François Hollande : Trop de normalité tue la normalité !

Exhibée en réplique à l’ubiquité stakhanoviste et bling-bling du précédent locataire de l’Elysée, la normalité du nouveau président risque désormais de devenir un handicap récurrent dans sa communication même si les médias ne se lassent pas (encore) d’entonner le refrain du « président normal ».

Tactiquement, la trouvaille était rusée de la part du camp hollandais. Face à un hyper-président Sarkozy ayant suscité au fil du temps une profonde crispation de l’opinion à son égard à force de cultiver une posture hâbleuse et d’étaler volontiers son goût immodéré de l’argent, François Hollande s’est bâti un fructueux contrepoint médiatique en se qualifiant de « candidat normal qui aime plus les gens que l’argent ».

Un positionnement … normal !

Le scooter a largement alimenté l’image de normalité de François Hollande

L’homme n’avait de surcroît guère à forcer son naturel puisqu’il apparaît depuis longtemps comme une figure politique peu sensible aux ors et aux fastes que la fonction suprême réserve à ceux qui l’embrassent.

N’a-t-il pas en effet longtemps privilégié son scooter comme moyen de transport à n’importe quelle rutilante berline ? N’est-il pas non-redevable de l’impôt sur la fortune au contraire de la majorité de ses adversaires politiques ? Ne s’est-il pas déclaré adversaire résolu de l’avidité de la finance ?

Dans une France en crise où le serrage de ceinture est devenu la norme quotidienne de bon nombre de concitoyens, l’image avait tout pour faire florès et s’inscrire avec succès à rebours d’un ex-président qui aura traîné comme un boulet pendant cinq ans, le péché véniel du Fouquet’s et du yacht élégant d’un ami multimilliardaire. Sans parler du bouclier fiscal aussitôt instauré après son élection, ni de sa substantielle augmentation de sa rémunération présidentielle sitôt endossé sa fonction de chef de l’Etat français. En termes de proximité d’avec le peuple qui venait de l’élire, on pouvait en effet rêver à meilleure symbolique que ce pied-de-nez pas forcément adroit.

La carte disruptive efficace et probablement sincère de François Hollande a de facto fait le miel des médias qui s’en sont donnés à cœur joie pour conter les tribulations d’un homme normal devenu « président normal ». Que n’ont-ils pas par exemple glosé de long en large sur l’appartement parisien que le fraîchement élu « normal » souhaitait conserver comme résidence principale et à laquelle il a finalement dû renoncer à habiter sous la pression inflexible des services de sécurité élyséens.

Excès de normalité ?

Un président qui préfère le plateau de France 2 à son bureau de l’Elysée pour sa 1ère interview

Trois semaines plus tard, la normalité n’a de cesse d’encombrer les titres et les commentaires des éditorialistes. A croire que l’on est passé d’un monde totalement « anormal » à un monde enfin « normal ». Cette propension langagière irrigue désormais la couverture médiatique de n’importe quel acte de la présidence. Ainsi, lorsque François Hollande décide d’accorder son premier entretien télévisé en tant que président, Fabien Namias, chef du service politique de France 2, s’empresse de décrypter le geste sous l’angle de la normalité (1) : « On s’attendait à ce que ça ait lieu à l’Elysée ou au moins sur un plateau spécial chez nous et qu’on nous demande un entretien avec plusieurs journalistes comme c’est d’habitude le cas avec les présidents. Ça n’a pas été le cas. On est dans la banalisation de la communication du président « normal » ». Le mot magique est lâché encore une fois !

Autre exemple de la « normalité » en action : le déplacement en train à Bruxelles pour participer aux réunions mensuelles du Conseil européen. Le premier voyage fut un sommet de buzz médiatique pour montrer François Hollande embarquant dans le Thalys en lieu et place des coûteux moyens aériens mobilisés à chaque fois par Nicolas Sarkozy pour le même événement. Avec comme arbitre le député René Dosière, auteur de nombreux rapports sur le budget présidentiel et pourfendeur patenté des dépenses inutiles et exagérées. Pour ce voyage version Hollande, ce dernier établit que la facture est revenue à 2000 euros pour les finances de l’Etat, soit 30 fois moins que l’Airbus A330 et le Falcon 7X usités par le président battu.

Que le staff communicant de François Hollande veuille à tout prix se démarquer de l’approche un peu monarque et dispendieuse du prédécesseur peut se concevoir. L’intention est louable et nul ne doute qu’il y a effectivement matière à réviser le train de vie grassouillet de l’Etat mais attention à ne point trop en faire ! A force de dérouler les séquences de la « normalité » au pouvoir jusqu’à la satiété, le retour de bâton médiatique menace à plusieurs niveaux.

Un boomerang communicant en puissance

Le Falcon de la soirée électorale : premier coup de canif à la normalité ?

La normalité tant affichée est maintenant prétexte à un feu nourri de critiques plus ou moins étayées de la part des contempteurs du Président de la République. Tout devient sujet à polémique pour tenter de briser cette image de normalité voulue par François Hollande. La farouche opposition de droite ne s’y est d’ailleurs pas trompée dès le soir de l’élection en ricanant sardoniquement sur le Falcon affrété par le Parti socialiste pour convoyer en express François Hollande de Tulle à la place de la Bastille et célébrer sa victoire.

Plus récemment,  des chaînes de courriels ont essaimé dans lesquelles la cérémonie d’investiture du nouveau président est suspectée, chiffres à l’appui, d’avoir coûté trois plus cher que celle du sortant en 2007. Idem sur les forums, les réseaux sociaux et les blogs d’opposition où le savant calcul d’on ne sait qui est copié-collé à l’envi pour démontrer que cette soi-disant sobriété n’est qu’un artifice fallacieux.

Lire la suite du billet sur le Plus du Nouvel Observateur

Sources

(1) – Thomas Wieder – « Le premier journal de 20 heures d’un « président normal » » – Le Monde – 30 mai 2012