Cyril Hanouna & médias sociaux : Va-t-on vers un populisme médiatique aggravé ?

C’est peu de dire qu’entre les « fanzouzes » de Cyril Hanouna sur les réseaux sociaux, l’animateur potache et sa bande de chroniqueurs de « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP), règne l’union sacrée. Dès qu’une polémique survient et égratigne le mogul de la chaîne D8, s’ensuit alors une avalanche d’attaques communautaires, souvent amplifiées par l’impétrant lui-même, contre celles et ceux qui osent émettre publiquement des avis divergents. Si techniquement, la mécanique est redoutablement efficace, ne constitue-t-elle pas à terme un risque de dérive populo-médiatique ?

Dernièrement, c’est le quinzomadaire Society qui a subi une blitzkrieg digitale en règle après avoir publié un long et édifiant reportage sur les coulisses de l’émission désormais « culte » de D8, « Touche Pas à Mon Poste ». Les deux journalistes, Victor Le Grand et Thomas Pitrel, ont pourtant consacré plus d’un mois à rassembler des témoignages et même interviewer par deux fois le grand sachem de la déconne en tube. Rien n’y a fait. Le fait même d’émettre des propos qui ne rentrent pas dans le cadre officiel de l’image de Cyril Hanouna et ses larrons, vaut aussitôt pénitence digitale. Les aficionados de l’émission surnommés alternativement par leur idole, les « fanzouzes » et les « beautés » ont ainsi pilonné de tweets incendiaires et pour certains insultants le magazine, son rédacteur en chef et les deux reporters.

Une mécanique victimaire bien rôdée

Hanouna - charlie-hebdoCe n’est pas la première fois que pareil scénario de tribunal populaire se produit sur Twitter et consorts. A chaque fois qu’une critique mordante ou qu’une voix dissonante se prononce à l’égard de TPMP et son chef incontesté, c’est immédiatement une bordée d’injures et de commentaires agressifs qui s’abat sur les trublions du moment. Ces deux derniers mois ont d’ailleurs été particulièrement nourris en controverses variées où systématiquement les fans de TPMP montent au créneau pour admonester les empêcheurs de tourner en rond. Qu’il s’agisse de la chronique grinçante de Bruno Donnet sur France Inter, de la Une particulièrement sarcastique de Charlie Hebdo une semaine plus tard ou du scoop du Canard Enchaîné révélant que l’animateur a menacé l’humoriste Julien Cazarre suite au refus de ce dernier de rejoindre la bande de TPMP, la communauté digitale fait bloc autour de l’émission et ses figures de proue.

Ensuite, Cyril Hanouna n’a plus qu’à surfer sur la vague numérique pour s’ériger en procureur implacable dans sa propre émission et exciter au passage encore un peu plus des twittos déjà bien chauffés à blanc contre celles et ceux qui écornent l’hagiographie médiatique du « roi du PAF ». Le cas du magazine Society n’a pas échappé à la règle. Après avoir laissé ses fans s’acharner durant tout un week-end sur Franck Annese, le rédacteur en chef et fondateur de Society, à travers deux hashtags spécifiques #OnAimeCyril et #AvecBabaJai, le « Lider Maximo » a alors prononcé sa classique diatribe victimaire dès le lundi soir en dénonçant « d’énormes conneries » pendant 20 minutes. Puis de laisser ensuite ses chroniqueurs affidés en remettre une couche ulcérée et complaisante, histoire d’enfoncer le clou et d’obtenir le K.O médiatique final auprès des fans qui se font alors un devoir empressé de viraliser à nouveau les mots de leur maître à penser. Pour la contradiction, on repassera sûrement !

Un poids digital conséquent

Hanouna - Tweets fanEn plus de décrocher des audiences plutôt significatives pour une émission diffusée sur une chaîne de la TNT (1.7 millions de téléspectateurs en moyenne chaque jour), il faut bien reconnaître que la notoriété de Cyril Hanouna explose les compteurs sur les réseaux sociaux. Il est ainsi la personnalité TV la plus suivie sur Twitter avec 3,23 millions de followers (en date de la rédaction de ce billet), loin devant ses challengers Sébastien Cauet (2,2 millions) et Arthur (1,66 millions).

A cette vaste communauté, il convient d’ajouter également celle du compte Twitter dédié à l’émission qui rassemble de son côté 1,94 millions d’abonnés. Et la puissance de feu numérique de l’animateur ne s’arrête pas là. Il peut de surcroît compter sur la popularité digitale de ses chroniqueurs les plus emblématiques comme Enora Malagré (610 000), Jean-Michel Maire (615 000), Gilles Verdez (277 000), Valérie Benaïm (530 000) et surtout Mathieu Delormeau (1,51 million). Tous sans exception ont les deux doigts sur la couture du pantalon dès lors qu’il s’agit de dégainer pour répercuter la parole du chef ou emplafonner verbalement les coupables de sacrilèges médiatiques envers Baba, surnom de Cyril Hanouna.

Ce dernier ne se prive absolument pas d’utiliser à son profit cet imposant réservoir de fans pour promouvoir ses émissions mais également en imposer à ses détracteurs comme le raconte un animateur victime qui tient à rester anonyme (1) : « Parce que Hanouna a une grosse communauté derrière lui, un public jeune, une cible très prisée en télé. Il y a aussi la peur de se faire défoncer que ce soit sur les réseaux sociaux ou pendant deux heures en direct tous les soirs dans son émission ». L’humoriste Elie Semoun en sait quelque chose. En septembre 2015, il avait ponctuellement intégré l’émission TPMP pour y proposer une nouvelle version de ses célèbres « Petites Annonces ». Le public n’a pas accroché. L’auteur comique raconte la suite (2) : « Je me suis jamais autant fait insulter sur Twitter que quand j’ai passé ces fameuses annonces. On a l’impression que c’est une secte. Quand on fait un truc nouveau chez Cyril, on se fait massacrer. Il faut être accepté par ses téléspectateurs ».

Troller n’est jouer

Hanouna - portraitLongtemps tricard à la télévision, Cyril Hanouna savoure indubitablement sa revanche. Après 4 saisons, TPMP est véritablement devenu un phénomène médiatico-communautaire dont il n’hésite absolument pas à se servir pour cultiver son image d’incompris des élites et des intellos qui rejettent la culture populaire qu’il prétend véhiculer. Problème : l’homme a nettement tendance à dévoyer les réseaux sociaux qu’il instrumentalise sans vergogne pour cogner contre tout ce qui s’oppose à sa petite personne d’une façon ou d’une autre. Avec cette façon de procéder, la conversation digitale est totalement perdue de vue au profit d’un trolling de masse effectué de plus par des fans dont l’intelligence et l’art de l’orthographe ne brillent guère.

Sans doute ivre aujourd’hui de son aura médiatique (et convaincu aussi de faire manger dans sa main Vincent Bolloré, le nouveau propriétaire de Canal +), Cyril Hanouna serait pourtant inspiré de prendre garde. En décembre 2015, il figurait dans le Top 5 des personnalités les plus détestées des Français selon une étude Voici – Harris Interactive. S’il possède pour l’instant l’atout indéniable du poids des chiffres tant en termes d’audience que de communautés digitales, le clivage populo-prout-prout qui ne souffre pas la contestation d’autrui a souvent une durée de vie limitée. Lui qui a connu les affres de la traversée du désert professionnel devrait s’en souvenir au lieu de s’ériger en procureur de la télévision aux blagues pathétiques et aux fans trolleurs. Crier au complot et faire beugler des acolytes aveuglément dévoués n’est pas une posture tenable à long terme. Surtout s’il advenait que la courbe d’audience se lasse de ces pitreries au fumet pas toujours ragoûtant. D’autres trolls pourraient alors entrer en scène !

Sources

– (1) – Victor Le Grand & Thomas Pitrel – « Touche pas à son poste » – Society n°26 du 4 au 17 mars 2016
– (2) – Joachim Ohnona – « Elie Semoun insulté par les fans de Cyril Hanouna » – Pure People – 23 novembre 2015

A lire en complément

L’interview du journaliste de Society, Victor Le Grand accordée à L’Express (8 mars 2016)
L’interview de Cyril Hanouna au supplément Télé Obs (20 décembre 2015)

 



2 commentaires sur “Cyril Hanouna & médias sociaux : Va-t-on vers un populisme médiatique aggravé ?

  1. laurent dupin  - 

    Dense et bonne analyse, que je partage en partie. Mais je nuancerai un peu plus votre angle critique, compte tenu de ce que se fade Hanouna. Je le pense partiellement dépassé par son propre bébé, et un concept somme toute assez binaire : de la critique potache sur plateau, de la vanne débridée et du buzz monté en mayonnaise sur les réseaux sociaux. Ca se retourne là un peu contre lui et la gestion de sa propre équipe. A lui de reprendre le contrôle et se dégonfler le melon…
    La suite par ici 😉 http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1493569-tpmp-n-enterrons-pas-cyril-hanouna-trop-vite-sa-machine-bugue-mais-dure.html

    1. Olivier Cimelière  - 

      C’est totalement vrai que le traitement médiatique du phénomène Hanouna n’est pas tendre. Loin s’en faut. Mais ne sème-t-on pas les germes ? Je partage votre analyse du bug … A Hanouna de reprendre ses esprits, calmer ses troupes et sortir de sa position victimaire. Pour le moment, on ne peut pas dire que cela soit franchement réussi. C’est tellement facile de demander à des fans de troller et insulter qui vous déplaît.

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