#AstuceDeCom – Retour sur l’incroyable coup de com’ de la Maison Blanche aux USA

D’ordinaire très institutionnelle et avec des mots pesés au trébuchet, la Maison Blanche a déchaîné cet été les passions sur les réseaux sociaux et Twitter en particulier. Tandis que le président américain, Joe Biden, venait d’annoncer un effacement partiel des emprunts étudiants pour les catégories les plus modestes, les élus républicains se sont montrés vent debout contre la décision. Qu’à cela ne tienne, le compte Twitter de l’institution a épinglé un à un les personnalités du camp adverse ayant bénéficié eux-mêmes d’une annulation de dette, avec un montant précis à la clé. Analyse d’une tactique imparable.

Dans un pays où le montant d’un emprunt étudiant peut très facilement tutoyer les dizaines de milliers de dollars (voire la centaine et plus) et induire des remboursements étalés sur de très longues périodes, le sujet est particulièrement inflammable. Il l’est d’autant plus que la crise du Covid-19 est venue fragiliser encore plus les foyers les plus modestes ayant des enfants qui poursuivent des études supérieures. Un chiffre communément cité par la Maison Blanche indique que près de 45 millions d’emprunteurs dans tout le pays doivent collectivement 1.600 milliards de dollars. Autant dire que le décret d’annulation partielle des charges était un enjeu politique majeur.

Tollé général !

Le 23 août, le célèbre compte Twitter @POTUS de Joe Biden confirme officiellement : « Conformément à ma promesse de campagne, mon administration annonce un plan visant à accorder un peu de répit aux familles issues des classes ouvrières et moyennes au moment où elles se préparent à reprendre le remboursement des prêts étudiants fédéraux en janvier 2023 ». Alors que les élections de mi-mandat se tiendront le 8 novembre prochain, l’annonce résonne grandement. Selon la Maison Blanche, les personnes gagnant moins de 125 000 dollars par an et les ménages touchant moins de 250 000 dollars par an seront éligibles pour bénéficier de cette mesure qui devrait concerner au total 20 millions d’Américains et coûter environ 300 milliards de dollars (2).

Dans le camp républicain, c’est le tollé général. Chacun y va de sa diatribe sur les réseaux sociaux et dans les interviews accordées à la presse. Ainsi, une figure du parti républicain déclare que cette mesure (3) « punissait injustement les Américains qui ont économisé pour l’université ou fait un choix de carrière différent ». Et le chef de file des républicains au Sénat, Mitch McConnell d’embrayer (4) : « C’est une gifle pour toutes les familles qui ont fait des sacrifices pour épargner pour l’université, pour tous les diplômés qui ont remboursé ».

Tel est pris qui croyait prendre

Plutôt que répliquer avec un long contre-argumentaire pas forcément audible du plus grand nombre (surtout sur les réseaux sociaux), la Maison Blanche va opter pour une tactique de communication chirurgicale face à ce qu’elle estime être une hypocrisie politicienne d’envergure de la part des Républicains. En s’appuyant sur son compte Twitter, l’institution recense alors un par un tous les élus républicains qui s’opposent à la mesure avant de répondre nominativement à chacun d’entre eux en précisant au chiffre près, les aides publiques que ces derniers ont touché durant la crise sanitaire grâce à des prêts fédéraux mis en place pour assurer le paiement des salaires dans les secteurs économiques durement touchés. Des prêts qui n’ont par ailleurs pas été totalement remboursés et qui ont parfois été effacés par le pouvoir fédéral.

La première à inaugurer cette salve communicante est l’élue républicaine de Georgie, Marjorie Taylor Greene qui avait déjà défrayé la chronique médiatique en confondant Gestapo et gaspacho ! La Maison Blanche rebondit sur son tweet comminatoire et indique sobrement que celle-ci a obtenu une réduction de sa dette de l’ordre de 183 504 dollars (environ 183 400 euros). Puis, c’est au tour de l’élu républicain de Floride à la Chambre des représentants Vern Buchanan, qui a bénéficié de 2,3 millions de dollars d’effacement de ses dettes. Le même qui clamait sur Twitter que « le cadeau irréfléchi et décidé unilatéralement (…) est injuste pour les 87 % d’Américains qui n’ont pas eu recours à un prêt étudiant et pour ceux qui ont respecté les règles » (5). Aucun élu d’opposition n’est omis et les internautes s’esclaffent à ce jeu du « tel est pris qui croyait prendre » !

A consommer avec modération !

Ce type de riposte communicante s’avère en fin de compte nettement plus efficace que les ping-pong rhétoriques sans fin et le jeu des petites phrases assassines. En assénant une information factuelle (et de plus en Open Data), la Maison Blanche cloue le bec à ses détracteurs et met brutalement en lumière leurs postures purement politiciennes et dogmatiques. Pour ces derniers, il devient de surcroît impossible de renchérir tant le chiffre annoncé ne souffre d’aucune contestation. Autre atout non négligeable de cette approche très pragmatique : l’écho enregistré auprès des internautes peu accoutumés à voir une institution être autant « punchy ».

Pour autant, ce genre de réplique ne fonctionne bien que s’il n’est pas employé abusivement et de façon répétitive. Le généraliser pour tout propos reviendrait alors à affadir l’impact que pareille réponse peut avoir dans des circonstances bien précises. Une chose est en revanche certaine. Rappeler la réalité crue des faits aux tartuffes de la politique permet de dégonfler les polémiques excessives. C’est ce qu’a brillamment démontré la Maison Blanche avec ce coup de com’ astucieux !

Sources

– (1) – « Etats-Unis : la Maison-Blanche épingle les personnalités ayant bénéficié d’un abandon de dette et qui s’y sont opposées » – Le Soir – 26 août 2022
– (2) – Pierre Bazin – « Sur Twitter, la Maison-Blanche affiche les élus opposés à l’annulation des dettes étudiantes… » – Konbini – 26 août 2022
– (3) – Margaret Oheneba – « Après l’annonce de l’annulation partielle de la dette étudiante, la Maison blanche trolle ces élus républicains » – The Huffington Post – 26 août 2022
– (4) – Ibid.
– (5) – Ibid.



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