Quelle reconquête d’image possible pour l’équipe de France de football ?

Plus que la défaite sur le terrain, c’est son image que le Onze tricolore a massacrée par des comportements déplacés qui ne peuvent que susciter le rejet de l’opinion publique, des médias et des sponsors. La réhabilitation concrète et ferme est urgente.

A l’éloquente expression « tomber de Charybde en Scylla » tirée de la mythologie grecque, il faudra désormais lui substituer un proverbe footballistique forgé par l’équipe de France de football : « tomber de Knysna en Kircha », respectivement lieux de villégiatures des Bleus pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud et pour l’Euro 2012 en Ukraine. Entre le pitoyable épisode gréviste du bus de Knysna et les inqualifiables invectives de la pelouse de Kircha, le Onze tricolore a achevé de brouiller son image et de piétiner son opération de rédemption amorcée sous l’ère de Laurent Blanc. Les « petits caïds » de 2010 ont passé le témoin aux « petites racailles » de 2012 et un peu plus cabossé la réputation du football français.

Les Bleus, maillon faible du sport français

Samir Nasri est le joueur qui s’est le plus « distingué » en matière de dérapages

C’est peu dire que les dérapages à répétition des Nasri, M’Vila, Ben Arfa et Menez ont engendré un divorce profond. L’opinion publique les conspue majoritairement. Les politiques ne loupent aucune occasion de réclamer le carton rouge pour les gamins gâtés de la sélection nationale. Les marques sponsors ne se bousculent plus pour s’associer à cette bande agitée. En termes de réputation et de perception, l’heure est effectivement grave. Gilles Dumas, de l’agence de marketing sportif SportLab, livre une analyse sans concession (1) : « Les Bleus restent le maillon faible du football français. Ils n’ont pas assimilé le fait qu’ils devaient être plus exemplaires que les joueurs des autres sélections ».

De fait, la nouvelle ministre du Sport et de la Jeunesse, Valérie Fourneyron, n’a pas hésité à enfoncer le clou le 25 juin sur le plateau de Canal + en appelant ouvertement à des sanctions (2) : « Je crois que le président de la Fédération et Laurent Blanc avaient essayé d’améliorer la situation après l’Afrique du Sud. Là, aujourd’hui, ils ont des responsabilités. Il y a des règlements au sein de la Fédération et s’il y a des attitudes qui doivent être sanctionnées, il faut le faire ». Autant dire que c’est un blanc-seing pour remettre de l’ordre dans la maison bleue.

C’est d’autant plus urgent que les autres sportifs hexagonaux ne se privent guère de vilipender leurs homologues du ballon rond. Le florilège des déclarations est symptomatique de l’agacement profond généré par les têtes brûlées de la formation de Laurent Blanc. Ainsi, le tennisman Julien Benneteau estime sans détours (3) : « Il y a clairement un manque d’éducation à la base et un manque flagrant de respect vis-à-vis de la hiérarchie, du maillot et de la presse. Niveau langage, c’est le niveau zéro : l’insulte est devenue monnaie courante ».

Toutes disciplines confondues, la vindicte est unanime. Directeur sportif d’une équipe cycliste, Marc Madiot n’est pas tendre (4) : « J’ai l’impression qu’ils s’intéressent plus à ce qui se passe dans leur club qu’à l’équipe de France. Dans un sport comme le mien, on ne supporterait pas la moitié de ce qu’on voit ou entend dans le foot ». Encore plus décapant est Mourad Benjelal, président du club de rugby de Toulon (5) : « Ce sont des enfants gâtés dont on a fait des stars qui se comportent comme des petites frappes de banlieue. Ca me coûte de dire çà mais il faudrait karchériser cette équipe de France ».

Une hiérarchie aux abonnés absents ?

Laurent Blanc fut quelque peu « indulgent » dans la polémique Nasri et presse

Autant une élimination sportive peut être admise et digérée si les joueurs ont tout donné, autant la déroute ukrainienne n’offre aucune circonstance atténuante pour le quarteron de joueurs particulièrement en cause. Insulte à l’arbitre pour Jérémy Menez, insultes répétées de Samir Nasri envers la presse, dédain arrogant de Yann M’Vila pour son entraîneur et son remplaçant sur le terrain, indiscipline frondeuse de Hatem Ben Arfa à l’égard du sélectionneur, n’en jetez plus ! La coupe est pleine et pour les footballeurs en herbe et leurs dévoués éducateurs, l’image est abominable.

Si les joueurs ci-nommés sont clairement impardonnables, leur hiérarchie sportive n’est pas exempte de reproche. Le président de la Fédération française de football (FFF) a souvent adopté une ligne débonnaire sitôt les premiers débordements connus. Laurent Blanc a refusé de fustiger Samir Nasri pour ses invectives avec les journalistes arguant qu’il s’agissait d’une affaire entre eux et son joueur. Drôle de conception du management qui engendre inéluctablement des effets délétères comme le pointe finement Christophe Lachnitt sur son blog Superception (6) : « La nouvelle pantalonnade de l’équipe de France au cours de l’Euro met en lumière la faillite managériale de son encadrement. Il ne s’agit pas pour moi d’exonérer les joueurs de leur écrasante responsabilité (…) Cependant, les dérives comportementales des joueurs ne peuvent exister que grâce à l’effarante apathie de ceux qui sont supposés les diriger ».

C’est là le cœur entier de la crise réputationnelle que traverse l’équipe de France de football. Tant que les dirigeants oscilleront entre fermeté de façade et empathie à mauvais escient au quotidien, les incartades de toute sorte continueront de proliférer, surtout face à des jeunes footballeurs talentueux, ivres de leur talent et de leur notoriété et dont les fondamentaux éducatifs ont bien souvent été absents ou foulés par un entourage pas toujours de bon conseil.

A situation intenable, réponse inflexible ?

Le carton rouge est-il la solution ?

Désormais, il s’agit de frapper vite, fort et sans état d’âme si l’on veut restaurer efficacement à moyen terme l’attractivité de l’équipe de France. Parmi les mesures immédiates qui ont déjà été évoquées, figure notamment l’idée d’abandon des primes normalement versées aux joueurs pour leur qualification en quarts de finale de l’Euro 2012. La décision serait forte et sans doute encore plus impactante si elle provient des joueurs eux-mêmes. Seul bémol à cette sanction symbolique : tous les joueurs n’ont pas démérité lors de la compétition.

Dès lors, les instances disciplinaires de la FFF pourraient priver seulement les joueurs clairement dans la ligne de mire et reverser l’argent au bénéfice du football amateur. Mais pour que le coup porte véritablement et dissuade durablement les jeunes millionnaires en short, le verdict devra être assorti également d’exclusions temporaires et/ou définitives des joueurs incriminés. A ce stade de déliquescence de l’image du foot français, il n’existe d’autre issue que celle d’une implacable punition. Qu’importe le handicap sportif que pourrait causer l’absence de tel ou tel ! Le talent si avéré soit-il ne doit plus être un passeport pour l’incivilité permanente.

Et après ?

La FFF va devoir lâcher 750000 € aux sponsors de l’équipe nationale

S’il convient de régler rapidement le cas des mutins tricolores, les dirigeants vont devoir également s’atteler à reconquérir leur crédibilité auprès de leur environnement. Cela commence par les sponsors dont l’association avec l’équipe de France n’est guère reluisant à ce stade. Le processus est en cours puisqu’après la calamiteuse épopée de l’Afrique du Sud, la FFF avait consenti à introduire des variables financiers dans les contrats de parrainage en fonction de la cote de popularité des Bleus. Au total et à cause d’une image déplorable, la FFF devrait se voir amputée de 750 000 euros (7).

Toutefois, cette diète financière doit s’accompagner de décisions nettement plus exigeantes à l’égard des futurs sélectionnés de l’équipe de France. A cet égard, il pourrait par exemple être inclus une charte des règles et des devoirs impérativement soumise et signée par tout joueur revêtant la tunique bleue. Charte qui pourrait comporter une clause d’exclusion de l’équipe en cas de comportement déviant avec des amendes extrêmement salées à la clé. De même, le dilettantisme hâbleur affiché par certains à la veille de match, devant les caméras ou avec les fans, doit être banni, quitte là encore à suspendre celui qui refuserait d’appliquer la discipline et le respect du groupe.

De l’espoir pour le Brésil 2014 ?

La reconstruction de l’image de l’équipe de France va cette fois prendre du temps et demandera d’authentiques gages. La résipiscence est possible. Meneur patenté de la mutinerie de Knysna, Franck Ribéry a su faire amende honorable et revenir en grâce lors de l’Euro 2012.

Lire la suite de l’article sur le Plus du Nouvel Observateur

Sources

(1) – Erwan Le Duc – « L’opération séduction de la fédération laisse un sentiment amer d’inachevé » – Le Monde – 26 juin 2012
(2) – « Fourneyron ne s’oppose pas à la sanction contre les Bleus » – Le Nouvel Obs et AFP – 25 juin 2012
(3) – Vincent Cognet – « Du footage de gueule » – L’Equipe – 25 juin 2012
(4) – Olivier François – « Il faudrait karchériser cette équipe de France » – Le Parisien – 26 juin 2012
(5) – Ibid.
(6) – Christophe Lachnitt – « La bannière étiolée » – Superception – 26 juin 2012
(7) – Etienne Moatti – « 750 000 euros de malus des sponsors » – L’Equipe – 26 juin 2012

A lire par ailleurs sur le Blog du Communicant 2.0

– « 5 reproches et une image en berne » – 10 juin 2010
– « Et un, et deux, et trois zéros de conduite » – 28 juin 2010