Copé vs Fillon: Triste pugilat d’images à l’UMP
A défaut de brasser des idées alternatives au pouvoir récemment élu à la tête du pays, la course à la présidence de l’UMP s’enfonce chaque jour un peu plus dans un pugilat où postures, petites phrases et images ciselées par les communicants des deux grands candidats, s’entrechoquent avec fracas. Etat des lieux avant le congrès du parti de novembre 2012.
Ils appartiennent au même parti, revendiquent avec vigueur le même héritage sarkozyste et cognent avec la même ampleur redoublée sur le gouvernement. Cependant, à part ce terrain d’entente a minima, les dagues communicantes sont aiguisées et dégainées en permanence entre Jean-François Copé et François Fillon. Autant sur les idées programmatiques, il est encore bien malaisé de cerner avec certitude les intentions de deux compétiteurs, autant les stratégies d’image adoptées par l’un et l’autre trahissent un clivage profond où les egos polissent leur réputation pour ratisser large auprès des soutiens des élus, des militants et des sympathisants.
A ma droite « décomplexée » : Mr « Everybody » !
En référence au peu amène surnom de « Mr Nobody » dont la presse avait affublé François Fillon du temps où il était Premier Ministre, Jean-François Copé pourrait au contraire être aisément étiqueté de « Mr Everybody ». Pour cultiver son image de chef, le député-maire de Meaux ne lésine pas sur les efforts pour se positionner comme l’évident patron de l’UMP à l’issue de congrès de novembre 2012. Depuis qu’il avait ouvertement révélé il y a quelques années son vœu de devenir Président de la République depuis sa tendre enfance et qu’il a programmé sa mise sur orbite pour 2017, Jean-François Copé laboure inlassablement les terres de droite pour rassembler et souder un clan inoxydable autour de lui.
De fait, il est sans doute celui qui bénéficie le plus au sein de l’UMP d’un large socle de relais militants issus du terrain et acquis à sa personne. A cet égard, le club de réflexion Génération France qu’il a fondé en 2006 puis la présidence du groupe parlementaire UMP qu’il a assumé sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, lui ont permis d’alimenter et consolider un positionnement politique qu’il veut proche de la base tout en assumant une gouvernance inflexible de ses équipes. A ses yeux, l’élection à la tête de l’UMP (1) « est une élection au suffrage universel des militants, ce ne sont pas les barons qui font ce scrutin. L’UMP a besoin d’être commandée, pas présidée mondainement ».
Pour parvenir à fédérer autour de lui, Jean-François Copé est prêt à estomper les rivalités d’antan et endosser le costume opportun. En dépit de sa vieille rivalité à peine voilée avec Nicolas Sarkozy, notamment du fait qu’il ait été un chiraquien pur jus pendant longtemps, l’homme n’a pas hésité à l’orée de la campagne présidentielle de 2012 à se muer en thuriféraire stakhanoviste du bilan du président sortant et en patenté mitrailleur de première ligne durant les élections. Habile manœuvre qui a très vite permis à l’ex-ministre du Budget de capter la légende sarkozyste à son profit depuis le retrait (temporaire ?) de son légataire élyséen.
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le clip vidéo mis en ligne en août dernier par les partisans de Jean-François Copé. Il y apparaît comme la décalque même de l’ancien locataire de l’Elysée à tel point que d’aucuns ont qualifié l’œuvre de « Copé-collé » !
Avec Jean-François Copé, pour l’UMP ! par jeanfrancoiscope
De même, il clame à qui veut l’entendre qu’il sera d’une loyauté absolue dans l’optique où Nicolas Sarkozy effectuerait un come-back (2) : « Je suis le seul qui garantit d’être au côté de Nicolas Sarkozy s’il souhaite revenir dans l’action politique ». Ultime carte communicante pour se « sarko-péiser » abattue le 4 septembre : le chaleureux ralliement du fiston, Jean Sarkozy décliné avec force publicité auprès des médias et sur les réseaux sociaux.
A ma droite « velours côtelé » : Mr « Nobody » !
S’il est une évidence qui saute aux yeux même du plus aveugle des observateurs, c’est bien le flagrant fossé d’image qui prévaut pour François Fillon comparé à Jean-François Copé. C’est même quasiment la réplique en contrepoint de ce que le député-maire de Meaux s’est attaché à construire en termes de réputation médiatique. Au contraire d’un Copé adepte des plateaux de télévision et fort d’un carnet d’adresses médiatique fourni, François Fillon n’a jamais fait étalage d’ambitions présidentielles à coups de déclarations de fier-à-bras auprès des journalistes. L’homme est plutôt pondéré, voire secret. Sa collaboration avec Nicolas Sarkozy aura été à l’aune de ce profil de grand et dévoué commis de l’Etat qu’il se plaît à incarner pour désormais justifier ses nouveaux objectifs politiques.
A l’inverse de son adversaire solidement ancré dans un terreau militant, François Fillon ne dispose pas de réseaux particuliers dévoués à sa cause. Là aussi, c’est une façon habile d’incarner une autre approche qui mise moins sur les appareils politiciens que sur l’envergure et l’expérience du pouvoir acquise par François Fillon au cours de sa longue carrière. Autre point de décalage : sa vision de la gouvernance. Aux militants UMP, il a récemment déclaré la vouloir plus « démocratique » en promettant notamment des référendums internes, des fédérations plus autonomes et même un réseau social réservé aux adhérents du parti (3).
Face à l’énergique OPA déployée par les rangs Copé sur l’héritage sarkozyste, François Fillon a là aussi adopté une subtile stratégie de communication pour contrer son concurrent qui n’hésite pas à raviver les dissensions ayant pu exister entre le président et le premier ministre. Régulièrement, le député désormais parisien tacle subrepticement (4) : « J’ai vu que ces derniers jours, certains avaient découvert des différences entre Nicolas Sarkozy et moi. C’est vrai qu’il faut un télescope pour les voir. Pour voir que nous n’avons pas la même histoire, le même itinéraire, le même caractère. C’est une évidence et franchement dire le contraire, c’est ce qui s’appelle parler la langue de bois ». Le tout sans jamais citer nommément Jean-François Copé qui lui, ne se prive pas d’attaques nominales frontales.
Enfin, pour achever à son tour de prouver sa filiation « génétique » avec l’ancien président de la République, François Fillon a répliqué à l’adoubement de Jean-François Copé par le fils de Nicolas Sarkozy en débauchant concomitamment, un sarkozyste historique, en la personne de Christian Estrosi, député-maire de Nice et connu pour faire partie du cercle des fidèles de l’ex-président.
Et maintenant, quelles fractures d’image potentielles ?
Jean-François Copé n’a pas attendu pour appuyer sur les points susceptibles de brouiller l’image respectable et mesuré de l’ancien Premier ministre. Pendant tout l’été, le staff de Copé a multiplié dans la presse et sur les réseaux sociaux les piques sur le train de vie bourgeois de François Fillon qui passe ses vacances à Capri chez l’ami milliardaire et patron de Ferrari/Fiat, Luca di Montezemolo. De même, les attaques ironiques ont été vives au sujet du parachutage de l’ex-Sarthois lors des législatives dans la très chic et imperdable 2ème circonscription de la rive gauche parisienne. Enfin, les supporters de Copé enfoncent le clou en dénonçant la froideur distante de François Fillon avec le terrain, voire une certaine mollesse que les plus hardis qualifient de « droite molle » ou de « François Hollande de droite »(5) !
Dans le camp d’en face, on n’hésite pas non plus à distiller des bombinettes verbales sur la personnalité de Jean-François Copé, notamment sur son outrecuidance dans la façon de mener les débats et sur son agressivité autocrate et clanique. Avec en guise d’exemple, la ritournelle d’une citation supposée émaner de l’impétrant (6) : « Si tu n’es pas avec moi, c’est que tu es contre moi ». Autre peau de banane que l’on voit également circuler sur les réseaux sociaux acquis à l’équipe Fillon : les suspicions de favoritisme et d’intervention de Jean-François Copé en faveur du sulfureux homme d’affaires Ziad Takieddine.
Qui gagnera la guerre d’image ?
Une chose est d’ores et déjà acquise : la vie politique ne sortira pas grandie de cette violence militante où les coups bas l’emportent plus souvent que les véritables débats d’idées et les échanges d’arguments fondés. Les deux hommes sont d’ailleurs bien conscients que cette bagarre par médias et réseaux sociaux interposés peut désenchanter une partie de l’électorat qui sera amené à se prononcer pour désigner le prochain patron de l’UMP. Dans une interview accordée au Figaro Magazine, Jean-François Copé confesse (7) « regretter certaines petites phrases médiocres venues de quelques amis de François. Les militants détestent çà ». De son côté, François Fillon a appelé à plusieurs reprises à calmer les ardeurs. En vain puisque les balles continuent à siffler si l’on en juge les tweets fielleux qui circulent quotidiennement entre pro-Copé et pro-Fillon !
Pour certains observateurs, François Fillon aurait malgré tout gagné du terrain sur son rival. Tous les sondages opérés auprès de sympathisants de l’UMP donnent largement gagnant l’ancien Premier ministre même si sa cote s’est quelque peu érodée ces dernières semaines avec l’entrée en lice d’outsiders comme Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire. Ce qui tendrait alors à prouver que le clivage pur et dur qu’affectionne Jean-François Copé et cette obsession de bon élève à reprendre le flambeau sarkozyste ne serait pas la formule communicante gagnante. A voir !
Entre des sondés qui sont sympathisants mais qui ne voteront pas et des militants remontés comme des coucous et bien décidés à « faire la peau » au gouvernement de gauche, l’option cogneuse de Copé pourrait être la botte secrète. A moins que la communication des deux candidats ne parvienne enfin à élever le débat comme le note fort justement le député UMP Hervé Mariton (8) « N’oublions pas que nous avons été battus aux élections (…) Gardons notre énergie pour une critique intelligente et le développement d’un projet alternatif ». Pas sûr qu’il ait été encore entendu !
Vous pouvez également retrouver ce billet et beaucoup d’autres sur le Plus du Nouvel Observateur
Sources
(1) – Jean-Baptiste Garat – « Copé souligne ses différences avec Fillon » – Le Figaro.fr – 6 septembre 2012
(2) – Ibid.
(3) – Sophie Huet – « François Fillon se pose en rassembleur » – Le Figaro.fr – 26 août 2012
(4) – Ibid.
(5) – Olivier Beaumont et Didier Micoine – « Fillon-Copé : la guerre de l’image » – Le Parisien – 8 septembre 2012
(6) – Ibid.
(7) – Rodolphe Geisler – « Copé se défend de tout mélange des genres » – Le Figaro.fr – 29 août 2012
(8) – Sophie Huet – « Gardons notre énergie pour des critiques intelligentes » – Le Figaro.fr – 31 août 2012
A lire en complément
– Infographie régulièrement mise à jour – « UMP : Qui sont les soutiens de Copé et Fillon ? » – Le Monde.fr – 6 septembre 2012
– Anne-Laëtitia Béraud – « Campus UMP : L’invité surprise François Fillon ne croisera pas Jean-François Copé » – 20 minutes.fr – 8 septembre 2012
– Claude Askolovitch – « Copé, l’ambitieux aux 1000 visages » – Marianne2.fr – 24 août 2012
– Florian Silnicki – « Jeunes UMP : nous ne voulons pas d’une guerre des chefs » – Le Plus du Nouvel Observateur – 8 septembre 2012