[Etude Saper Vedere] – LinkedIn & les dircoms : Qui sont-ils, que font-ils, que doivent-ils faire ?

LinkedIn est le réseau social professionnel par excellence où l’on travaille son image et son employabilité tout en y exerçant une certaine influence parmi ses pairs. Les directeurs et directrices de la communication n’échappent pas à ce canal qui est même un must dans le profil d’un communicant. Saper Vedere, cabinet de conseil et d’étude des écosystèmes digitaux, s’en penché sur cette population particulière. Elle qui recommande à longueur de temps à ses dirigeants de prendre pied sur LinkedIn, allie-t-elle pour autant les paroles et les actes ? Synthèse des enseignements de l’étude dévoilée le 6 mai 2021.

Du 1er septembre 2019 au 1er août 2020 (dont une partie en pleine pandémie du coronavirus), les analystes de Saper Vedere ont décortiqué 6 782 publications faites sur LinkedIn par 129 directeurs de la communication de divers secteurs d’activités et les 224 730 likes qui en ont découlé. Un vaste corpus qui permet une plongée fine dans la façon dont un dircom exploite aujourd’hui le potentiel de LinkedIn, gère ses contenus et les interactions qu’il suscite parmi ses communautés.

Dis-moi ce que tu postes, je te dirai qui tu es

Twitter étant souvent l’autre outil de prédilection des dircoms, l’étude de Saper Vedere a mis en regard les profils types qui se dégagent sur le réseau de l’oiseau bleu pour le comparer aux profils récurrents sur LinkedIn. Dans le premier cas, 3 catégories majeures émergent : l’influenceur sectoriel comme Stéphane Fort, directeur de la communication de Dassault Aviation, qui a fait des transports son territoire d’expression privilégié. Ensuite, on trouve des dircoms qui se positionnent en tant d’expert métier et au fait des tendances comme Hervé Monier, directeur de la Marque Groupe de Nexans. Enfin, le dernier groupe est constitué de communicants ambassadeurs qui portent fortement la voix et l’image de leur entreprise comme Marie-Christine Lanne chez Generali ou encore Béatrice Mandine chez Orange.

Cette typologie se retrouve peu ou prou sur LinkedIn mais avec une dominante : les lignes d’expression sont moins marqués. Certains se feront ambassadeurs tout en partageant des articles et des informations sur un secteur ou une thématique précise (ou plusieurs). C’est par exemple le cas de Renaud Czarnes, directeur de la communication de RTE qui répercute régulièrement les actualités de son entreprise tout en alternant avec des posts sur des créations publicitaires, des causes (le cancer et la Shoah). Au final, Saper Vedere relève que « les plus influents d’entre eux possèdent un profil hybride à dominance d’ambassadeur externe ».

Interaction, vous avez dit interaction ?

La majorité des dircoms inclus dans l’étude est globalement active. En revanche, cette présence est-elle suivi d’engagements avec les communautés abonnées. Oui, dans l’ensemble mais avec quelques bémols à préciser. L’interaction se produit d’abord et essentiellement dans le secteur d’activité où évolue le dircom comme Patrice Bégay, directeur de la communication de Bpifrance dont le réseau est avant tout constitué d’acteurs bancaires, financiers et autres. Ensuite, note l’étude, « les publications des directeurs de la communication restent cantonnées au réseau direct du directeur. Il se compose d’un réseau interne à leur entreprise, ainsi que d’un réseau lié au parcours professionnel ».

Cette « consanguinité » plus ou moins affirmée varie au gré du parcours professionnel du dircom. Si ce dernier possède une forte ancienneté dans une entreprise et/ou une longue dans un même secteur, la communauté acquise sera avant tout très silotée. Cet aspect sera plus modulé pour celles et ceux qui ont connu plusieurs entreprises et différents secteurs. En revanche, un point revient systématiquement. Une grosse proportion des likes est « générée par des fonctions collaborant avec les directeurs de la communication » au sein de l’entreprise. Ce qui rend au bout du compte LinkedIn comme un puissant outil de visibilité … interne !

Quelle est la teneur des contenus publiés ?

Sur Twitter, les conversations des directeurs de la communication s’articulent en priorité autour de sujets comme la RSE (transition énergétique, changement climatique, l’équité des genres, l’inclusion féminine), l’innovation (digital, intelligence artificielle, énergie, nouvelles technos, etc) et les événements du moment (Vivatech, CES de Las Vegas ou … les compétitions internationales de football). A quelques détails près, ce panorama se retrouve dans les publications LinkedIn avec également des posts à connotation plus sociétales (comme l’inclusion, la diversité) mais aussi sur la crise sanitaire qui a frappé de plein fouet les entreprises à tout niveau (chute de l’activité ou hausse pour certains, sécurité des collaborateurs, réorganisation du travail, etc).

Le seul point de différent notable d’avec Twitter est l’aspect du réseautage. Les dircoms s’inscrivent clairement dans cette démarche. Pour d’aucuns, c’est même un canal de prédilection pour publier des offres d’emplois lorsqu’ils vont étoffer leur équipe. Enfin, dernier point à retenir : le personnel. Peu de dircoms entrouvrent la fenêtre sur des sujets plus personnels. Pourtant, et l’étude le confirme, bien que ce type de post soit rare, c’est celui qui recueille le plus d’engagement de la part des abonnés. Sans doute un effet concret de la lassitude de voir défiler des contenus bien trop fréquemment policés et aseptisés à la formulation tellement prévisible.

Comment améliorer et élargir l’espace d’expression ?

Pour s’extraire de ce tropisme au caractère institutionnel un peu trop poussé, le cabinet Saper Vedere propose d’accentuer la personnalisation des contenus partagés par les dircoms. L’humain et l’engagement sont des vecteurs appréciés et pourtant, encore minorés par nombre de communicants qui se bornent à rester sur l’actualité de l’entreprise et évitent globalement tout sujet plus émotionnel, voire piquant. Pourtant, l’essence même de la fonction de dircom est l’axe relationnel, ne serait-ce qu’à travers des contributions à des conférences, des remises de prix, des actions du terrain. Cette facette personnelle constitue clairement un axe éditorial à développer.

Pour l’auteur du Blog du Communicant (qui vient de revenir dans le monde corporate après plusieurs années de conseil), cette étude vient une fois de plus souligner la grande timidité des communicants. S’ils sont certes présents et plutôt actifs, rares sont ceux qui s’essaient (tant sur Twitter que sur LinkedIn) à évoquer en parallèle de leur rôle et de leur univers professionnel, des passions plus personnelles comme le fait excellement bien Frédéric Vallois, directeur de la communication interne de Vivendi qui parle de manière touchante et convaincante de son idole tennistique, Roger Federer. Ce genre d’aspérité est appréciable et humanise pleinement le profil digital du dircom. Il évite aussi à ce que son fil d’actualités devienne un tombereau de contenus trop statiques et en fin de compte, ennuyeux pour ses lecteurs.

La curation de contenus est un autre levier dont peu de dircoms s’emparent là aussi. Pourtant, la matière est à portée de mains, ne serait-ce que par la revue de presse que reçoit quotidiennement le communicant. Il y a là des opportunités de partager des articles de fond sur tel ou tel sujet. Pas question que sa société soit systématiquement citée pour qu’on veuille le diffuser à ses communautés. Sans verser dans le bavardage débraillée ou le psittacisme saoulant, le dircom doit cultiver un profil plus empathique. Il n’est pas un homme-sandwich mais également un observateur de la société et de ses enjeux pour lesquels son entreprise est inéluctablement amenée à agir. Desserrons cols et cravates ! Même sur LinkedIn où l’asepsie des discours confine souvent à la vacuité. Osons !

En savoir plus

– Lire l’article de l’ADN consacré à cette étude (7 mai 2021)
– Télécharger l’intégralité de l’étude