Risque & Progrès : La désacralisation est en route (3/12)

Au 16ème siècle, un virage décisif s’amorce dans la représentation du monde physique et de ses risques. Subrepticement mais sûrement, l’univers commence à être de moins en moins perçu à travers le prisme du mythe et de l’ordre divin qui avaient jusqu’alors prévalu, mais plus comme une mécanique physique obéissant à des lois immuables. Les premiers coups de boutoir de la Science sont notamment portés par les travaux de l’astronome et médecin polonais Nicolas Copernic.

Celui que la Pologne vient récemment d’inhumer en véritable héros, achève en 1530 l’ouvrage de sa vie, Des révolutions des sphères célestes. Dans ce livre, il bouscule le dogme religieux de l’époque sur l’organisation céleste des planètes. Jusque-là, la façon de représenter le cosmos s’appuyait sur la thèse aristotélicienne qui définit la Terre comme centre immobile de l’univers. De facto, tout gravite autour d’elle. Avec Copernic, l’organisation du monde se voit soudainement contestée.

Le savant polonais explique que la Terre tourne sur elle-même. Il ajoute de surcroît que la Terre fait le tour du soleil à l’instar des autres planètes du système solaire. Les principes de l’astronomie héliocentrique sont nés. Un véritable pavé dans la mare qui vient percuter la représentation cosmogonique officielle. Des querelles virulentes agitent les communautés scientifiques et religieuses dans toute l’Europe et aboutissent à la censure du système copernicien par l’Inquisition et le Pape Paul V en février 1616.

Copernic (à gauche) et Galilée, deux libres penseurs qui modifient radicalement la perception du monde

Un anathème qui n’empêche nullement  à la même époque, l’astronome italien Galilée de défendre opiniâtrement les thèses héliocentriques de son illustre prédécesseur et de les développer au point de devoir affronter à son tour les calomnies et les attaques violentes des autorités religieuses. Fort de quelques appuis en haut lieu, le savant passe outre et publie en 1632, le Dialogue sur les grands systèmes du monde.

Censé être un ouvrage comparatif objectif entre les thèses géocentriques et les thèses héliocentriques, le livre se révèle en fait être habilement mais ouvertement un plaidoyer pro-copernicien. L’auteur est convoqué l’année suivante par le pouvoir religieux. L’ouvrage est interdit et Galilée assigné à résidence dans sa demeure florentine.

Le procès est retentissant dans toute l’Europe et provoque des retombées considérables parmi les penseurs de l’époque. Malgré les condamnations vigoureuses des tenants de l’ordre divin, la justification surnaturelle du fonctionnement du monde commence à s’ébrécher. Une représentation nouvelle du monde et des risques inhérents est désormais en marche. A suivre …