Glassdoor, ce site de notation qui défie la communication interne et la marque employeur de papa !

Glassdoor deviendra-t-il bientôt le « Trip Advisor » du marché de l’emploi comme il se plait à s’auto-définir ? S’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions formelles, force est de reconnaître que ce site américain d’offres d’emploi et de notation des entreprises constitue une nouvelle équation réputationnelle à résoudre pour les communicants internes et les DRH. Créée en 2007 aux Etats-Unis, la plateforme collaborative vient tout juste de lancer sa version française depuis mi-octobre 2014. Tour d’horizon d’un challenge qui ne fait que commencer en France.

Et si vous disposiez d’autres informations plus précises sur l’entreprise où vous convoitez un poste ? Des informations qui seraient nettement plus proches de la réalité par rapport à celles contenues dans les descriptions de poste souvent enjolivées des cabinets de recrutement ou des discours un brin emphatiques des employeurs. Utopie ? Plus vraiment depuis que trois managers américains issus de l’industrie des nouvelles technologies ont eu l’idée de créer en 2007 un « job-board » proposant des offres d’emplois où il est possible d’avoir un avant-goût de la vie de l’entreprise plus conforme à la réalité en termes d’ambiance au travail, de culture corporate, de politique salariale et de progression de carrière. Pari réussi puisqu’aujourd’hui, la start-up de Robert Hohman, Rich Barton et Tim Besse affiche 28 millions de membres dans le monde et débarque en France.

Corriger un hiatus originel dans la marque employeur

Glassdoor - Capture AtosA l’heure où le concept de marque employeur bat son plein et peaufine ses outils pour attirer les meilleurs talents et fidéliser les collaborateurs les plus performants, Glassdoor a délibérément choisi de faire œuvre de transparence sur le marché de l’emploi. Depuis sept ans, le site ne se contente effectivement pas de diffuser des annonces proposant des postes à pourvoir en entreprise. Il met également à disposition des candidats, une gigantesque base de données où sont compilés les avis de salariés actuels et/ou anciens relatifs à leur propre expérience dans l’entreprise concernée. Objectif : permettre à chacun de se forger une opinion plus consistante envers une entreprise qui ne soit pas uniquement nourrie par le discours corporate de cette dernière.

L’approche ne relève pas pour autant du forum défouloir en ligne. Elle entend au contraire recueillir quantité de données factuelles à travers une grille d’évaluation passant au crible des sujets cruciaux comme la politique salariale de l’entreprise, les perspectives d’évolution, le style de management des hauts dirigeants, la culture interne ou encore le processus de recrutement. Autant d’informations sur lesquelles les entreprises, DRH et cabinets de recrutement en tête, ne s’épanchent guère volontiers. Ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser de problèmes comme le met largement en évidence la récente étude menée conjointement par Glassdoor et Harris Interactive et publiée en novembre 2014 (1). 32% des salariés français déclarent occuper un poste qui ne satisfait pas leurs attentes et 29% jugent qu’ils ne disposaient pas de toutes les informations lorsqu’ils ont accepté ce poste.

Une base qui se veut particulièrement représentative

Glassdoor - sloganEn 7 ans d’activités aux USA et au Royaume-Uni, Glassdoor a véritablement bâti un corpus de données où l’aléatoire et le subjectif sont écartés au maximum au profit de la pertinence la plus grande possible. Dirigeant des opérations françaises de Glassdoor, Pierre Moreau est sans ambages sur le sujet (2) : « Nous voulons des avis qui soient les plus constructifs possible. Ils n’ont pas le droit de nommer une personne si elle ne fait pas partie de la direction et les avis de plus de deux ans n’entrent plus dans les statistiques ».

Au moment où Glassdoor pose les pieds dans l’Hexagone, le site revendique 28 millions de membres inscrits sur la plateforme, 18 millions de visiteurs uniques mensuels (3) ainsi que 300 000 entreprises répertoriées à travers 190 pays dans le monde. Rien que pour la France et avant même de proposer sa version locale, la plateforme abritait déjà plus de 15 000 avis français au sujet d’entreprises nationales et de filiales de groupes étrangers opérant en France. Des chiffres qui soulignent par conséquent l’appétence particulièrement prononcée des internautes pour une transparence accrue sur le marché de l’emploi comme le confirme Pierre Moreau (4) : « Glassdoor se nourrit des contenus publiés par des salariés anonymes, ou employee-generated content (EGC). C’est une porte ouverte sur des renseignements et des avis de l’intérieur concernant les conditions de travail, formulés par ceux qui en parlent le mieux : les salariés eux-mêmes ».

Anonyme mais pas n’importe comment

Glassdoor - mobilesA ceux qui pourraient s’inquiéter de dérives et de distorsions d’image que l’anonymat des contributeurs induit potentiellement, Glassdoor est inflexible sur le sujet (5) : « Nous allons apporter de la transparence au sein des groupes français. Après tout, Internet a une culture de notes. Pourquoi est-ce que l’entreprise ne serait pas concernée ? ». Or, pour encourager les personnes à apporter leurs témoignages, l’anonymat s’avère effectivement un levier critique surtout si un contributeur est encore en poste dans l’entreprise sur laquelle il partage des éléments.

En revanche, le processus de dépôt d’avis est strictement encadré pour limiter les risques de diffamation caractérisée, voire de mensonges et/ou de basse vengeance. A cet égard, Glassdoor déclare exercer une modération en amont des publications pour veiller à la bonne tenue des commentaires.

De plus, l’identité du membre n’est jamais divulguée. La plateforme requiert néanmoins une adresse e-mail vérifiable pour pouvoir s’inscrire et publier du contenu ou bien les identifiants d’un compte Facebook ou Google +. Une façon de s’assurer que les remarques et indications déposées soient de la plus grande qualité possible et qu’elles émanent bien d’un individu ayant travaillé ou travaillant encore dans l’entreprise citée.

Libérer la parole

Glassdoor - Note ton entreprisePour les directions des ressources humaines et les équipes de communication internes toujours soucieuses d’afficher le profil le plus flatteur de l’entreprise, Glassdoor pose de toute évidence un défi d’envergure. Quiconque a fréquenté les locaux d’une entreprise, sait que la parole critique est rarement accueillie avec bienveillance et ouverture d’esprit. Même si les réseaux sociaux ont délié la parole depuis plusieurs années, il n’est pas toujours de bon ton de laisser transpirer à l’extérieur les petites et grandes incohérences qui pullulent pourtant dans les processus RH des sociétés ou encore de pointer des défaillances en matière de management, de progression salariale ou de parité homme-femme. La plupart du temps, la marque employeur communique sur l’unique registre des salariés épanouis, dynamiques et à la banane permanente. Le reste est mis sous éteignoir.

Cette allergie congénitale des entreprises à la critique avait d’ailleurs été fatale à une initiative similaire apparue en France la même année que Glassdoor aux Etats-Unis. A l’époque, le site Note Ton Entreprise proposait aux salariés français d’attribuer des notes et des commentaires à leur entreprise. Devant le ton parfois cinglant du feedback collecté, le site a dû faire face à une cascade de procès en diffamation intentés par plusieurs sociétés. Sous le poids des procédures, l’aventure a tourné court et est à cet égard symptomatique de la crispation endogène des DRH pour lesquels une bonne image d’employeur se gère encore façon « ceinture et bretelles ».

N’ayez pas peur !

Glassdoor - fiche DanoneL’irruption de Glassdoor en France va inévitablement susciter quelques sueurs froides chez les tenants de l’antienne éculée de l’entreprise parfaite. Il serait pourtant regrettable que Glassdoor subisse à son tour le triste sort de son prédécesseur. Alors que les DRH n’ont de cesse d’imposer des formations 360° à leurs salariés pour les aider à s’améliorer dans leurs pratiques managériales et professionnelles, ceux-ci seraient bien inspirés de considérer Glassdoor comme un gigantesque 360° au bénéfice de l’entreprise. Les données disponibles sur la plateforme peuvent en effet constituer autant de pistes d’amélioration à enclencher. Ceci d’autant plus que les contributeurs ne s’adonnent pas au pilonnage systématique de leur entreprise. Pierre Moreau note ainsi (6) : « La moyenne sur notre site est de 3,3/5. On voit donc qu’une majorité de gens apprécient leur entreprise ».

Directeur général de l’agence britannique Reputation.com, Richard Harrison voit même en Glassdoor un levier fantastique pour aider les entreprises à piloter leur réputation de manière plus dynamique et concrète. Dans un article plaidoyer, il distingue ainsi 5 axes à explorer pour faire de Glassdoor un atout réputationnel plutôt qu’un caillou dans la chaussure (7) :

  • Cela permet de veiller en permanence sur ce qui est dit à propos de l’entreprise
  • Cela permet de répondre en toute circonstance que ce soit pour remercier ou pour traiter un problème
  • Cela permet de s’assurer que le problème est concrètement en voie de résolution
  • Cela permet d’afficher son humanité et de cultiver sa propre tonalité plutôt qu’être une entité corporate sans visage
  • Cela permet d’être vu comme une entreprise qui agit. Agir suite à un feedback négatif n’est pas preuve de faiblesse mais signe au contraire qu’on tient compte de ce qui est dit

Autre point non négligeable : réduire les gaps de perception qui perdurent régulièrement entre les candidats et les recruteurs. Lénifier et/ou farder les atours d’une entreprise permet sans doute de faire la différence dans un premier temps pour attirer un talent qu’on veut absolument intégrer dans ses rangs. En revanche, l’illusion a tendance à se dissiper bien vite au fil des mois qui s’écoulent et de l’expérience « in vivo » que le nouveau recruté vit. Or, plus est grand le hiatus entre le discours initial de l’entreprise et la réalité brute, plus s’accentuent les risques de démotivation mais aussi de mauvaises appréciations diffusées … sur Glassdoor ! Un tel grand écart n’est au final bénéfique pour personne.

Les premières notes sont tombées

Glassdoor - fiche RenaultLe développement de Glassdoor en France (mais aussi dans plusieurs autres pays européens comme l’Allemagne, la Suisse, l’Espagne, l’Italie) va à ce titre être intéressant à suivre. Les entreprises vont-elles jouer le jeu d’une plus grande transparence ou vont-elles au contraire continuer à se recroqueviller dans les sempiternelles campagnes d’image SWAG ? Il est encore prématuré de répondre mais les premières indications en termes de notes devraient pourtant inciter à une audace un peu plus prononcée chez les DRH et communicants internes.

Le site Zone Bourse s’est en effet amusé à scruter les scores obtenus par quelques fleurons du CAC 40. On est par exemple loin de la déroute réputationnelle pour les grandes banques qui sont pourtant par ailleurs largement vilipendées par leurs clients. Ainsi, les salariés français de BNP Paribas donnent une note de 3,2/5 (1 équivaut à très mécontent, 5 à très satisfait) et ils sont 70 % à approuver le PDG Jean-Laurent Bonnafé. Du côté de la Société Générale, on rencontre un écho similaire avec une note globale de 3,1/5 décernée par les employés, qui approuvent dans la foulée le PDG Frédéric Oudéa à 74 %. Et si on ouvrait un peu plus les portes de la marque employeur ?

Sources

– (1) – « Etude Glassdoor : un tiers des salariés français déçu par leur job » – Finyear.com – 12 novembre 2014
– (2) – Laure-Emmanuelle Husson – « Comment Glassdoor veut bousculer la recherche d’emploi en France » – Challenges.fr – 14 octobre 2014
– (3) – Ibid.
– (4) – « Glassdoor lance son site en France » – Zonebourse.com – 14 octobre 2014
– (5) – Laure-Emmanuelle Husson – « Comment Glassdoor veut bousculer la recherche d’emploi en France » – Challenges.fr – 14 octobre 2014
– (6) – Ibid.
– (7) – Richard Harrison – « From TripAdvisor to Glassdoor: Using reviews to tailor your online reputation » – The Drum – 14 novembre 2014
– (8) – « Glassdoor lance son site en France » – Zonebourse.com – 14 octobre 2014



6 commentaires sur “Glassdoor, ce site de notation qui défie la communication interne et la marque employeur de papa !

  1. administrateur@notetasociete.com  - 

    Bonjour,

    Il existe depuis peu une alternative frenchie à GlassDoor qui s’appelle : notetasociete.com 🙂

    Je vous invite à y faire un tour et à nous faire un petit feedback si le cœur vous en dit à cette adresse : notetasociete@gmail.com

    C’est une version béta, vos remarques sont une bénédictions 🙂

    N’hésitez pas également à utiliser l’outils qui vous appartient dorénavant.

    L’équipe NTS

  2. Manon  - 

    Cet outil est fort intéressant pour les futurs salariés car ils ont ainsi une vision plus réaliste de l’entreprise dans laquelle ils veulent se faire embaucher. Pour les entreprises, l’existence de ce site est à double tranchant car elles peuvent gagner en notoriété et une bonne réputation via les commentaires comme elles peuvent récolter de mauvais commentaires. Et en parlant justement de commentaires, le risque qu’il y ait des gens mal intentionné existe toujours.

  3. Si j'étais DRH  - 

    Bravo pour cet article qui présente très bien ce nouvel « outil » à disposition des employeurs, des salariés et futurs salariés. Comme vous le dites très justement, les critiques négatives qui pourraient être soulevées sont autant d’axes et de chantiers d’amélioration à étudier et à enclencher pour les départements de Ressources Humaines. Par ailleurs, il est légitime que les futurs salariés aient accès à de telles informations, je le considère comme un lieu de vie du salarié à part entière! Et donc, il est évident que la sélection n’émane pas seulement de l’entreprise pour le choix d’un candidat. Et puis, un candidat qui s’est bien renseigné et qui arrive en entretien en sachant à quoi s’attendre s’il est embauché est inévitablement un candidat plus convaincant!!

  4. Nic  - 

    Encore un très bon article !

    « Ce qui n’est d’ailleurs pas s’en* poser de problèmes comme le met largement en évidence la récente étude menée conjointement par Glassdoor et Harris Interactive et publiée en novembre 2014 (1). »

    Cordialement.

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