Risque & Progrès : pourquoi est-on en crise ? (1/12)

Le Blog du Communicant 2.0 entame une série de 12 articles autour d’un étrange paradoxe qui irrigue des pans entiers de la société française : l’allergie croissante et irraisonnée au Risque et au Progrès.

Alors même que notre société actuelle n’a jamais autant su mobiliser son intelligence et ses ressources technologiques pour réduire au maximum les risques de tout ordre qui pèsent sur la vie humaine et repousser toujours un peu plus loin les limites de la mort, pas une semaine ne s’écoule en France sans que l’actualité médiatique et la Toile ne se fassent l’écho frénétique de nouveaux risques et de nouvelles peurs irraisonnées face au progrès technologique. Un petit rembobinage au cours des temps aide à mieux comprendre le sentiment délétère d’aujourd’hui.

Jamais dans l’histoire de l’Humanité, l’espérance de vie n’a été aussi longue. En 1900, l’espérance de vie moyenne atteignait péniblement 45 ans en France. Aujourd’hui, le cap des 80 ans est fréquemment dépassé. Dans les années 60, les personnes âgées représentaient 4,9% de la population. Leur proportion a grimpé à 8,7% de nos jours et le boom des seniors est loin de s’interrompre dans les années à venir à tel point qu’on parle même désormais du 4ème âge de la vie là où il n’y a pas si longtemps, le 3ème âge était le signe annonciateur du crépuscule de la vie.

Avec ses 122 ans et 124 jours, la détentrice française de l’existence la plus longue, Jeanne Calment, incarnait un phénomène fascinant car encore rarissime. Sans forcément atteindre ou battre le record de cette célèbre doyenne, les prochains centenaires passeront pourtant de plus en plus pour de parfaits quidams !D’une poignée de 200 individus recensés en 1950 en France, on est passé à 3760 en 1990 et 17267 au 1er janvier 2006. Les estimations de l’INSEE prédisent un contingent nettement plus massif de 26286 centenaires d’ici 2025 en France et plus de 150 000 au-delà de 2050. Ce quintuplement des centenaires en l’espace de quinze ans est bien là le signe tangible que l’être humain est parvenu à supprimer ou du moins mieux juguler des risques qui autrefois, mettaient en péril sa propre survie et sa longévité. Alors, pourquoi nourrit-on autant d’anxiété et d’allergie quasi irrépressible envers le Risque et le Progrès ?

Rien ne va plus !

Jamais en effet, les esprits n’ont été autant au bord de la crise de nerfs. La peur du risque semble s’être enkystée de manière récurrente dans les moindres recoins de la société humaine. Elle n’épargne plus aucun domaine. Politique, économique, diplomatique, industriel, médical, scientifique, environnemental mais aussi social, militaire, sportif, religieux, générationnel, – la liste noire du risque est loin d’être exhaustive !

Sous les yeux de citoyens médusés et apeurés, la société française est ainsi régulièrement secouée par des situations délétères et convulsives où catastrophes mal anticipées, risques mal évalués, responsabilités mal assumées, dangers mal maîtrisés s’entrechoquent dans une magistrale cacophonie. Une usine qui explose alors que tout était officiellement sous contrôle, un vaccin qui tue alors qu’il était censé protéger, une manipulation génétique qui tourne au fiasco alors qu’elle était porteuse d’espoir et c’est toute notre société actuelle qui vit mal l’écueil des risques et de la sécurité au gré des flambées médiatiques.

Il était insubmersible … et pourtant !

Alors pourquoi la peur des risques revient-elle avec autant d’insistance dans notre société, à tel point que le risque et la communication de crise sont même devenus un lucratif et dynamique segment de marché pour les cabinets de conseil et les agences de communication ! Qui n’a pas aujourd’hui expérimenté dans sa vie professionnelle un audit de certification industrielle pour prévenir les risques ou alors une communication de crise en cas d’incident ? Est-ce à dire que les risques sont intrinsèques à la condition humaine ? Ou bien sont-ils les avatars tragiques du 20ème siècle qui promettait pourtant leur éradication quasi totale grâce aux innovations et aux progrès techniques ? Pourquoi en ce début de 21ème siècle, le sentiment d’insécurité est-il aussi vivace, voire inextinguible ? Pourquoi frise-t-il même parfois l’irrationnel alors même qu’à travers les âges et les civilisations anciennes, l’Humanité a sans doute payé de plus lourds tributs en vies humaines sans pour autant à l’époque, parler de crise et de risques à gogo ? Pourquoi le risque est-il si inacceptable aux yeux de notre société contemporaine ?

Ce capharnaüm contemporain renvoie en fait intimement à l’histoire de l’humanité. Une histoire où l’on redécouvre que le risque zéro est un mythe, que risque et peur ont toujours fait partie intégrante de l’aventure humaine, que l’homme s’est toujours attaché à conjurer le risque ou à l’éviter avant de pouvoir un jour espérer en effet le maîtriser grâce au Progrès et à la Technique. C’est ce que nous allons nous attacher à décrypter dans les prochains posts de la série « Risque & Progrès » !