Influence digitale : De l’art de bien comprendre son écosystème avant d’agir avec le cas du vin Barone Ricasoli
A moins que vous ne soyez un œnophile très averti des vins italiens ou un consommateur suédois amateur de vin, la marque Barone Ricasoli ne vous évoque probablement rien. Pourtant, il s’agit à la fois d’une des plus anciennes entreprises vinicoles transalpines et une des marques de vins les plus consommées en Suède depuis plusieurs années. A un bémol près, la notoriété de la gamme du baron italien commençait à s’éroder auprès des jeunes générations suédoises. Cette dernière a choisi de s’appuyer sur un dispositif digital original et pointu pour regagner de l’influence avec succès. Analyse d’un cas d’étude duplicable dans divers secteurs.
Quand une marque patrimoniale et une opération digitale se rencontrent, cela peut donner des résultats particulièrement probants sans forcément requérir des budgets colossaux. C’est exactement le cas avec la plus que séculaire entreprise vinicole Barone Ricasoli qui a inventé la formule du célèbre Chianti en 1872 ! Depuis, la gamme de la société s’est sérieusement étoffée au fil du temps et l’exportation de ses produits (vins mais aussi grappa et huile d’olive) est devenue planétaire. A tel point que c’est la Suède qui constitue aujourd’hui l’un des débouchés commerciaux majeurs pour la marque issue de Toscane mais avec une tendance à la désaffection chez les nouvelles générations de consommateurs.
Collaboratif avant tout
Courant 2014, les dirigeants ont en effet constaté que les jeunes consommateurs étaient nettement moins enclins à savourer les tanins des vins toscans. Pendant 8 mois avec le concours de l’agence Pronto et de la plateforme de gestion d’influenceurs en ligne Traackr, ils ont imaginé une campagne digitale originale qui prouve si besoin était que l’analyse fine d’un écosystème et une approche collaborative bien ciblée au préalable engendrent de meilleurs résultats que l’obsession unique des « likes » avec achat massif d’espaces publicitaires. Si le digital s’est rapidement imposé comme un levier stratégique crucial pour conquérir la cible jeune, Barone Ricasoli n’a pas cédé pour autant à une tentation encore très prégnante en matière de communication Web : des jeux en pagaille et des annonces sponsorisées pour émerger au plus vite.
Au contraire, la priorité consistait à établir un engagement durable auprès des jeunes consommateurs peu familiers (voire pas du tout) de la marque et pas forcément spontanément intéressés par le vin. Pour cela, ils ont mis en place avec leur importateur suédois, WineWorld, une opération en ligne particulièrement différentiante : ouvrir un poste au sein même de l’entreprise vinicole en Toscane dont l’heureux élu aurait pour mission de participer à l’élaboration d’un vin ensuite vendu en série limitée chez Systembolaget, une chaîne de magasins de vins et de spiritueux appartenant à l’État suédois qui détient le monopole des ventes au détail de boissons alcoolisées de plus de 3,5 degrés dans le pays.
Identifier et évaluer les influenceurs
En revanche, il n’était pas question de cibler tous azimuts mais clairement d’engager avec la communauté suédoise des amateurs de vins et de déterminer en particulier des influenceurs clés (dont 4 figuraient dans le jury final) qui s’impliqueraient activement dans les différentes animations online programmées par la marque pendant plusieurs mois. En amont de l’opération, une analyse de fond des conversations a notamment été conduite via l’outil Traackr pour s’assurer de l’influence et l’intérêt réels des personnes au sujet de l’univers vinicole. C’est ainsi que 18 influenceurs à fort potentiel ont été détectés. A première vue, le volume peut paraître peu important mais au final, il s’agissait avant tout de dialoguer avec des acteurs à l’influence avérée et pas avec des profils évoquant ponctuellement le vin parmi leurs sujets de prédilection.
En termes de résultats et grâce à ce travail d’analyse en amont, Barone Ricasoli a reçu près de 700 candidatures et enregistré en particulier 61 000 visites sur le site Web événementiel (avec un temps moyen de connexion de plus de 2 minutes) et plus de 40 000 interactions en ligne à propos de la marque. Sans parler de résultats probants à l’échelle du marché suédois avec plus de 7,5 millions d’impressions sur les médias sociaux pour lesquels les influenceurs identifiés (notamment les 4 jurés blogueurs) ont été clés pour alimenter et relayer les conversations. Parmi les 6 finalistes pour le poste chez Barone Ricasoli, le vainqueur a même vu sa notoriété désormais dépasser les frontières nationales !
Quels enseignements ?
Pour Nicolas Chabot, vice-président EMEA de Traackr (1), le succès de l’opération réside dans trois critères fondamentaux (qui ne sont pourtant pas toujours autant pris en compte par les annonceurs et les agences). Cela passe d’abord par bien s’imprégner de l’écosystème digital existant, des acteurs et des conversations sur le sujet préempté pour distinguer les vrais influenceurs fiables qui pourront être des points d’appui motivés ultérieurement. Ensuite, il s’agit de créer un contenu et/ou une histoire réellement susceptible d’engendrer un engagement concret et durable auprès de la catégorie recherchée de consommateurs. Enfin, il est nécessaire que les communicants et marketeurs en charge de la marque consacrent du temps à écouter les conversations, parfois rebondir grâce à celles-ci pour créer de nouvelles opportunités et accroître ainsi la notoriété de la marque sur le long terme plutôt que s’inscrire dans un « one shot » capable d’amasser des millions de likes sur une courte période mais volatil au final.
En termes de coûts, l’intérêt de ce cas d’étude n’est pas non plus négligeable. Sophia Maule, coordinatrice marketing chez WineWorld, l’importateur suédois, est catégorique sur ce point (2) : « Les influenceurs en ligne deviennent de plus en plus puissants dans le paysage digital et nous voulions capitaliser sur ceci pour la campagne de Barone Ricasoli. La coopération avec les 4 blogueurs du jury, a généré des mentions et des impressions pour un coût très efficace, qu’il aurait été difficile d’obtenir en procédant autrement ». Au final, cette opération montre que le succès réside en grande partie par une connaissance fine de son écosystème de parties prenantes. L’affirmation peut sembler être une tautologie. Pourtant, combien de fois voit-on encore des opérations en ligne lancées parfois avec des budgets conséquents en zappant ou en minorant excessivement le temps consacré à l’approche des influenceurs et à l’analyse des conversations !
Sources
– (1) – Entretien avec l’auteur le 4 septembre 2015
– (2) – WineWorld Case study – « Putting influencers at the center of digital campaigns » – Traackr – 2015
Pour en savoir plus
– Consulter la présentation plus détaillée sur Slideshare
– Regarder la vidéo de l’opération (en anglais) sur Vimeo
Un commentaire sur “Influence digitale : De l’art de bien comprendre son écosystème avant d’agir avec le cas du vin Barone Ricasoli”-
Gentile Denis -
C’est un discours que l’on entend rarement et qui signifie une chose très simple : on peut faire autre chose ! La communication web, ce n’est pas refaire ce qui existe déjà comme « des jeux en pagaille » mais de tenter d’exploiter au mieux tout le potentiel du digital. Lhistoire de Ricasoli est exemplaire. Merci pour l’article. Je partage… sans modération 😉