas étage en pensant atténuer la crise. Mais en plus, elle suscite de graves questions quant à la crédibilité de l’entreprise où semble-t-il des collections de vêtements saugrenus peuvent sortir des ateliers et garnir les boutiques sans que personne ne s’alarme. De plus, ce nouvelle référence à un symbole intrinsèque du nazisme et de l’antisémitisme jette cette fois un doute profond sur les valeurs qui sous-tendent l’entreprise. La direction de cette dernière serait-elle en fin de compte encline à cultiver des convictions nazies à l’instar du fondateur d’Ikea qui avait longtemps minoré cette facette ?

De l’accroc à la déchirure totale ?

A ce stade, l’entreprise serait sérieusement avisée de se montrer nettement plus proactive dans les jours ou les semaines à venir si elle ne souhaite pas que sa réputation soit entachée de façon indélébile par des soupçons de nazisme patent. Pour cela, il conviendrait qu’elle aille désormais au contact de ses publics en s’engageant fermement à enclencher une enquête interne confiée à un tiers et à restituer publiquement les conclusions de celle-ci. Cela aurait déjà le mérite de faire la lumière sur cette hallucinante et consternante répétition.

En fonction des éléments qui apparaîtraient, il s’agirait ensuite de prendre les mesures correctrices, voire les sanctions nécessaires et de faire acte de contrition auprès de la communauté juive en devenant par exemple un partenaire majeur d’institutions reconnues qui luttent contre l’antisémitisme. Pour le moment, le mutisme de Zara entretient une bien explosive duplicité qui pourrait conduire à des actions militantes dans les enseignes et/ou sur les magasins en ligne de la marque.

Sources

– (1) – Elodie Bousquet et Ulla Majoube – « Un t-shirt Zara affublé d’une étoile jaune retiré de la vente » – L’Express.fr – 27 août 2014



6 commentaires sur “Zara : Un #fail 5 étoiles inexcusable et une communication zéro pointé

  1. fultrix  - 

    Pour la swastika/svastika, je penche pour le recours imprudent à des stylistes indiens pour qui le symbole est heureux, ignorants à leur tour la connotation délétère en Europe. Je retiens la même analyse pour le pyjama.
    Ce n’est pas le tout de vouloir mondialiser la production industrielle, encore faut-il connaitre le monde dans lequel on disperse ses produits.
    Il y a quelques années, le phénomène touchait le monde automobile avec le choix du nom des modèles. Ainsi, la marque Mitsubishi a dû rebaptiser en urgence un véhicule tout terrain en Amérique du sud (Pajero et autres exemples http://www.advertisingtimes.fr/2012/09/les-25-plus-mauvaises-traductions.html ).

    Par ces observations, je ne cherche pas à minimiser l’indignation qu’il faut avoir, je souhaite juste re-situer dans le contexte et déplorer le manque de culture globale, l’esprit de curiosité et l’encadrement des équipes avec des collaborations multi-culturelles … or, plutôt que de pratiquer la mixité culturelle, les entreprises qui délocalisent recherche des salariés locaux à moindre coût et donc à connaissance minimaliste et tâcheronne.
    Nous touchons aux limites de la bêtise économique face à la culture.

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