Usage des réseaux sociaux : le Conseil d’Etat prône de redonner le contrôle à l’utilisateur

Parmi les 17 propositions d’amélioration de la régulation des réseaux sociaux contenues dans son étude annuelle dévoilée le 27 septembre, le Conseil d’Etat exhorte à un rééquilibrage des forces entre les plateformes numériques et les utilisateurs qui n’ont bien souvent guère leur mot à dire. Morceaux choisis d’un ouvrage roboratif qui pousse à la réflexion sur la prégnance de plus en plus poussée des réseaux sociaux dans la vie démocratique et socio-économique.

Dans ce panorama particulièrement exhaustif auquel s’est astreint le Conseil d’Etat sur le poids acquis par les réseaux sociaux dans la société, les sujets ne manquent pas. Même la dimension environnementale s’est invitée à la table des débats à propos de l’empreinte écologique particulièrement préoccupante de l’écosystème global des outils numériques et pour lequel la prise de conscience est encore embryonnaire. Avec une priorité cruciale sur quasiment tous les thèmes et enjeux : redonner le contrôle à l’utilisateur dans l’exercice de ses droits.

Le « tout ou rien » des CGU

Premier point d’envergure soulevé par les auteurs de l’étude annuelle du Conseil d’Etat sur les réseaux sociaux : les fourches caudines des CGU (Conditions Générales d’Utilisation). Aujourd’hui, c’est pratiquement la règle du « tout ou rien » qui s’impose à l’utilisateur d’une plateforme. Autrement dit, soit ce dernier se plie intégralement aux règles édictées (notamment en matière de protection des données), soit il se voit bouté illico et sans possibilité de bénéficier des services. Cette absence de demi-mesure apparaît comme préjudiciable pour les rapporteurs.

Ceux-ci recommandent par conséquent la création d’une instance de concertation au niveau de la Commission européenne qui rassemblerait des associations d’utilisateurs et des représentants des plateformes. Objectif : définir un socle minimum de règles nécessaires pour les CGU et y adjoindre des paramétrages que chacun serait libre d’ajuster en fonction de ses souhaits et de ses habitudes de navigation. Ce qui permettrait ainsi à l’utilisateur d’avoir un plus grand contrôle sur les données et les traces numériques qu’il laisse lors de sa navigation sur les plateformes.

Une idée collaborative séduisante en soi mais qu’il sera probablement très dur de faire accepter par les géants des réseaux sociaux, déjà peu enclins à se voir imposer des brides réglementaires en matière de recueil et d’exploitation des données utilisateurs et qui ont longtemps renâclé face à la prochaine entrée en vigueur du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA) au niveau de l’Union européenne.

Anonymat, déviances et haine en ligne : l’impossible équation ?

L’étude annuelle du Conseil d’Etat aborde également la question sensible de l’anonymat sur les réseaux sociaux. Entre les tenants inflexibles de la philosophie originelle permettant l’anonymisation et les adeptes forcenés de l’interdiction radicale de tout masque numérique, les débats demeurent vifs pour placer le curseur à sa juste mesure. Pour autant, les rapporteurs ne croient pas à l’efficacité de la levée de l’identité derrière les pseudos d’autant qu’ils rappellent que ceux-ci peuvent tout à fait se justifier dans certains contextes spécifiques (témoignage dans un régime totalitaire, lanceur d’alerte dans une organisation, etc). Pour eux, le pseudonyme est un vecteur de liberté d’expression.

Pour tenter de faire avancer la discussion en dehors des positions figées, les auteurs du rapport suggèrent le recours au « tiers de confiance » numérique tel qu’il fonctionne actuellement par exemple pour la validation (ou non) de l’accès d’un mineur à certains services spécifiques. Le tiers reçoit la requête de validation mais sans en connaître le fond. En retour, il accepte (ou pas) et permet ainsi à l’autre personne de garantir sa confidentialité. Seule exception à la levée du pseudonymat : lorsque des cas patents de déviance interviennent, c’est alors à la force publique de s’en saisir via des réquisitions et mettre un terme.

Dans le même ordre idée pour prévenir les déviances (haine en ligne, harcèlement, etc), les auteurs de l’étude évoquent la proposition de mieux et plus mettre en avant les boutons de signalement que les plateformes mettent à disposition des utilisateurs. Bien souvent, il faut farfouiller dans les multiples pages de conseils avant de trouver la fonctionnalité. Dans leur esprit, cette mise en avant accrue permettrait de mieux juguler les comportements déviants.

A une condition expresse toutefois : se doter d’un guichet unique pour les signalements suffisamment doté de ressources afin d’orienter vers les bons interlocuteurs pour ne pas les noyer sous les demandes. Le cas de Pharos est à cet égard emblématique. La structure reçoit près de 300 000 signalements par an alors qu’elle ne compte en son sein qu’une cinquantaine de personnes.

Stimuler les réflexions et la prospective

Le grand mérite de ce rapport est d’avoir décortiqué les réseaux sociaux sous tous les facettes possibles et de traiter les problématiques les plus cruciales liées à chacun des aspects. Bien que l’ouvrage n’ait que force de recommandation, il permet au moins d’alimenter et d’étoffer le débat avec des arguments de référence.

Il n’est pas non plus sans fournir un peu de prospective avec des questions émergentes ou encore embryonnaires mais amenées à connaître un authentique essor dans les années à venir. C’est le cas notamment des métavers et la modération des contenus et des comportements (lire à ce propos l’article du Blog du Communicant).

Autre mérite : remettre le projecteur sur des sujets qui sont encore escamotés mais qui constituent pourtant des interrogations majeures comme envisager une possible interdiction du ciblage publicitaire (dont la granularité ne cesse de progresser), réfléchir sur le devenir des profils numériques d’une personne décédée ou encore approfondir les possibilités juridiques du droit à l’effacement de l’empreinte numérique de chacun.

Pour en savoir plus

Lire l’article du Conseil d’Etat sur le rapport annuel 2022
– Télécharger l’ouvrage (citer sur le lien à la fin de l’article ci-dessous)
– Suivre l’actualité du Conseil d’État sur Twitter : @Conseil_Etat



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