[Coup de gueule] – Dirigeants, un communicant senior n’est pas une ressource avariée ou un boulet !

Passé un certain âge, il est de bon ton de mettre au placard ou de lâcher un gros chèque pour se débarrasser d’un professionnel de la communication qui a franchi la barre fatidique du quinquagénaire. En dehors des cas patents et justifiés de non-performance (ça existe), les motifs relèvent souvent du préjugé, du cliché ou de la mauvaise foi pour planquer des pratiques pas toujours élégantes et souvent obnubilées par le jeunisme, le court-terme et la recherche du toujours moins cher. Et si les dirigeants d’entreprise (et leurs DRH) arrêtaient enfin les bêtises ?

Sur le papier pourtant, nombreuses sont les entreprises à se targuer de faire la part belle aux seniors. A grand renfort de belles phrases verbeuses, on tartine goulûment les concepts de l’inclusion, de la diversité, de la transmission intergénérationnelle pour bien se faire voir dans les classements « grète plaisse tou ouorque ». Dans la vraie vie et dans l’arrière-cuisine des RH, c’est fréquemment un scénario différent qui se trame où le senior est vu comme un mistigri qu’on aimerait bien refiler soit à un autre service, soit l’inviter à aller voir ailleurs. Parole de communicant senior que je suis, vous avez tout faux et voici pourquoi !

Le communicant senior est trop cher

Ah l’imparable argument du portefeuille ! Comme si un/e dircom expérimenté/e devait soudainement se brader comme les barquettes de fruits ou de légumes qu’on vend en fin de marché en cassant les prix pour les écouler à tout prix. Quelle est cette lubie de vouloir rétrograder financièrement des profils qui ont une expérience avérée ? Sans doute pour privilégier des jeunes fraîchement émoulus de l’école ou des managers trentenaires aux prétentions financières moins gourmandes.

Grave erreur ! Un communicant chevronné entend juste être payé à la hauteur de la valeur ajoutée qu’il peut apporter à une entreprise. Cela ne signifie pas pour autant qu’il rêve de ponts d’or comme il peut en exister dans certaines sphères des grands groupes internationaux. Simplement, la période des soldes ou de marchandage de tapis n’est pas de mise lorsqu’on veut attirer de l’expertise. De plus, tout miser sur les jeunes n’est pas forcément un calcul financier pertinent. Les dernières générations sont particulièrement volatiles et sans état d’âmes dès lors qu’il s’agit de prendre ce qu’il y a à prendre et de partir. Souvent, faute de perspectives et de management expérimenté.

Le communicant senior fait peur

Intégrer un communicant qui a roulé sa bosse dans une équipe fait clairement peur à certains directeurs/trices de la communication. Et si jamais, c’était un méchant cheval de Troie qui mettait à jour certaines failles techniques et managériales du boss ou pire, un requin grisonnant à l’affût de la place du calife de la com ? Certes, il y a sans doute quelques indésirables de ce genre qui traînent sur le marché du travail. Mais de là à en faire une généralité, c’est une vue de l’esprit absolument réductrice.

Un senior est plus proche de la fin de sa carrière que de son début. Son ambition professionnelle et ses aspirations ne sont plus vraiment dictées par des envies de galons ou des manœuvres politiciennes pour être bien en cour auprès du PDG. Au contraire ! Ce qui motive un vétéran de la com, c’est la possibilité d’aider un quadra à développer sa carrière et monter en gamme. C’est pouvoir former des juniors et leur apprendre des compétences que l’on n’acquiert pas sur les bancs de l’université. Les coups et les chausse-trapes, on connaît et on a donné. On aspire plus à la cohérence où tout le monde sortira gagnant.

Le communicant senior est un « has-been »

Encore un cliché largement répandu qui veut qu’une certaine génération aux temps grisonnantes en soit restée au stade des cromalins, des planches contact et des bons à tirer. Le numérique et les réseaux sociaux seraient les cauchemars de ces ex-étoiles flétries qui regrettent le temps de l’encre qui tâchait les doigts. Figurez-vous que nous ne sommes pas tombés dans une faille spatio-temporelle où notre métier ressemble à un musée Grévin de la communication. Alors certes, d’aucuns sont parfois moins agiles avec le digital mais ils savent encore différencier Twitter de TikTok et Facebook de LinkedIn. Ils en mesurent même mieux les opportunités et les dangers que certains juniors aux doigts cliqueurs tellement lestes et l’esprit trop pressé.

Et non, nous ne sommes pas nostalgiques des temps plus anciens. Au contraire, nous sommes encore capables de travailler à la création de belles brochures tout en les couplant avec un dispositif numérique. Nous avons une large palette de connaissances à faire valoir. Nous sommes également opérationnels bien plus rapidement qu’un communicant en culotte courte. A force d’avoir baroudé dans différentes fonctions, le monde de l’entreprise, sa gouvernance et ses préséances, nous est globalement familier et de fait, le risque d’erreur est amoindri.

Le communicant senior est un pré-retraité

A l’heure où le gouvernement s’apprête à réformer le régime des retraites en allongeant la date de départ, croyez-vous sérieusement que nous sommes des bataillons de communicants en chaussons à s’être mis en mode pilote automatique en attendant la quille ? La plupart a encore la grinta et l’envie de contribuer. En plus, beaucoup d’entre eux n’ont plus d’enfants à charge ou ne rentrent plus à 4 heures du mat’ après une soirée un peu chargée ! Cette disponibilité retrouvée est un atout pour l’entreprise. Plus besoin d’aller courir à la crèche ou à la petite école pour récupérer le petit dernier et devoir zapper ou jongler avec une réunion de crise imprévue.

Et puis un communicant senior, c’est généralement l’opportunité d’intégrer quelqu’un qui dispose d’un réseau professionnel pointu là où un plus jeune aura du mal à accéder à certains interlocuteurs ou à dénouer des dossiers emberlificotés. Enfin, ce senior n’est pas obligatoirement accroché mordicus à sa soi-disant zone de confort. Encore une fois, on aime aussi l’innovation et l’évolution.

Le communicant senior est une tête de mule

Alors, disons-le franchement ! Un communicant expérimenté est effectivement moins dupe des faux-semblants, des opérations de communication cosmétique, de la novlangue managériale qui mitraille à tout va de la « bienveillance », de « l’empathie », de la « résilience », etc, etc. Oui, il/elle a globalement un esprit critique plus affirmé. Mais cette capacité de discernement n’est pas forcément à voir comme un agaçant caillou dans la chaussure. Elle peut au contraire éviter de reproduire un certain « bullshit » corporate qui continue de sévir malgré la défiance de plus en plus prononcée des publics internes et externes de l’entreprise.

De même, notre résistance au changement (dont n’importe quel humain est doté même plus jeune !) n’est pas en titane inflexible. Certes, nous sommes capables de remettre en cause certaines pratiques ou directives mais moins pour bougonner comme un papy ronchon que pour faire avancer les choses et améliorer ce qui peut l’être en termes d’efficacité et de bonne ambiance. Le fait d’avoir du vécu aide à vite saisir ce qui marche et ce qui déraille au-delà des modes et des effets de manche.

Alors après cet inventaire des poncifs collant aux basques des communicants seniors, êtes-vous convaincus qu’il faudrait enfin arrêter de nous regarder comme des trucs périmés ayant fait leur temps ou des ringards qui n’attendent plus que les parties de belotte avec les potes de l’Ehpad !

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4 commentaires sur “[Coup de gueule] – Dirigeants, un communicant senior n’est pas une ressource avariée ou un boulet !

  1. Louit Nathalie  - 

    Je vous remercie beaucoup Monsieur Cimelière pour ce petit billet corrosif, décapant, brillant et teinté de vérités !
    Je suis engagée depuis 6 ans sur ce sujet de société brûlant concernant le maintien des seniors sur le marché de l’emploi.
    J’ai été amenée à rédiger des petites tribunes sur le sujet dans le Huffpost.
    Continuez à écrire sur le sujet . La situation est intenable .

    Merci

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