Stratégie de communication & influenceurs : Quête impossible ou approche à réviser ? [Etude Cision]
Jamais la notion d’« influenceur » n’aura autant agité et torturé les méninges des communicants et des marketeurs que depuis l’avènement des médias sociaux. Puisque les relais d’influence classique ont parfois du plomb dans l’aile ou souffrent d’une défiance record comme les journalistes au sein de l’opinion publique, les « influenceurs » sont vite apparus comme la panacée digitale pour redorer une réputation, promouvoir des actions, des produits ou des services ou encore recueillir des idées. Comment les marques et les entreprises s’y prennent-elles et atteignent-elles vraiment les bons objectifs ? C’est à ces questions que s’efforce de répondre la dernière étude de Cision, éditeur de logiciels de RP et d’influence, dévoilée le 12 avril dernier.
Aujourd’hui, la simple évocation du mot « influenceur » dans un pitch ou dans une reco ressemble à la quête effrénée du Saint Graal numérique. Dans ce vertigineux maelstrom de contenus en ligne, comment parvenir à frayer son chemin, comment dénicher ces nouveaux acteurs influents capables d’emporter avec eux l’adhésion de toute une communauté là où une bannière publicitaire se fait bloquer illico, un article de presse se voit suspecté de connivence ou un communiqué de presse est assimilé à de la langue de bois patenté. Qui est donc ce mystérieux individu connecté auquel on prête d’insondables vertus d’influence ? Cision, l’éditeur américain de solutions logicielles pour les professionnels de la communication, les RP et le marketing, s’est penché sur le sujet. Petite synthèse des enseignements à retenir … et de certaines confusions qui persistent !
L’influenceur, quasi égal du journaliste
S’il est une chose sur laquelle tout le monde est à peu près d’accord, il s’agit de la nécessité d’englober les influenceurs parmi les cibles prioritaires d’un plan stratégique de communication, RP et/ou marketing. 66% des 500 répondants de l’enquête effectuée par Cision entre le 15 février et le 1er avril 2016 affirment avoir par conséquent intégré ce profil dans leurs dispositifs, notamment chez les professionnels des RP où le taux atteint même 79%. Au même titre que celui des journalistes, le rôle de l’influenceur ne se discute donc même plus là où il y a encore quelques années, il était communément vu comme un hurluberlu geek avec certes une « grande gueule » mais pas forcément d’écho, ni de légitimité.
Lorsqu’il s’agit en revanche de définir le profil d’un influenceur, la donne se complexifie quelque peu. En dépit des critiques récurrentes et du mal-aimé qu’il est dans l’opinion publique, le journaliste demeure clé comme interlocuteur. De fait, un article publié par exemple dans Les Echos ou Le Monde n’exerce pas la même influence qu’une tribune émanant d’un blog ou d’une vidéo même si ces derniers peuvent très bien faire exploser les compteurs d’audience. L’influence conférée au blogueur réside en fait dans les publics plus spécifiques auxquels il s’adresse. Autant les médias classiques restent l’endroit où il faut être vu, lu et entendu par les décideurs, autant les blogs permettent de toucher des communautés pas forcément férues de presse quotidienne ou à la consommation médiatique plutôt aléatoire.
Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que le blogueur figure solidement en 2ème place parmi les acteurs d’influence prépondérants cités par le panel de l’étude Cision avec un taux de 74% (contre 83% aux journalistes). Pour autant, le portrait-robot de l’influenceur contemporain ne se cantonne pas au détenteur d’un blog. 59% des professionnels interrogés ajoutent également les experts comme levier d’influence à considérer et 49% des personnes qui sont très suivies sur les réseaux sociaux comme par exemple les Youtubers, les Instagramers ou les Twittos. En revanche, c’est plutôt le bide du côté des lobbyistes puisque ceux-ci ne sont inclus qu’à hauteur de 17% alors qu’on leur prête paradoxalement et généralement beaucoup d’influence, allant parfois jusqu’à fournir du copier-coller prêt à diffuser pour des textes réglementaires votés à l’Assemblée nationale et au Sénat !
Le contenu, hameçon à influenceur ?
Pour toucher et intéresser cette armada hétéroclite des influenceurs, le contenu est unanimement brandi comme la pierre philosophale à 90%. Si les formats peuvent largement varier (livres blancs, webinars, infographies, articles, vidéos, études, etc), l’éditorial constitue clairement le canal privilégie pour tisser des liens avec ce type d’acteurs. Pour certains qui ont atteint une maturité et une culture digitales plus conséquentes, le contenu est complété avec des événements spécifiques qu’ils soient festifs, ludiques ou informatifs.
Pourtant, l’étude Cision souligne une contradiction plutôt intéressante. Qu’ils soient communicants, marketeurs ou attaché(e)s de presse, aucun ne se déclare majoritairement satisfait des retombées obtenues. Ils reconnaissent même éprouver des difficultés à obtenir leur attention et par ricochet leur implication à propos des contenus proposés d’autant que certains influenceurs n’hésitent pas à demander en retour une rémunération. Ensuite, ils ont également du mal à évaluer clairement l’impact généré par les relations avec ces influenceurs.
Dès lors, pourquoi un tel hiatus persiste alors même que l’influenceur n’a jamais été autant au centre des préoccupations des stratégies de communication et marketing des marques et des entreprises. En lisant en détails l’étude Cision, un début très concret de réponse saute aux yeux. Même si cela n’est pas dit explicitement, la relation avec les influenceurs est encore considérée via un état d’esprit très descendant hérité de la communication classique. Ainsi, à la question de l’étude « pourquoi développez-vous des relations avec les influenceurs », près de 8 répondants sur 10 fixent comme objectif premier que ceux-ci relaient l’actualité d’une marque dans leur blog ou leur espace d’expression digitale. Ils sont encore près de 8 sur 10 à également attendre des influenceurs qu’ils viralisent les contenus ainsi fournis. Et sur les événements où ils sont invités, c’est peu ou prou la même philosophie qui prévaut. 7 professionnels sur 10 misent sur leur simple présence pour obtenir une plus grande audience.
L’influence se bâtit … mutuellement
C’est probablement là où le bât blesse encore chez nombre de professionnels qui tâtonnent avec une certaine frustration dans les relations qu’ils engagent avec les influenceurs. Ceux-ci (comme les journalistes d’ailleurs !) ne sont pas des porte-voix ou des machines additionnelles à uniquement générer du clic et de la viralisation de contenus. Tant que persistera cette vision utilitaire (voire utilitariste) de l’influenceur, il est fort à parier que les désillusions persisteront sans parler des budgets dépensés en pure perte ou alors avec des effets mineurs.
Au sein de l’échantillon réalisé par Cision, quelques-uns indiquent cependant la voie à suivre qui est celle d’une plus grande interactivité et collaborativité. 6 sondés sur 10 disent notamment qu’ils attendent en retour des commentaires et des opinions sur leur produit ou leur image. 5 sur 10 invitent des influenceurs à leur événement pour qu’ils soient eux-mêmes intervenants et pas simples spectateurs d’une conférence thématique. A cet égard, il sera intéressant de suivre dans le temps l’évolution (ou pas) des pratiques. Encore trop souvent l’influenceur est vu à travers le prisme d’un logiciel de mesure où le chiffre fait uniquement foi. Pourtant, n’importe quel professionnel un peu chevronné et pragmatique vous confirmera que c’est de la qualité réciproque d’une relation qui se noue la véritable et efficace influence et pas forcément la quantité de followers (ceci d’autant plus que la triche et les biais techniques sont fort répandus). Tant que l’on restera sur des approches très top-down qui suintent la bonne vieille conférence de presse systématique, l’on risque d’avoir des influenceurs peu enclins à écouter le discours qui leur est proposé ! En revanche, une collaboration mutuellement contributive peut grandement aider à soutenir efficacement sa stratégie de communication.
Un commentaire sur “Stratégie de communication & influenceurs : Quête impossible ou approche à réviser ? [Etude Cision]”-
Judex Lantou -
Merci pour avoir pris le temps d’écrire et de publier cet article particulièrement riche d’informations utiles à un rédacteur web freelance comme moi. Grâce à ces informations, je vais pouvoir déterminer plus facilement mes potentiels clients: professionnels du marketing, de la communication et de relations de presse.