Manifeste

Un blog pour une communication du dialogue

L’animation de ce blog depuis mai 2010 constitue une idéale synthèse de mes convictions personnelles en matière de communication et d’information et de leurs enjeux relatifs. Convictions que le sociologue Dominique Wolton résume si parfaitement (1) : « L’information et la communication sont inséparables de l’histoire de l’émancipation de l’homme. C’est par la liberté d’information que la connaissance du monde et l’esprit critique ont pu se développer. C’est par la communication que l’égalité entre les individus et la légitimité du dialogue ont pu s’imposer. Elles sont les deux faces de la grande question de l’émancipation. On les perdra ou les sauvera ensemble ».

C’est à force de projets, de rencontres, de discussions, de lectures et d’expériences que je me suis décidé à militer à travers ce blog pour une forme de communication autre que celle qui prévaut encore grandement au moment même où l’avènement du Web social et conversationnel chamboule les règles du jeu communicant.

La communication que je défends est une communication délivrée des oripeaux cosmétiques, des slogans incantatoires et des manœuvres intoxicantes des spins doctors et des maniaques de l’agenda médiatique. C’est une communication qui s’inspire et revendique pleinement la citation de Dominique Wolton (2) : « Communiquer c’est autant partager ce que l’on a en commun que gérer les différences qui nous séparent ».

Si ce blog a pu devenir au fil du temps un espace de réflexion, de dialogue et d’échange de sensibilités et agréger des personnes qui défendent eux aussi cette conception de la communication, alors il aura prouvé que nous sommes de nombreux professionnels à promouvoir une autre approche de la communication. Surtout en ces temps complexes où les raisonnements binaires et séquentiels s’empilent, se chevauchent et s’entrechoquent dans des batailles d’image improbables et frénétiques qui relèvent plus du patchwork hallucinogène et incompréhensible que d’une vision éclairée et porteuse de sens.

Stop à la com’ monolithique et incantatoire

Trois décennies plus tard, les dircoms siègent souvent dans les comités de direction. L’image et la réputation sont clairement devenues des enjeux stratégiques. A tel point qu’elles sont désormais décortiquées, commentées, sondées et même valorisées par des agences de notation financière qui hésitent de moins en moins à l’inscrire à la colonne des actifs d’une entreprise au même titre que son outil de production ou son cash flow.

Pas étonnant dans ces circonstances que la communication soit effectivement devenue un viatique incontournable pour ripoliner la réputation des grands noms de la société, leur conférer une image unidimensionnelle à force de slogans hauts en couleurs. Pour certains qui ne reculent devant rien, la communication peut même servir à faire avaler toutes les pilules et à valoriser à l’envi le discours ou l’action de l’entité qu’ils représentent. Tout est bon pourvu que l’histoire soit belle !

L’illusion peut certes fonctionner un temps donné si tous les acteurs s’accordent à croire dans les mêmes valeurs et les mêmes références. Mais la persistance de cette image comme le maintien de sa consistance et de sa crédibilité reposent sur un subtil et fragile équilibre qui peut se rompre à tout instant, surtout si l’image a été de plus bâtie sur des attributs excessivement enjolivés ou en passant soigneusement sous silence certaines caractéristiques.

Un mot importun ou un fait impromptu peuvent suffire à faire vaciller l’édifice savamment assemblé par les imagiers de la communication à grands coups de budgets somptuaires, d’opérations calibrées et de jeux d’influence distillés. De peintre en bâtiment, le dircom se transforme alors en pompier de service pour allumer les contrefeux idoines, voire couler le béton du bunker médiatique.

La communication digitale rebat les cartes

Aujourd’hui, il est plus que jamais crucial de s’arracher de cette lénifiante et bornée mécanique quantique de la com’ première génération bien que d’aucuns s’échinent encore à en faire un ardent usage. Il est temps que les imposteurs à paillettes et autres obsédés du contrôle de l’image unidimensionnelle fassent place à une génération de communicants où l’éthique et la prise en compte d’autrui ne sont pas des vains mots.

A l’heure où la récusation des élites et des entreprises est prompte à s’enflammer à la moindre étincelle, à l’heure où le culbuto médiatique versatile adore un jour ce qu’il peut vite brûler le lendemain, à l’heure où n’importe qui peut s’arroger la parole et répandre n’importe quoi, il est urgent que les « dircoms » envisagent leur métier autrement qu’au titre de décorateur en chef, pompier de service et hygiaphone officiel.

Jacques Suart, ancien président d’Entreprises et Médias, une association professionnelle de directeurs de la communication, avait tracé avec clairvoyance la voie nouvelle à emprunter (3) : « Il n’y a plus de magistère de la parole. L’entreprise doit en tenir compte et ses communicants, plutôt que de camper sur une position défensive, doivent accepter de recevoir la contradiction de façon plus sereine (…) C’est la seule façon de faire progresser le débat sur de grands enjeux, développement durable, employabilité, mesure de la valeur où l’entreprise a un rôle de premier plan ».

Les distorsions d’image et de discours ne se régleront plus avec des sparadraps au vernis clinquant, ni avec des écrans de fumée dilatoires, encore moins avec des agendas médiatiques overdosés. Loin d’être une menace, la communication 2.0 rebat les cartes et constitue au contraire une opportunité pour instaurer une approche fondée sur le dialogue, l’écoute active et la pédagogie. Souvenons-nous de l’étymologie latine du mot « communiquer ». Elle signifie « mettre en commun ».

1 – Dominique Wolton – Informer n’est pas communiquer – CNRS Editions – 2009
2 – Ibid.
3 – Jacques Suart – « Entreprises : communiquer dans la crise » – Les Echos – 17 novembre 2009