La qualité du langage d’une marque enrichit-elle l’expérience digitale du consommateur ?

On évoque très souvent l’expérience client sous l’angle des points de contact physiques et numériques dans l’optique de l’interpeler, établir une relation et si possible, poursuivre une conversation récurrente. En revanche, on songe moins à la qualité de la dimension linguistique qu’une marque doit cultiver pour être écoutée, comprise et appréciée. Dans une étude dévoilée en avril dernier, l’Institut de la Qualité de l’Expression s’est penché sur la façon dont différentes marques modèlent leur expression en dehors des classiques visuels et vidéos. Points saillants à retenir autour de Krug, Booking.com et Galeries Lafayette.

Présidente et fondatrice de l’Institut de la Qualité de l’Expression, Jeanne Bordeau n’en finit pas d’explorer la manière dont les marques cousent et décousent leurs récits pour capter l’attention de clients devenus toujours plus volatiles tant ils sont repus de contenus tous azimuts.

Dans une récente tribune, cette experte du style linguistique martèle l’importance cruciale de disposer d’un langage adapté au consommateur ciblé mais aussi cohérent avec les attributs de la marque (1) : « Savoir doser, laisser le consommateur libre, échanger avec lui, être fiable sans se prendre au sérieux, conseiller sans être docte… le langage choisi par les marques joue un rôle important dans l’expérience client: il aide les entreprises à installer une conversation naturelle avec ses clients. Souvent directe, orale et rythmée, la langue de l’expérience client pourrait toutefois gagner à être davantage signée. Pourquoi ? Car l’art et la manière d’être en conversation, le ton de la marque et son style, importent tout autant que les points de contacts et les outils créés pour personnaliser la relation. Le digital et la tech ne font pas tout ! La langue de l’expérience client est plus efficace lorsqu’elle est incarnée et inventive ».

C’est un fait. La communication et le marketing perdent quelquefois de vue la pertinence du langage. Trois exemples passés au crible et de secteurs très différents prouvent qu’un langage personnifié qui reflète l’essence de la marque tout en sachant s’adresser individuellement aux attentes d’un consommateur, est gage d’attractivité.

Krug, des bulles, des mots, des sons et des sens

Le champagne haut de gamme Krug est un cas inspirant. Cette prestigieuse marque aurait pu se cantonner dans une expression linguistique statutaire. Elle a pourtant choisi de la dépasser et de la sublimer tout en restant consistante avec son univers ultra-premium d’origine. Même si parfois, certains textes auraient pu pousser un cran plus loin l’audace et l’inventivité, il n’en demeure pas moins que Krug a particulièrement soigné sa grille de langage. Les impératifs « Découvrez ! » et « Explorez ! » sont autant de jalons qui parsèment le site pour inviter le consommateur à participer des expériences originales et uniques. L’ensemble est scandé par des allégories très expressives et sensitives comme par exemple « les échappées iodées » d’une des cuvées de Krug.

Cette résonnance est déclinée dans les différentes expériences que le site propose. Pour accentuer personnification de la marque et personnalisation de l’expérience, Krug invite notamment l’internaute à entrer le numéro d’identification d’une bouteille dans une application. Laquelle ouvre ensuite sur un récit où se mêlent sensations, savoir-faire et notes musicales. Ce n’est là qu’un des aspects de la linguistique digitale de la marque mais il est particulièrement emblématique de cette capacité à utiliser la résonnance des mots pour nourrir la relation avec le client et l’immerger dans un univers très spécifique.

Booking.com*, des mots, du service et du gain de temps

Aux antipodes des envolées poétiques de Krug, l’Institut de la Qualité de l’Expression a décortiqué le langage de la célèbre plateforme de services de voyage, Booking.com. Pour cette dernière, il s’agit avant tout de donner d’emblée confiance au client en lui facilitant son expérience et en poussant simplicité et efficacité au maximum. Rien dans l’expression ne doit faire obstacle ou susciter un problème. Celle-ci doit au contraire être pragmatique et focalisée sur la fluidité des étapes propres à chaque type de service.
Au premier abord, la langue peut apparaître un peu sèche, voire sans âme alors que le site est pourtant aussi source de dépaysement, de séjours de farniente, d’évasion vers des destinations exotiques et pas seulement un dispositif d’achat de prestations touristiques. Cela serait pourtant passer à côté de la pertinence délibérée de l’expression adoptée par Booking.com.

Au-delà de l’impérieuse nécessité de parler dans plus de 40 langues aux idiomes pas toujours communs, la plateforme déroule une charte linguistique claire, ordonnée, directe et fonctionnelle. Son but est avant tout d’être au service du consommateur. D’ailleurs, la marque ne parle quasiment pas d’elle-même. Les mots sont tournés vers l’efficacité avec toutefois l’idée d’établir là aussi une relation en invitant le client à déposer des commentaires et même obtenir des « badges » à mesure qu’il partage ses impressions. Cette langue dépouillée fonctionne très bien avec la vocation servicielle de la marque qui ne s’égare pas en bavardages inutiles ou superfétatoires.

Galeries Lafayette, des mots, de l’art de vivre et de la joie

A mi-chemin entre les deux précédentes marques, Galeries Lafayette constitue un cas intéressant. D’un côté, la marque dispose d’un patrimoine autour de l’art de vivre à la française qu’il convient de valoriser et cultiver. De l’autre, la marque est également un e-commerçant à l’instar de Booking.com qui se doit de fournir une expérience digitale la plus irréprochable possible. L’équation pas simple est néanmoins relevée avec maîtrise. Les contenus parviennent à osciller entre une expression joyeuse et connivente (comme l’expression « Démesurément Moi » utilisée pour le programme de fidélisation) et une tonalité descriptive plus réaliste des services (mais sans négliger toutefois un brin de loquacité).

La synthèse de cette équation linguistique se retrouve ensuite incarnée par deux rubriques comme le magazine qui s’exprime avec connivence en mode conseil en bonnes copines ou encore l’espace « Go for Good » qui promeut des initiatives liées à la mode durable et responsable comme Panoply, location de vêtements de créateurs ou encore les histoires d’artisans qui rénovent des vêtements usagés. Avec toujours en toile de fond, le client que l’on veut cerner au mieux de ses propres aspirations.

Et maintenant ?

L’étude menée par l’Institut de la Qualité de l’Expression englobe également deux autres marques que sont Sosh, service de téléphonie mobile à prix abordables développé par Orange, et N26, une banque en ligne 100% mobile. A chaque fois, cinq critères ont été passés au peigne fin dont la posture relationnelle et linguistique, les opportunités d’échange. Lesquels définissent au final un QAS (Quotient d’attractivité et de séduction par le langage) qui situe le niveau d’expérience digitale.

Pour disposer de la présentation exhaustive de cette étude (et d’autres réalisées sur le même thème), il suffit de contacter l’Institut de la Qualité de l’Expression. Cependant, s’il est un enseignement à retenir de ces différents cas, c’est que le langage n’est pas un artefact éditorial qui ne vise qu’à embellir une marque. Les mots sont totalement partie intégrante de l’expérience digitale qu’une marque se doit d’offrir à ses clients

Sources

– (1) – Tribune de Jeanne Bordeau – « L’efficacité prime sur l’inventivité de la relation client » – RelationclientMag.fr – 13 mai 2019
– (*) – Booking.com est un client historique de l’agence Euros Agency où collabore l’auteur. Néanmoins, les propos ne reflètent que la traduction des constats de l’étude de l’Institut sans aucune autre considération.



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