[Coup de gueule] – Les haineux vont-ils coloniser pour de bon Twitter ?

La haine va-t-elle devenir consubstantielle de Twitter ? Déjà sérieusement infectée par les trolls et les extrémistes d’obédiences diverses, la plateforme à l’oiseau bleu est en train de sombrer dans un défouloir gratuit et binaire où la nuance, la pondération et la discussion sont pilonnées systématiquement. Et ce n’est pas la modération du réseau social qui contribue à calmer les ardeurs. Problème : ceux qui essaient d’apporter un peu de rationalité et de débat argumenté, choisissent de plus en plus de déserter pour de bon, se mettre en retrait pour se préserver ou alors passer en compte verrouillé ou en mode commentaires désactivés. Doit-on effectivement se barrer de Twitter ?

Aujourd’hui, c’est Michel Mompontet, journaliste et écrivain, qui a annoncé se retirer de Twitter pour un temps indéterminé tant la violence des messages atteint son paroxysme à son égard (1) : « Parce que je suis un humaniste et que je crois fermement à la supériorité de l’échange et de la pédagogie j’ai maintenu une activité élevée sur Twitter. J’y ai connu beaucoup de joie. Mais depuis quelques jours entre les trolls pro-russe…. les adeptes du tout bloquer les fans haineux du Z, je suis écœuré par une violence innommable et une impossibilité à débattre/échanger des arguments. Même si cela doit faire plaisir à cette racaille digitale qui n’a que la haine et la menace à portée de clavier ».

Tombés au champ de Twitter ?

Même s’il n’a jamais caché sa sensibilité politique, l’homme a toujours été modéré, ouvert à la discussion, parfois incisif ou moqueur mais toujours constructif au bout du compte. Seulement voilà, les légions de trolls majoritairement anonymes (courage, fuyons !) l’ont étrillé à tout propos. Entre pro-russes béats biberonnés à la doxa poutinienne et zélotes gorgés de bestialité verbale excitée par le Gargamel « Z » ivre de lui-même et son delirium tremens d’une France aryenne, Michel Mompontet jette l’éponge.

Il n’est pas le premier ces derniers temps à tirer sa révérence. Une autre figure journalistique aux commentaires toujours très étayés et sans nulle invective, a également déserté le champ de mines qu’est devenu Twitter. Lassé de batailler en pure perte et de prendre des coups gratuits sans limites, le journaliste et écrivain Claude Weill a claqué la porte de Twitter il y a deux semaines (2) : « Sur ce, les amis (ou pas) je vous quitte. Ça fait un moment que je songe à me détwitter. C’est maintenant. Batailler contre la bêtise et la mauvaise foi c’est bêcher la mer : ça use. La médiocrité des débats actuels m’a achevé. À mes 50000 followers (haineux compris) 🙏et bon vent ! ». Et encore une voix pertinente et utile qui s’éteint sur Twitter.

Encore de la résistance ?

Aujourd’hui encore, c’est le journaliste Julien Pain qui fait part d’une certaine lassitude. Infatigable pourfendeur des fake news et des inepties proférées par les conspirationnistes et les extrémistes peu portés sur la véracité des faits, le présentateur de l’excellente émission « Vrai ou Fake » diffusée sur France Info TV décide d’établir un cordon sanitaire sur Twitter tant la situation est devenue ingérable (3) : « Devant l’avalanche de commentaires insultants et menaçants, je dois fermer les commentaires sur mes prochains tweets. C’est notre liberté d’expression à tous que ces trolls d’extrême-droite tentent de museler. Je ne lâcherai pas, mais j’ai besoin de votre soutien. ».

Ces trois exemples sont loin d’être un épiphénomène. Nombreuses sont les personnes qui se mettent en sommeil ou détruisent tout simplement leur profil face aux éructations acides des khmers verts, rouges et bruns sans oublier les antivaxs, les complotistes et les allumés intégraux comme le pitoyable et foutraque avocat Fabrice Di Vizio qui dégaine à longueur de temps des tweets délirants, agressifs, mensongers, ignobles et la liste des épithètes est loin d’être close. En août 2019, je m’interrogeais sur mon blog sur ce tsunami de haine qui emporte les réseaux sociaux, loin, très loin de la vocation initiale (certes un peu utopique, la nature humaine étant ce qu’elle est).

Force est de constater aujourd’hui que toutes les limites et les préventions ont été pulvérisées. La palme de la détestation la plus tripale revenant sans conteste aux hordes digitales de l’extrême-droite qui se croient sur Twitter comme dans une séance de tir aux pigeons. Avec des excitateurs patentés (pour ne nommer qu’eux) comme Samuel Lafont, un mythomane jamais avare d’un excès de langage ou comme Damien Rieu, un hooligan qui se croit en croisade religieuse et ethnique et s’autorise tous les amalgames les plus crasseux. A l’extrême gauche (mais tendance rouge-brun), on a un Alexis Poulin qui la joue guérillero cravaté et chaussons derrière son écran pour exciter à tout prix les haines recuites.

Déserter, seule solution ?

Moi-même, j’ai ferraillé et ferraille encore contre ces pitres bouffis de détestation qui veulent faire de Twitter, un no man’s land totalement acquis à leurs lubies mortifères, racistes, antisémites, homophobes et j’en passe. J’espérais que Twitter mettrait le savoir-faire de ses ingénieurs et de sa technologie au service d’une modération impitoyable avec les haineux et les violents. Grosse désillusion tellement l’on voit tous les jours, des signalements pourtant avérés et constitués, être blackboulés par Twitter lui-même au motif que les propos n’enfreignent pas les lois de la communauté. Et la perspective de voir peut-être un Elon Musk mettre la main (après de multiples atermoiements) sur ce réseau social, n’est pas pour rassurer. Lui, l’adepte libertarien du « free speech » entend bien que les discours extrémistes aient voix au chapitre comme n’importe qui d’autre.

Pourtant, ces dites voix, promptes à hurler à la censure dès lors qu’on les bloque, sont les mêmes qui veulent imposer leurs vues et faire dégager quiconque s’opposant à elles. Comme les journalistes que j’ai cités, comme plein d’autres ayant choisi de déserter cette arène numérique invivable, j’éprouve l’envie de tout couper et lâcher l’affaire. Bien que Twitter soit par ailleurs un formidable outil professionnel pour trouver de l’information solide (heureusement, il y en a encore) et avoir aussi de bons échanges avec des gens dont on ne partage pas forcément tous les points de vue, je m’interroge constamment sur le fait de rester ou déserter moi aussi tant la vague des dingos binaires excités ne cesse de gonfler et agresser. Je n’ai toujours pas la réponse. Je suis même plutôt quelqu’un de tenace mais là, voir Twitter kidnappé par des charognards, des séditieux et des complotistes m’attriste profondément.

Sources

– (1) – Tweet de Michel Mompontet – 19 octobre 2022
– (2) – Tweet de Claude Weill – 6 octobre 2022
– (3) – Tweet de Julien Pain – 19 octobre 2022



6 commentaires sur “[Coup de gueule] – Les haineux vont-ils coloniser pour de bon Twitter ?

  1. Jacques Charre  - 

    L’ambiance se dégrade, c’est indiscutable, mais il suffit de regarder les réponses que vous faites ça et là à longueur de journée sur Twitter pour voir à quel point ce déferlement de haine est loin, très loin, d’être contingenté à quelque extrémistes que ce soit, sauf à vous considérer vous même comme un extrémiste.

    La haine déborde de toutes part, elle n’attend que la goutte qui fera déborder le vase, et tel un colibri, ils sont nombreux à remplir le vase jour après jour.

    1. Olivier Cimelière  - 

      Puisque vous me suivez sur Twitter, vous savez que je ne tiens pas de propos haineux (appel à la violence, aux représailles, aux menaces physiques, au meurtre, à la stigmatisation de communautés, etc) comme ceux que je critique régulièrement et avec virulence assumée. Ma ligne est d’abord de les tourner en dérision et de les contredire avec des faits. Je peux comprendre que la méthode déplaise et soit même vécue comme une agression tant un esprit obtus ne peut concevoir une autre réalité que celle qu’il entend asséner.
      Les extrêmes ne se combattent pas avec des gentils mots mouchetés. Et sinon, bravo de laisser une adresse email temporaire à la Yopmail. C’est preuve d’un grand courage et d’une envie indéniable de dialoguer !

  2. Digne  - 

    Et les messages dégueulasses (oui,oui) que vous postez sur twitter à propos de la manif de l’autre soir, ça fait de vous un haineux, un troll, un pitre ? ah non, c’est vrai, juste une sombre merde qui à l’outrecuidance de se croire au dessus de la mêlée. Mais vous avez raison, barrez-vous de twitter avant qu’il vous arrive des bricoles

    1. Olivier Cimelière  - 

      Ah ah ! Merci pour ce superbe message qui en quelques lignes vient valider la psychologie des ultradroitiers en France. Des gens qui ne supportent pas qu’on ne pense pas comme eux, qu’on ne partage pas leurs délires racistes, nationalistes, cathos rabougris, etc. Des gens qui « pensent » avec leurs pulsions animales et basiques. Leurs peurs inextinguibles et irrationnelles.
      J’assume pleinement et totalement le fait de m’opposer à vous en me fichant ouvertement de vous tous sur Twitter; mais même l’humour sarcastique vous passe au-dessus du crâne (rasé of course).
      Ensuite, je ris à votre lâcheté en indiquant une adresse mail et une identité bidons en déposant votre commentaire. Grande gueule mais petit « courage ». Pas envie de s’afficher à visage découvert. Pourtant, je ne suis pas un avatar planqué derrière un pseudo.
      Enfin, je note que vous envisagez qu’il m’arrive des bricoles ! C’est gentil de penser à moi et d’induire des menaces ouvertes. C’est vrai qu’à part cogner et agresser, les ultradroitiers ne savent guère argumenter autrement. Vous m’avez vraiment fourni une impeccable illustration de ce que sont les fachos. Merci !

    1. Olivier Cimelière  - 

      L’ambiance sur Twitter n’a cessé de se dégrader. C’est très dommageable car ce réseau n’a pas que des défauts. Je suis en revanche pessimiste à l’idée de voir Elon Musk débarquer aux manettes. Sa vision absolutiste de la liberté d’expression est une autoroute pour les ultras de tous bords

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